Sécurité incendie : pourquoi un régime de dérogations dans les bâtiments ?

21 octobre 20225 min

Jusqu’à la réécriture du code de la construction et de l’habitation induit par Essoc II, la réglementation incendie reposait essentiellement sur des obligations de moyens. Cependant, en cas d’impossibilité d’application de certaines règles, des dérogations étaient octroyées.

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La réglementation incendie française a été conçue de manière essentiellement prescriptrice, à l’aune des grands incendies ou catastrophes. Ces obligations de moyens sont une suite de dispositions techniques et administratives à respecter scrupuleusement. Si le modèle réglementaire prescriptif a prouvé son efficacité, il ne répond pas pour autant à tous les cas de figure. Citons notamment :

  • les bâtiments anciens ;
  • certaines problématiques de mise en sécurité (Ehpad…) ;
  • les projets innovants et/ou complexes (atrium, grands volumes, mezzanines, scènes tournantes…) ;
  • les bâtiments voués à la coactivité ou à changer de destination dans le temps.

Notons également qu’il existe parfois des bâtiments « réglementaires » mais néanmoins dangereux, du fait du principe de non-rétroactivité des textes réglementaires (cf. le rapport « Grenfell » du CSTB de juin 2017 sur les bâtiments d’habitation construits avant 1986).

Régime de dérogations

Partant de ce constat, la réglementation incendie est souvent délicate d’application et une écrasante majorité d’établissements disposent de dérogations, mineures ou majeures. La réglementation ne peut en effet pas toujours être appliquée littéralement et des prescriptions parfois opposées peuvent résulter de l’étude d’un même dossier, en phase de permis de construire et en exploitation.

Lorsque la configuration des locaux ne permet pas de respecter stricto sensu les règles prescriptrices de sécurité, le maître d’ouvrage ou l’exploitant peut déposer une demande de dérogation aux règles de sécurité incendie (et/ou aux règles d’accessibilité).

Mesures compensatoires

La démarche prévoit dès lors de proposer des mesures compensatoires. Celles-ci doivent avoir pour effet de proposer des solutions alternatives à la solution prescrite par la réglementation et de permettre d’arriver à un niveau de sécurité incendie (ou d’accessibilité) qui sera jugé équivalent par l’autorité publique compétente.

En l’occurrence, la commission de sécurité (CCDSA) pour ce qui concerne les ERP et les IGH.

Dérogations, mode d’emploi

La procédure actuelle concernant les demandes de dérogation consiste à compenser les manquements à une règle pour atteindre un niveau de sécurité équivalent, ce qui induit de facto de respecter les objectifs à atteindre. La jurisprudence identifie ces objectifs comme étant prioritairement la capacité à:

  • limiter la propagation du feu ;
  • mettre en sécurité de façon rapide et sans panique les occupants ;
  • permettre l’intervention aisée des secours ;
  • disposer d’équipements fiables et pérennes le jour J.

Les demandes de dérogation sont formulées par écrit par le demandeur et intégrées au dossier de demande de travaux (permis de construire, rapport de vérification complémentaire après travaux…). Chaque demande doit faire l’objet d’une fiche détaillée qui indique :

  • la règle à laquelle il est demandé de déroger ;
  • les éléments du projet auxquels s’applique la demande ;
  • la justification et la motivation des demandes ;
  • les mesures compensatoires proposées.

Evaluation des mesures compensatoires

En matière de dérogations, les réponses argumentées justifiant des mesures compensatoires, ciblées et spécifiques, sont complexes à juger en termes de résultat. Elles doivent s’appuyer sur des méthodes et des experts qui ne peuvent souffrir de discussions.

La démarche intellectuelle concernant l’étude des dérogations consiste à étudier en priorité les conditions d’évacuation et de mise en sécurité des occupants et d’être particulièrement vigilant sur les éléments pouvant remettre en cause une ou plusieurs étapes de la mise en sécurité (alarme, cheminements, qualité et nombre des dégagements, protection des escaliers, éclairage de sécurité, etc.).

L’évaluation des mesures proposées est, en règle générale, réalisée au moyen d’une analyse du risque incendie.

Les textes suivants ont permis le système actuel de dérogations, jusqu’à la réécriture du CCH au 30 juin 2021 :

  • l’article 111-16 du CCH concernant les habitations : le principe est ici que les aménagements proposés puissent assurer aux bâtiments les mêmes garanties de sécurité ;
  • l’article 4216-32 et suivants du code du Travail concernant les lieux de travail ;
  • l’article 122-11-1 (abrogé le 30 juin 2021) et suivants du CCH concernant les IGH ;
  • l’article 123-13 du CCH (abrogé le 30 juin 2021), concernant les ERP, prévoit que des prescriptions exceptionnelles en atténuation aux règles de sécurité peuvent être prises en raison de la conception des établissements ou de dispositions particulières, notamment d’exploitation. Il prévoit également des mesures spéciales destinées à compenser les atténuations. Ces mesures sont décidées soit par l’autorité chargée de la délivrance du permis de construire si la décision est prise au moment de cette délivrance, soit par l’autorité de police dans les autres cas. Les dérogations en atténuation ne peuvent être décidées qu’après avis conforme de la Commission consultative départementale de la protection civile ;
  • l’article GN 4 de l’arrêté du 25 juin 1980 – Règlement de sécurité des ERP – prévoit, en cas de besoin, qu’il est admis des adaptations des règles de sécurité, à condition de ne pas diminuer le niveau de sécurité des personnes et de mentionner les dispositions exceptionnelles approuvées par l’autorité compétente.

Article extrait du n° 586 de Face au Risque : « La réglementation incendie en reconstruction » (octobre 2022).

Sébastien Samueli, directeur des relations publiques du Groupe CNPP

Sébastien Samueli

Directeur des relations publiques du Groupe CNPP

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