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Il y a… 40 ans, un incendie provoque une énorme pollution du Rhône
Le 15 juin 1985, un violent incendie se déclare dans un stockage de produits chimiques sur le site de Rhône-Poulenc à Roussillon (Isère). Chargées de composants toxiques, les eaux d’extinction sont entraînées dans le Rhône. C’est le début d’une pollution qui durera deux jours et touchera trois départements.
En 1985, l’usine Rhône-Poulenc de Roussillon s’étend sur 95 ha et borde le Rhône sur plus de 2 km. Elle produit de nombreux produits chimiques, et fait partie des 300 sites visés à l’époque par la directive Seveso 1, apparue trois ans plus tôt.
L’incendie
Il est 22 h 15 ce samedi lorsqu’un témoin aperçoit des flammes s’échappant d’un bâtiment désaffecté, qui stocke environ 800 tonnes de produits chimiques sur le site. L’équipe de pompiers internes, qui dispose de puissants engins d’intervention, arrive très vite sur place.
Les intervenants sont immédiatement préoccupés par la violence du feu et la présence de deux dangers potentiels. D’une part, le stockage de treize conteneurs adossés à la façade sud de sulfate de diméthyle liquide, produit extrêmement toxique lorsqu’il se dégage dans l’air. Et, d’autre part, la proximité d’une unité d’acide nitrique et de son gazomètre d’ammoniac. Alors que les moyens d’extinction s’établissent, la charpente et la toiture du bâtiment s’écroulent. La mousse anti-incendie est mise en œuvre mais elle reste sans effet sur le feu du fait des nombreux obstacles à la formation d’un film uniforme. Les pompiers en sont donc réduits à une unique solution : un arrosage massif à l’eau pour refroidir les flammes et empêcher la propagation du feu.
Ce n’est qu’un peu plus tard, alors que le risque de pollution du Rhône se concrétise via le réseau d’eaux pluviales (le site ne dispose pas de rétention), que la nature des produits stockés est connue : 639 tonnes de pyrocatéchine, 88 tonnes d’oxydiazon et 80 tonnes de diphénylpropane. Les deux premières substances sont notamment connues pour leur toxicité pour les organismes aquatiques. Un dispositif de surveillance des eaux du Rhône est organisé.
La pollution
Le lendemain matin, quelques heures après l’extinction de l’incendie, les premiers effets de la pollution apparaissent : des milliers de poissons morts sont repérés à la surface du fleuve, jusqu’à 70 km en aval du site. Au total soixante-dix tonnes de poissons morts seront récupérées et incinérées.
Alors que la presse déplore la troisième pollution du Rhône en l’espace de neuf ans, le plan Orsec n’est pas déclenché mais une cellule de crise est mise en place au sein des trois départements concernés (Ardèche, Drôme, Vaucluse), avec une coordination interdépartementale. Les stations de pompage et la distribution d’eau potable sont arrêtées. Il est interdit à la population de se baigner, de pêcher, d’arroser, et de ramasser les poissons morts.
Une campagne de prélèvements et d’analyses réguliers le long du fleuve est menée afin de mesurer l’intensité de la pollution et son évolution au fil de l’eau. Au total, la perturbation de la distribution en eau potable durera deux jours, impactera les riverains du fleuve jusqu’à 200 km en aval, touchant plus de 130 000 habitants.
Les mesures prises
À la suite de cet incendie, dont l’origine reste inconnue, les autorités imposeront un renforcement de la sécurité du site :
- renforcement de la surveillance et de la détection des incendies ;
- surveillance en continu des rejets aqueux en plusieurs points ;
- création d’un bassin de rétention des eaux de 10 000 m³ ;
- modélisation de la dispersion des effluents toxiques dans le Rhône lors d’un accident, au travers d’un programme de calcul spécifique combinant prélèvements dans le fleuve, analyses et anticipations de la pollution en fonction des caractéristiques du fleuve (débit, etc.) et de la substance analysée (durée du rejet, etc.).
L’exploitant sera condamné à verser la somme de 2,6 millions de francs à une quinzaine d’associations et de sociétés de pêche. La directive Seveso 1 verra son champ progressivement étendu à la suite de l’accident de Bâle en 1986, le Rhin ayant été gravement pollué après l’incendie d’une usine de produits agropharmaceutiques.
Sources : Fiche 4997 du Barpi ; Feu instructif « Rhône-Poulenc, pollution sur 150 km » (Face au Risque n° 217 – Novembre 1985).
Article extrait du n° 607 de Face au Risque : « Réglementation incendie et construction bois » (mai-juin 2025).
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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