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Santé mentale : l’impact de la crise sanitaire en chiffres

28 mars 2022•Gaëlle Carcaly•5 min•

La crise sanitaire, les confinements successifs, le télétravail contraint ont bouleversé l’organisation du travail et mis à l’épreuve la santé mentale des salariés. La preuve en chiffres.

Risques psychosociaux : l’explosion

Activité réduite pour certains, intensifiée pour d’autres, télétravail, réorganisation : la crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19 a fortement impacté le monde du travail.

Conséquences sur les conditions de travail

La Dares publiait, fin mai 2021, un bilan des conséquences de ces changements sur les conditions de travail avec les résultats de son enquête Tracov, menée du 25 janvier au 7 mars 2021 en France métropolitaine auprès de 17 216 individus. En voici quelques résultats significatifs :

Peu d'impact pour
1 travailleur sur 2

Pour la moitié des salariés, les conditions de travail ont peu changé avec la crise sanitaire, seule l’insécurité de l’emploi a augmenté. Il s’agit principalement d’ouvriers de plus de 45 ans, travaillant dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et de la construction. L’activité y a été plus stable et le télétravail moins répandu. Les gestes barrières ont moins souvent représenté une gêne pour travailler. Et les répondants rapportent aussi beaucoup de coopération et de soutien au sein du collectif de travail.

Intensification pour
1 travailleur sur 3

Pour un tiers des personnes interrogées, le travail s’est intensifié (horaires plus longs, plus atypiques, travail plus intense) et les exigences émotionnelles ont augmenté, mais le sens du travail s’est renforcé. Les secteurs de la santé et de l’action sociale, de l’enseignement et du commerce de détail, ainsi que les femmes, les cadres et les professions intermédiaires sont surreprésentés. Ces travailleurs ont déclaré une plus grande autonomie, plus d’aide de leurs chefs et collègues et du respect pour le travail réalisé.

Dégradation pour
1 travailleur sur 10

Pour 10 % des travailleurs, les conditions de travail se sont nettement dégradées, avec une surcharge de travail par rapport à l’avant crise, et une augmentation des RPS. Sont surreprésentés dans cette catégorie les femmes, le secteur de l’enseignement et certains services comme les secteurs de la banque et de l’assurance, et les télétravailleurs. Un manque de moyens pour effectuer correctement son travail, des difficultés à maîtriser les outils numériques pour le télétravail et des problèmes de coopération au sein du collectif sont souvent rapportés.

Accalmie pour
1 travailleur sur 25

4 % des actifs interrogés ont connu une relative amélioration de leurs conditions de travail. Il s’agit principalement d’hommes de moins de 34 ans, ouvriers ou employés dans des secteurs fortement affectés comme les activités culturelles, l’hébergement, la restauration. La coopération et le soutien social se sont maintenus, voire renforcés, et le sentiment d’utilité de leur travail s’est amélioré. Toutefois, l’insécurité socio-économique a souvent progressé, entraînant une grande exposition aux risques psychosociaux.

L’absentéisme augmente

Après une baisse en 2020, l’absentéisme repart à la hausse en 2021 avec 38 % des salariés qui se sont vu prescrire un arrêt de travail en 2021. Les troubles psychologiques sont la 4e cause des arrêts (après la maladie ordinaire, les troubles musculosquelettiques et les accidents ou traumatismes) et représentent 15 % des arrêts maladie. Ils constituent le second motif des arrêts longs (16 %) après les accidents ou traumatismes (31 %). Les arrêts pour motif psychologique concernent davantage les jeunes, les familles monoparentales ou encore les télétravailleurs. Ils sont également plus présents dans les secteurs de la santé et du commerce.

Source : Baromètre annuel Absentéisme Maladie de Malakoff Humanis, réalisé par l’Ifop auprès d’un échantillon de 2 009 salariés et 401 dirigeants ou DRH d’entreprises du secteur privé, du 23 août au 24 septembre 2021.

Fragilisation générale de l’état psychologique des salariés

65 % des salariés estiment être en bonne santé
et 82 % se déclarent satisfaits de leur travail.

Une analyse plus détaillée des perceptions révèle cependant qu’un salarié sur dix évalue négativement sa santé mentale. 35 % des salariés déclarent être stressés, 24 % disent être à bout de force et 30 % éprouvent un sentiment d’insécurité professionnelle. Le manque de reconnaissance, le manque de clarté des rôles et missions des salariés et la charge de travail ont des répercussions négatives sur la santé mentale des salariés.

Source : Etude « Santé mentale et risques psychosociaux des salariés », réalisée par Harris Interactive pour Malakoff Humanis auprès de 1 500 salariés du secteur privé – Recueil en ligne du 28 avril au 10 mai 2021.

Risque dépressif

x 2

Début 2021, l’état de santé psychique des travailleurs était fortement dégradé, avec un doublement du risque dépressif. 23 % des salariés avaient un score WHO-5^[1] associé à un risque élevé de dépression, plus du double de la proportion mesurée en 2019.

[1] WHO-5 : questionnaire développé par l’Organisation mondiale de la santé qui comporte cinq questions permettant d’évaluer le bien-être psychologique des personnes interrogées. Source : Dares – Enquête Tracov

Consommations d’antidépresseurs

Entre mars 2020 et avril 2021, d’après la 6^e étude de pharmaco-épidémiologie du groupement d’intérêt scientifique Epi-Phare, on observe les augmentations suivantes :

de délivrances d’antidépresseurs en plus

délivrances d’antipsychotiques supplémentaires

de délivrances d’anxiolytiques en plus

de délivrances d’hypnotiques supplémentaires

L’État psychologique après un an de crise

45 % des salariés français se disent en détresse psychologique (-5 points par rapport à 2020) et un salarié sur deux dit travailler constamment en « mode crise ». Les populations les plus à risques sont les moins de 29 ans, les managers et les femmes.

Un tiers des salariés considèrent que les tensions entre collègues s’accentuent.
Pour 1 salarié sur 4, le harcèlement au travail a augmenté.

Pour 1 salarié sur 2, le manque de lien social avec les collègues impacte négativement le sens qu’il donne à leur travail. Par ailleurs, 1 salarié sur 3 déclare qu’après la crise, il cherchera un autre travail qui a plus de sens.

Source : Baromètre T6 du cabinet Empreinte Humaine. Sondage réalisé par Opinion Way auprès de 2008 salariés sur 1er au 10 mars 2021.

Article extrait du n° 580 de Face au Risque : « Troubles psychosociaux : l’explosion » (mars 2022).

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