Articuler sécurité incendie et sûreté attentat

29 juin 20237 min

En cas de danger imminent, incendie ou attentat, l’organisation de la mise en sécurité au sein des sites est capitale. L’objectif commun est la préservation des personnes et des biens. En fonction du danger, deux comportements sont attendus : l’évacuation et/ou la mise à l’abri. Focus sur les points communs et les différences dans les deux approches des plans de sécurisation.

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Le contexte réglementaire

Risque incendie

Contexte règlementaire en sécurité incendie.

Objectif protection
des personnes
Salariés Occupants Public
Établissement Bâtiments à usage professionnel (BUP) Immeubles de grande hauteur (IGH) Établissements recevant du public (ERP)
Prescripteur Ministère du Travail Ministère de l’Intérieur
Obligation de résultats L.4121-1 du code du travail
Obligation employeur
R.146-4 du CCH
Obligation exploitant/propriétaire
R.143-3 du CCH
Obligation exploitant/propriétaire
Obligation de moyens R.4216-1 et suivants
R.4227-1 et suivants du code du travail
Arrêté du 30 décembre 2011 modifié et Règlement de sécurité Arrêté du 25 juin 1980 modifié et Règlement de sécurité

Menace d’attaque

Hormis dans certains secteurs (portuaire, aéroportuaire, OIV…), la réglementation est moins fournie en sûreté. À l’image des Sosi (Schéma d’organisation de la sécurité en cas d’incendie) en ERP de type U et des Sogs (Schéma d’organisation globale de la sécurité) en type M pour la sécurité incendie, deux types d’établissements sont soumis à l’obligation de rédiger un plan de sécurisation en cas d’attaque :

  • depuis l’instruction du 12 avril 2017 du ministère de l’Éducation nationale, les établissements d’enseignement du primaire et du secondaire sont tenus d’établir deux PPMS. L’un pour faire face aux accidents majeurs (catastrophes naturelles, risques technologiques), l’autre pour prendre en compte la menace attentat-intrusion ;
  • le décret 2016-1327 du 6 octobre 2016 impose un Plan de sécurisation des établissements (PSE) dans tous les établissements hospitaliers publics et privés.

Néanmoins, comme le rappelle le Guide des bonnes pratiques pour la sûreté des espaces publics du SGDSN, face au niveau de la menace, l’action publique ne peut être efficace sans le concours de la société civile tout entière : « Les exploitants d’établissements recevant du public (ERP) et les représentants politiques locaux ont donc une responsabilité pénale et morale dans la mise en œuvre de mesures de sécurité. »

L’analyse de risque

Interaction

Le risque incendie reste prioritaire par rapport à la menace d’attaque. Néanmoins, il est nécessaire de prendre en compte les scénarios majorants combinant incendie et attaque.

Outils

Malgré les différences de nature entre le risque incendie et la menace d’attaque, les outils conceptuels sont analogues : une analyse de risque reposant sur une approche par scénarios, des cotations du risque (probabilité/gravité), un plan de traitement consistant en mesures de prévention et de protection pertinentes et performantes.

Incendie Attaque
Danger
Le danger repose sur le feu, un phénomène physico-chimique dont la cinétique peut être modélisée. La menace est protéiforme, mouvante et évolutive. Son apparition et son développement n’obéissent à aucune autre loi que la complexité de l’imagination humaine.
Réglementation
Elle est abondante et codifiée, très prescriptrice en ERP-IGH. Elle est récente, moins fournie, faite d’éléments contenus dans des guides et des consignes de sources diverses.
Culture de sécurité
La culture est mature à propos d’un risque connu : on peut parler d’une maîtrise du risque incendie. La menace est récente et parfois sous-estimée. Elle nécessite encore une large acculturation pour une meilleure prise en compte.

Les objectifs visés par le plan de sécurisation

Incendie Attaque
Évacuer rapidement la totalité des personnes présentes ou différer leur évacuation dans des conditions de sécurité maximale. Limiter la panique et l’exposition des occupants à la menace, et par conséquent le nombre de victimes.
Limiter la propagation de l’incendie à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments. Ralentir la menace par tous les moyens disponibles et autorisés à l’intérieur du site.
Favoriser l’accès et l’intervention des services de secours et lutte contre l’incendie. Favoriser l’accès et l’intervention des forces de l’ordre.

Interaction

Les moyens mis en place pour atteindre un résultat peuvent entrer en conflit avec un autre objectif. Par exemple, l’implantation de dispositif antivéhicule-bélier peut parasiter l’accès des forces d’intervention. Ou encore, le contrôle d’accès ne doit pas venir bloquer la vacuité des issues de secours.

Approche performancielle

La réglementation incendie, très prescriptrice notamment en ERP et IGH, repose de plus en plus sur une obligation de résultat. Une approche performancielle qui s’est traduite récemment dans la loi Essoc et la mise en place du dispositif de solution d’effet équivalent.

A contrario, il n’y a pas à proprement parler de résultats attendus dans les recommandations de sûreté formulées par les autorités en cas d’attaque. Néanmoins, le plan de mise en sécurité nécessite de faire appel à des scénarios réalistes, en apportant des réponses qui visent des objectifs atteignables par l’organisation. Comme le rappelle le plan Vigipirate, « une bonne organisation préalable de vos établissements ainsi qu’une réaction adaptée des personnels peuvent sauver des vies ».

En cas d’alarme, conduite à tenir par les occupants

Incendie Attaque
Le danger est à l’intérieur du bâtiment Évacuation ou éloignement de la source du danger (transfert horizontal/EAS) dans l’attente. Évacuation prudentielle et/ou mise à l’abri dans une zone protégée.
Le danger est à l’extérieur du bâtiment Confinement. Mise à l’abri dans une zone protégée.

Réactions attendues

En cas de survenue de l’événement redouté dans un périmètre identifié, la conduite à tenir est relativement claire et univoque dans le cas de l’incendie. La rapidité de son exécution constitue un facteur favorable.

En revanche, comme le rappelle la consigne Vigipirate, « en cas d’attaque armée, il est nécessaire de déterminer la réponse la plus appropriée à la situation ». La situation n’est pas figée, la menace évolue : il faut donc « adopter les modes de réaction aux circonstances ». À l’intérieur du site où se déroule l’attaque, l’évacuation prudentielle est envisageable si elle peut être réalisée sans risques. Si s’échapper semble trop dangereux, alors la mise à l’abri dans une zone protégée à l’intérieur du bâtiment est préférable. La complexité de la conduite à tenir dépend notamment de l’étendue et de la configuration du site, de sa fréquentation, de la chaîne d’alerte, de la connaissance des lieux par les occupants.

Circonstances exceptionnelles

À noter qu’à côté des deux recommandations initialement conseillées par les autorités (« s’échapper » et « se cacher »), une 3e posture a récemment fait son apparition dans la plaquette Vigipirate : « Résister, si se cacher ou évacuer est impossible, et si votre vie est en danger. »

Afin d’organiser de façon optimale la mise en sécurité-sûreté d’un site, il faut :

  1. Connaître la réglementation en vigueur et travailler avec l’ensemble des acteurs internes et des parties prenantes (référents sécurité et/ou sûreté, forces d’intervention…).
  2. Connaître les comportements humains en situation de danger afin de mieux préparer les réactions attendues des occupants.
  3. Évaluer le temps de mise en sécurité-sûreté, même si cela reste très difficile en cas d’attaque.
  4. Identifier les acteurs nécessaires au bon fonctionnement du processus de mise en sécurité-sûreté, qui seront formés pour superviser les opérations dès le déclenchement de l’alarme.
  5. Mettre en place une procédure organisationnelle complète et adéquate, depuis l’élaboration de consignes et de plans jusqu’à la réalisation d’exercices.
  6. Prévoir les éléments d’ordre technique, comme les aménagements et les équipements nécessaires, accompagnant l’organisation prédéfinie.

Article extrait du n° 593 de Face au Risque : « Évacuation et mise à l’abri » (juin 2023).

Bernard Jaguenaud, rédacteur en chef

Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef

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