Cas pratique : mise en sécurité à l’hôpital H

29 juin 202310 min

Établissements de toutes tailles conçus pour être, pour la plupart, «ouverts sur la ville» avec parfois un grand nombre de bâtiments, les hôpitaux sont complexes à sécuriser. Avec des publics variés, dont certains ne peuvent pas se déplacer ou être déplacés, des équipements ou produits qui peuvent être dangereux, ces établissements représentent un défi concernant la mise en sécurité des occupants. Quelle organisation mettre en place ? Comment faire cohabiter sécurité incendie et sûreté ? Éléments de réponse avec un exemple fictif et les conseils de Dominique Cotelle, responsable sécurité incendie et sûreté et officier de sécurité du Centre hospitalier régional d’Orléans.

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Prenons l’exemple de l’hôpital H, dont les caractéristiques, imaginées à partir de différents retours d’expérience de Dominique Cotelle, sont les suivantes :

L’hôpital H – ERP de type U de 1re catégorie

  • Bâtiment de 400 m de long (sur 9 niveaux) et 120 000 m² sur un site de plusieurs dizaines d’hectares, entouré d’une clôture dont la longueur se mesure en kilomètres.
  • Hall principal sur deux niveaux et circulation communicante non recoupée.
  • Environ 10 km de couloirs.
  • 10 entrées et plusieurs dizaines de sorties de secours (autant de vulnérabilités potentielles).
  • Parking souterrain de 600 places.
  • 80 services.
  • Plus de 1 000 lits.
  • 1 100 consultations quotidiennes.
  • 300 passages aux urgences par jour.
  • 3 500 personnels sur le site avec un roulement H24 pour les soignants et un pic de plus de 2 000 personnels simultanément.

L’exemple pris représente un établissement de grande taille. Un établissement de petite ou de moyenne dimension aura les mêmes difficultés à se protéger, la problématique étant amplifiée dans le cas présent au regard des caractéristiques « hors normes ».

L’équipe sécurité

Dans cet établissement fictif, le responsable sécurité incendie et sûreté gère :

  • la prévention du risque d’incendie ;
  • la prévention des actes de violence et de malveillance ;
  • la prévention des actes de terrorisme ;
  • la gestion des flux de véhicules.

Il est épaulé d’un adjoint, désigné chef de service de sécurité incendie et sûreté, et de 43 agents (personnel de l’hôpital) qualifiés Ssiap et titulaires du titre à finalité professionnelle d’agent de prévention et de sécurité (TFP APS) qui assurent les missions liées à la sécurité incendie et à la sûreté. Sept agents sont présents 24 heures sur 24. Un maître-chien d’une société prestataire assure un renfort la nuit.

L’organisation immédiate de la réponse repose sur un binôme indissociable et interopérable, constitué du chef d’équipe et de son adjoint, auxquels le responsable sécurité demande la même connaissance du terrain et la capacité à gérer une situation de tension au PC de sécurité.

Lors de la construction de l’hôpital H, la commission de sécurité a validé l’installation d’un PC unique (dérogation) avec les SSI, la vidéosurveillance et le contrôle d’accès au même endroit.

L’avis de Dominique Cotelle

La polyvalence et la mixité des missions sont, d’après moi, essentielles. Qu’il s’agisse d’incendie ou de sûreté, la mission est la même : veiller à la sécurité et à la sérénité de toutes les personnes présentes dans l’hôpital. Ce sont deux approches différentes d’une même profession. Au lieu de me focaliser sur les divergences, je vois au contraire des points de convergence : le droit d’appréhension, la légitime défense et la non-assistance à personne en danger s’appliquent à tout citoyen. Bien évidemment, l’équipe de sécurité doit être formée à chaque facette du métier, c’est la raison pour laquelle chaque membre de mon équipe possède la double qualification. Et surtout aujourd’hui, quel hôpital a les moyens de financer deux services ?

Dominique Cotelle
Responsable sécurité incendie et sûreté et officier de sécurité du Centre hospitalier régional d’Orléans

Les équipements

  • Systèmes de sécurité incendie. 12 équipements de contrôle et de signalisation (ECS), 37 centralisateurs de mise en sécurité incendie (CMSI), 9 000 détecteurs automatiques d’incendie, 800 portes coupe-feu asservies, 800 clapets coupe-feu, 1 200 volets de désenfumage, 360 moteurs de désenfumage, 300 commandes de nonstop des ascenseurs, 110 commandes d’arrêt des centrales de traitement d’air (CTA), 2 installations fixes d’extinction automatique à gaz.
  • Contrôle d’accès. Mise en place d’un badge individuel pour le personnel. Tous les points névralgiques et les zones sensibles ne sont accessibles qu’aux seules personnes autorisées. Les services et locaux dans lesquels les accès sont limités peuvent ainsi être sécurisés. Au total, plus de 1 000 lecteurs de badges sont déployés sur l’ensemble du bâtiment.
  • Tableau répétiteur d’exploitation (TRE). La réglementation en exige un par étage. Ils sont disposés dans chaque salle de soins, ce qui en fait plus de 100 dans l’hôpital. Ils affichent en synthèse les états d’alarme des SDI (systèmes de détection incendie) auxquels ils sont associés.
  • Vidéoprotection. Près de 200 caméras réparties dans l’ensemble du bâtiment, permettent de suivre, reconnaître et/ou identifier un individu suspect aux abords et dans les parties communes. Les points névralgiques sont couverts par le système de vidéoprotection.

Mise en sécurité des occupants

Agents de sécurité Personnels Public
Les consignes Incendie Plan d’organisation des secours internes (Posi)
Sûreté Plan particulier de protection
Incendie Fiches réflexe du Posi
Sûreté Affiche du SGDSN (Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale), consignes spéciales (voir ci-après)
Incendie Consigne d’évacuation
Sûreté Affiche du SGDSN et affiche « attentifs ensemble »
L’alarme Incendie Via les SSI, les TRE répartis dans le bâtiment et sur le site et les AGS (alarme générale sélective) dans les circulations
Sûreté Pas d’alarme
L’alerte Incendie Déclenchée par le stationnaire au PC de sécurité
Sûreté Sur le volet attaque massive, l’hôpital a mis en place un système d’alerte via GSM (téléphonie mobile) et DECT (téléphonie fixe sans fil) du personnel. Le responsable sécurité étudie actuellement la faisabilité d’envoyer un pop-up qui s’ouvrirait sur les postes de travail. L’alerte est uniquement déclenchée par le stationnaire au PC de sécurité.
Formation/Sensibilisation Incendie Recyclage Ssiap selon la périodicité réglementaire
Sûreté Maintien des acquis des connaissances APS selon la périodicité réglementaire
En interne : suivi de l’acquisition des connaissances des nouveaux arrivants dans le service et suivi régulier
Incendie Formation à partir du triptyque « théorie, manipulation des extincteurs et séances in situ », livret de formation et film pédagogique expliquant les scénarios de mise en sécurité des patients (cf. logigramme page suivante)
Sûreté Formation à la gestion des situations d’agression, sensibilisation sur la conduite à tenir en cas d’attaque sur le site via un film pédagogique
Incendie et Sûreté Sensibilisation via le livret d’accueil d’une personne hospitalisée
Exercices d’évacuation Incendie et Sûreté Entraînements hebdomadaires avec mise en situation sur les deux volets Incendie Exercice « grandeur nature » annuel
Sûreté : non, car montage difficile en présence du public
Oui, uniquement sur le volet incendie (transfert horizontal des patients)

Organisation de la sécurité en cas d’incendie

Transfert horizontal, schéma d’organisation de la sécurité en cas d’incendie, équipement d’alarme, système d’alerte, formation du personnel, consignes et affichage… : tout est régi par le Règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) approuvé par arrêté du 25 juin 1980, et plus précisément le livre II, titre II, chapitre IX : Établissements du type U – Établissements de soins (articles U 1 à U 64).

Article U 8 : le niveau de sécurité de l’ensemble de l’établissement repose notamment sur le transfert horizontal des personnes ne pouvant se déplacer par leurs propres moyens au début de l’incendie, vers une zone contiguë et suffisamment protégée.

Article U 41 : le chef d’un établissement de soins doit annexer au registre de sécurité un schéma d’organisation de la sécurité en cas d’incendie. Il devra, plus particulièrement, préciser les obligations définies à l’article U 47 ainsi que l’action du service de sécurité incendie prévu à l’article U 43, lors du déclenchement de l’alarme et de la confirmation d’un sinistre.

Plan Vigipirate

Extrait de la partie publique du plan gouvernemental de vigilance, de prévention et de protection face aux menaces d’actions terroristes n° 102000/SGDSN/PSN/PSE du 1er décembre 2016 : « Chaque citoyen a un rôle à jouer dans la prévention d’un passage à l’acte violent. En signalant un comportement dangereux, vous pouvez éviter qu’un acte criminel soit commis ou limiter sa portée, et ainsi sauver des vies. Tout citoyen a le droit d’être protégé, mais il a le devoir d’agir. »

Sécurisation de l’établissement

L’établissement de santé doit assurer dans son enceinte la sécurité des personnes et des biens. Cette sécurisation concerne les personnels de santé, les patients, les visiteurs et les prestataires.

Conformément au décret n° 2016-1327 du 6 octobre 2016 relatif à l’organisation de la réponse du système de santé (dispositif « Orsan ») et à l’instruction n° SG/HFDS/2016/340 du 4 novembre 2016 relative aux mesures de sécurisation dans les établissements de santé, chaque établissement est tenu d’élaborer un plan de sécurisation d’établissement (PSE), en coordination avec les autorités préfectorales et les forces de sécurité intérieure. Ce plan définit la politique et l’organisation globale mise en place pour sécuriser l’établissement. Il doit être intégré dans le plan de gestion des tensions hospitalières et des SSE (en particulier le chapitre III – Sécurisation complémentaire en situation d’attentat ou de crise locale du PSE).

S’agissant des établissements qui relèvent du secteur d’activité d’importance vitale « Santé », l’élaboration de leur PSE est complémentaire au plan particulier de protection (PPP) de leur(s) point(s) d’importance vitale (PIV). Le PSE portera en particulier sur les mesures non couvertes par le PPP.

Le PSE doit comprendre deux volets :

  • le premier, de portée générale, défini les mesures globales de sécurisation liées à la protection de l’établissement dans la durée en y intégrant les mesures du plan Vigipirate ;
  • le second – nommé « gestion de crise » – précisera les mesures particulières et immédiates de sécurité à mettre en œuvre « notamment en cas de survenance d’un attentat au niveau local et de risques potentiels de surattentat pour l’établissement ».

Article extrait du n° 593 de Face au Risque : « Évacuation et mise à l’abri » (juin 2023).

Gaëlle Carcaly – Journaliste

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