Eiffage mise sur l’innovation pour prévenir les TMS

10 décembre 20219 min

Retour d’expérience. Actif depuis longtemps dans la prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS), Eiffage mise aujourd’hui sur les nouvelles technologies pour compléter les mesures de prévention et de protection déjà en place.


Port de charges lourdes, travaux de manutention, postures contraignantes, actions répétitives, le BTP est un secteur particulièrement touché par les troubles musculo-squelettiques. Si toutes les entreprises sont concernées par la prévention des TMS, Eiffage est particulièrement engagée.

Partenaire de l’EU-Osha pour lutter contre les TMS

Partenaire de la campagne 2020-2022 de l’Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail (EU-Osha) consacrée aux TMS, le groupe Eiffage exerce ses activités à travers les métiers de la construction, de l’immobilier, de l’aménagement, du génie civil, du métal, de la route, de l’énergie systèmes et des concessions.

« La branche Infrastructures du groupe maîtrise l’ensemble des compétences nécessaires à la conception et à la construction d’infrastructures terrestres ou maritimes, explique Erick Lemonnier, directeur de la prévention d’Eiffage branche Infrastructures. Ouvrages d’art, travaux souterrains, terrassement, déconstruction, fondations, travaux ferroviaires, construction routière, production de matériaux, construction métallique… constituent la diversité des métiers au quotidien des collaborateurs. »

Améliorer le confort des opérateurs

La grande famille des TMS est à l’origine de la majorité des reconnaissances de maladies professionnelles chez Eiffage branche Infrastructures. Ces troubles touchent principalement les articulations main-poignet, le dos et les cervicales. Les manutentions manuelles et postures de travail sont à l’origine de 18 % des événements accidentels.

Le groupe a bien compris l’enjeu de cette thématique, qui concerne non seulement la santé mais aussi l’économie. Sa ligne directrice : rechercher le meilleur niveau de protection des salariés, tout en améliorant le confort des opérateurs sur les chantiers.

« La prévention des risques professionnels, ce n’est pas seulement combattre un risque, c’est aussi apporter du bénéfice, du mieux-être à toutes les parties prenantes, que ce soit les individus, l’entreprise ou la société », souligne Erick Lemonnier.

Une étude de 2016 en Allemagne a essayé de quantifier les conséquences des TMS pour la société. Il en ressort une perte de production de l’ordre de 17 Mds € et une perte de productivité supérieure à 30 Mds € pour l’Allemagne. Le champ d’investigation est conséquent. »

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Formation et sensibilisation aux TMS

Il y a une dizaine d’années, le groupe Eiffage a élaboré un plan santé au travail en essayant de se projeter sur les enjeux futurs. Ce plan comprend un cursus de formation, « Les savoirs maîtrisés de sécurité », dont un module est centré sur la santé au travail, avec un focus sur les TMS.

« La formation aux gestes et postures, aux méthodologies, à l’utilisation du matériel est un classique qui reste fondamental, mais cela ne suffit pas, remarque Erick Lemonnier. Les séances d’éveil musculaire, d’assouplissement montrent elles aussi beaucoup d’intérêt. »

Il s’agit d’un véritable accompagnement mais le temps d’appropriation de ce type d’exercice reste long, prévient le directeur de la prévention.

« Il ne faut surtout pas imposer, bousculer. On a lancé la chose il y a une dizaine d’années mais on ne sent que maintenant un vrai développement. C’est lorsque ce type d’action est à l’initiative d’un collaborateur de l’entreprise que cela fonctionne le mieux. »

Sur un chantier du Grand Paris Express (le futur métro du Grand Paris) par exemple, un salarié a créé un parcours de santé, que son équipe et lui font tous les matins.

Mécanisation des tâches difficiles

Outre la formation des salariés, et le recours à des outils qui réduisent l’exposition aux TMS – certains EPI réduisent par exemple l’exposition aux vibrations – Eiffage concentre ses efforts sur l’amélioration des process et méthodologies de travaux, la mécanisation des tâches les plus contraignantes et sur la conception d’innovations au service des utilisateurs.

Lors de la préparation des travaux du Grand Paris Express, l’analyse des risques a par exemple pointé un poste de travail en souterrain problématique.

« On s’est aperçu que les process allaient nécessiter, notamment au niveau des puits d’accès des tunnels, beaucoup de forages horizontaux, traditionnellement réalisés avec des perforateurs manuels, détaille Erick Lemonnier. Tenir un perforateur pendant de longues heures présente de nombreuses contraintes en matière de posture, d’effort, de vibrations, de bruit. On a regardé ce qui existait, comment l’opérateur pouvait être à bonne hauteur pour ne pas travailler les bras en l’air… Mais les aménagements n’étaient pas suffisants. »

Avec une société canadienne, Eiffage a finalement conçu un robot, équipé d’un bras perforateur et commandé par un opérateur.

Un gant bionique pour prévenir les TMS

Eiffage a également développé, en partenariat avec la start-up suédoise Bioservo, un gant bionique destiné à réduire les contraintes main-poignet, des parties du corps particulièrement sollicitées, quels que soient l’activité et le poste de travail. Baptisé Ironhand, cet exosquelette souple amplifie mécaniquement la force naturelle de la main.

Équipé de cinq capteurs au niveau de la dernière phalange de chaque doigt et d’un sixième au niveau de la paume, le gant est relié par un câble, le long du bras, à une unité motrice portée sur le dos, qui peut être utilisée pendant sept heures en continu par le collaborateur, de façon autonome. Le gant enregistre des informations via les capteurs et les envoie à un servomoteur relié au gant, qui analyse les données, en conclut une intention du porteur et donne un ordre à des tendons artificiels, synthétiques, intégrés dans les tissus du gant. Après deux ans de développement et plusieurs phases de test, il est disponible sur le marché depuis juin 2019.

« Son utilisation est pertinente dans le cadre d’un geste fréquent, car plus le geste se répète, plus la réduction des efforts est importante, explique Erick Lemonnier. Le gant réduit jusqu’à 87 % des efforts du porteur. Il est utilisé par des tireurs au râteau, des soudeurs, des coffreurs, des opérateurs utilisant des outils portatifs… » Les deux entreprises travaillent actuellement sur la suite du projet : concevoir un exosquelette souple destiné au bras complet.

Robot suiveur

Toujours avec la même volonté d’apporter efficacité et confort et de réduire les contraintes physiques pour les opérateurs, la branche Infrastructures d’Eiffage travaille actuellement avec la start-up française Borobo pour développer un robot suiveur.

« On est parti du constat qu’il reste un certain nombre de charges, souvent d’un poids unitaire faible voire très faible, systématiquement déplacées manuellement. Lorsqu’on additionne sur une journée de travail ces poids, on peut aboutir à une charge conséquente », remarque Erick Lemonnier. Son équipe a donc cherché à alléger les contraintes liées aux déplacements de charges usuelles. « Ce sont en plus des manutentions courantes qui ne sont pas qualitatives pour les opérateurs et extrêmement chronophages », ajoute-t-il.

Le robot, très compact, déplacera ces charges (outils, matériaux) avec trois modes de fonctionnement :

  • le mode classique avec joystick ;
  • le mode suiveur collaboratif : un système intelligent de reconnaissance de la morphologie de l’être humain permettra de désigner un maître pendant une durée donnée qu’il suivra ;
  • le mode de navigation autonome : parcours défini en amont, le robot se rend à certains endroits à certains moments de la journée.
Robot collaboratif suiveur contre les TMS. Photo Groupe Eiffage

« C’est un développement complexe car nous avons des environnements dynamiques, confrontés au terrain naturel. Le robot pourra notamment gravir une pente et des escaliers grâce à des roues polymorphes pour lesquelles un brevet a été déposé. » Un premier prototype a été élaboré et testé sur le terrain. Il est retourné en laboratoire pour être amélioré et devait être testé en mars. Le 3e prototype devrait être le modèle final. Le robot serait commercialisable fin juin.

Aménagements ergonomiques

La réduction des TMS passe enfin par des aménagements ergonomiques sur certains équipements. Cela a par exemple été le cas dans les nombreux tunneliers, ces gigantesques usines souterraines chargées de creuser et d’assembler des kilomètres de tunnel, dans le cadre du Grand Paris Express.

« Avec le fabricant de tunneliers, nous avons veillé à rendre accessibles les équipements et sous-équipements présents sur les machines, pour éviter les postures contraignantes pour les opérateurs », raconte Erick Lemonnier. Pour aller plus loin dans leur démarche, ils ont utilisé des combinaisons équipées de capteurs qui permettent un enregistrement et une analyse des mouvements musculaires des opérateurs.

« Ce sont de nouvelles technologies que nous utilisons depuis un ou deux ans. Cela nous a permis de confronter ce que nous avions imaginé avec le constructeur du tunnelier et l’activité réelle des opérateurs, ajoute-t-il. Sur certains postes, l’activité musculaire peut être intense. L’utilisation de la combinaison permet de cibler précisément pour quel acte, à quel moment l’activité musculaire est plus intense et donc de cibler les améliorations à apporter. »

L’équipe prévention s’approprie actuellement une autre innovation pour lutter contre les TMS : la maquette numérique. « Elle propose un champ d’actions fabuleux sur les postures de travail et permet de visualiser, avant même d’engager les premiers travaux, les actes des opérateurs, les endroits où ils devront accéder, comment…, se réjouit Erick Lemonnier. On peut rendre visible en amont quelque chose qui ne le serait qu’à pied d’oeuvre. »

Et ainsi apporter plus facilement des améliorations pour contribuer au confort des opérateurs.


Article extrait du n° 571 de Face au Risque : « Troubles musculo-squelettiques : réalités et prévention » (avril 2021).

Gaëlle Carcaly
Journaliste

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