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La Poste agit sur le risque TMS en développant une culture santé
Face à l’évolution des activités de sa branche Services-Courriers-Colis, La Poste a depuis 5 ans renforcé sa politique de prévention des risques, en particulier pour réduire les troubles musculosquelettiques (TMS). Delphine Desroche, responsable Prévention primaire et Dialogue social de cette banche, nous explique les démarches entreprises.
Prendre en compte le facteur humain
La branche d’activité Services-Courriers-Colis (SCC) de La Poste connaît une transformation historique. Remplacé par les outils numériques, le courrier est moins plébiscité par les entreprises et les particuliers, alors que le colis est en forte augmentation. Par ailleurs, les services à la personne sont en plein développement : portage de repas à domicile, visites régulières à des personnes isolées avec l’offre « Veiller sur mes parents »…
De cette évolution de l’activité découlent des risques différents, notamment concernant la manutention. Depuis 2017, la branche SCC a donc décidé d’accompagner ces transformations par une politique robuste de prévention des risques. Celle-ci est bien sûr soutenue par le comité exécutif qui a réaffirmé en octobre 2022 son engagement concernant la sécurité et la qualité de vie des hommes et des femmes de la branche. Ainsi, « les managers et les fonctions supports sont invités à travailler sur la prise en compte du facteur humain dans les organisations. Donc à mettre en place une démarche de prévention durable des troubles musculosquelettiques (TMS) et des risques psychosociaux (RPS), les deux étant intimement liés », nous explique Delphine Desroche, responsable Prévention primaire et Dialogue social de la banche.
Le manager doit s’assurer que les environnements sont sécures pour les agents et ceux-ci doivent être acteurs de leur propre sécurité.
Delphine Desroche
Responsable Prévention primaire et Dialogue social de la branche Services-Courriers-Colis (SCC) de La Poste
La culture sécurité
La branche SCC a donc développé ces cinq dernières années une culture sécurité qui passe par des démarches de prévention. « Celles-ci visent notamment à analyser en profondeur les causes d’accidents générant ou non un arrêt de travail. C’est important de détecter leurs causes racines et d’agir dessus », précise Delphine Desroche.
La culture sécurité passe aussi par les managers, les organisateurs des tournées et les facteurs et factrices. « Toutes ces fonctions doivent prendre conscience qu’au quotidien, il faut préserver la santé et la sécurité. Le manager doit s’assurer que les environnements sont sécures pour les agents et ceux-ci doivent être acteurs de leur propre sécurité », poursuit la responsable Prévention.
La branche a mis en place un programme de fond appelé « Transformation, excellence, santé et sécurité au travail ». Il a pour vocation de permettre à tous d’être attentif à la sécurité. « Pour l’agent, il s’agit d’être capable de voir si son propre comportement ou un élément du contexte peut être préjudiciable à sa sécurité, et pour le manager, d’être capable de repérer là où il peut y avoir un problème et le signaler avec bienveillance », indique Delphine Desroche.
Ce sont ces progrès culturels qui ont permis d’agir sur une baisse drastique des accidents depuis plus de 5 ans. « Nous avons réussi à baisser de plus de 40 % le nombre d’accidents. »
Une politique TMS en deux démarches
98 % des maladies professionnelles de la branche SCC sont en lien avec des troubles musculosquelettiques (TMS). C’est pourquoi, depuis 2 ans, celle-ci s’attaque au sujet de manière plus conséquente. « Et quoi qu’il en soit, il n’est pas admissible que les agents viennent travailler en ayant mal à l’épaule ou au dos », précise notre interlocutrice.
« Il n’est pas admissible que les agents viennent travailler en ayant mal à l’épaule
ou au dos. »
Et elle poursuit : « Nous avons donc engagé dans le domaine de la santé la même révolution culturelle que celle effectuée pour la sécurité. Ainsi, nous avons notamment mis en place deux actions de prévention pour agir sur une baisse des facteurs de risque de TMS. »
Observer les situations de travail
C’est d’abord la démarche POSST (Prévention par l’observation de santé et sécurité au travail) qui a été mise en place il y a un peu plus de deux ans. Elle vise à accompagner le manager à faire quotidiennement un temps d’arrêt pendant une quinzaine de minutes auprès d’un agent pour observer sa situation de travail et identifier les gestes répétitifs ou des postures contraignantes qui pourraient, à terme, créer des douleurs. Il relève les écarts par rapport au standard du poste défini pour chaque activité. Il fait ensuite un débrief avec l’agent pour partager avec lui son constat et trouver ensemble les solutions pour améliorer la situation de travail tant du point de vue de la santé que de la sécurité. Ils voient également s’il faut faire évoluer le standard.
« Ces standards, définis pour chaque type d’activité, sont mis en place de manière pluridisciplinaire avec la direction, les opérationnels, les personnes qui définissent les organisations du travail et des acteurs de la filière prévention. Ils ont vocation à être améliorés si on constate qu’ils ne sont plus adaptés », explique Delphine Desroche.
Le projet Tapas
Une autre démarche de prévention est développée depuis 2021. C’est la démarche Tapas (Tous agir pour préserver articulation et santé) qui s’appuie sur TMS Pros de la Cnam. « L’enjeu a été la première année de la déployer dans 55 établissements de la branche, sur les 400 qui existent sur le territoire national, note la responsable Prévention. Dans ces établissements, une analyse approfondie avait révélé un besoin d’agir plus en profondeur sur certains aspects du travail qui amenaient à de l’absence liée aux TMS. »
Pour mettre en place Tapas, l’implication des directeurs d’établissement est importante. Ils ont donc suivi un module spécifique animé par les Carsat (Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail) qui les sensibilisait aux TMS. « Chacun d’eux devait ensuite s’engager à enrayer ce problème et à donner les moyens nécessaires à la personne chargée de piloter le projet dans son établissement. »
Des cabinets d’ergonomie habilités TMS Pros ont ensuite formé un membre de la direction de chacun de ces établissements à la mise en œuvre de la démarche. «Notre parti pris était en effet de former non pas nos préventeurs, qui eux viendront en soutien de la démarche, mais un membre du comité de direction : responsable de production, responsable de l’environnement de travail ou responsable des ressources humaines », précise Delphine Desroche.
Durant 5 journées réparties sur 5 mois, ces personnes-ressources ont été formées à une méthode d’analyse des activités. Celle-ci leur permet, en observant les agents, de repérer les facteurs de risque et leur fréquence. Puis de confronter leur diagnostic avec les agents. Ils bâtissent ensuite un plan d’actions avec échéances qui est présenté à la direction. « Certaines actions sont à la main de l’établissement, d’autres à la main du territoire, voire du national », avance Delphine Desroche.
En 2022, la démarche Tapas a été déployée dans 25 autres établissements volontaires. Et elle sera réitérée encore dans d’autres en 2023. « Mais l’important est également de soutenir la motivation de ceux qui sont déjà engagés dans le projet. C’est une de nos ambitions pour cette année. Par ailleurs, nous avons commencé à former plus d’une personne-ressource par établissement pour étoffer la compétence au sein de chaque site. L’idéal ensuite est que ces acteurs soient dans la transmission. »
En 2022, la branche Services-Courriers-Colis a observé une baisse de 23 % des arrêts dus aux accidents de manutention par rapport à 2021.
La filière prévention
Pour mener à bien ce projet Tapas, la branche SCC a fait évoluer sa filière prévention en septembre 2022. Elle est aujourd’hui constituée de plus de 300 personnes sur l’ensemble du territoire national. Parmi celles-ci, on compte des préventeurs présents dans les établissements mais aussi des responsables opérationnels SST qui pilotent la mise en place des démarches de prévention et 15 ergonomes qui réalisent des diagnostics ergonomiques pour accompagner les établissements dans leur transformation.
L’accueil de la démarche Tapas
Delphine Desroche observe que les salariés ont bien accueilli la démarche. « On porte d’abord un regard sur la manière dont ils travaillent, on les sollicite ensuite pour poser un diagnostic sur ce qui fonctionne bien et sur les situations gênantes qui, à terme, pourraient être accidentogènes. Le but est d’améliorer leurs situations de travail. Tapas a permis de recréer du lien de confiance. »
Concrètement, les actions mises en place ont par exemple porté sur les espaces de préparation du courrier et des colis. Un projet s’est également centré sur les facteurs en voiture. L’analyse d’activité avait révélé qu’une fois hors de leur véhicule, ils portaient à bout de bras le courrier. Une réflexion a été menée pour trouver un système d’aide à la manutention. Plusieurs petits chariots facilement embarquables dans la voiture sont actuellement en test.
« Mais il y a aussi des aspects organisationnels car le matériel n’est pas la réponse à tout, déclare la spécialiste de la prévention. Par exemple, une analyse a montré qu’un facteur peut monter et descendre de nombreuses fois de son véhicule lors d’une tournée. Il s’agit alors d’avoir un standard d’organisation qui consiste à stationner le véhicule et à faire des boucles piétonnes. Cette analyse a permis de regarder comment on pouvait réorganiser le travail, tout en se préoccupant de l’aide à la manutention. »
Les bonnes pratiques peuvent ensuite être déployées sur l’ensemble des établissements.
Des résultats sur les AT/MP
Le processus de déclaration des maladies professionnelles étant long, il est trop tôt pour corréler la mise en place de la démarche avec une baisse des maladies professionnelles. Les résultats ne pourront se mesurer qu’après 5 ans. « D’où l’importance de continuer à travailler avec les mêmes établissements sur la maîtrise de la méthode et des outils de Tapas », déclare Delphine Desroche. Mais concernant les arrêts dus aux accidents de manutention, la branche SCC a observé une diminution de 23 % en 2022 par rapport à 2021.
Pour obtenir un résultat durable et significatif, il faut que la démarche continue d’être mise en œuvre au cours des années à venir. « C’est pour cela que nous poursuivons la formation des membres du Codir au sein des établissements dans lesquels la démarche a été initiée. Tout en engageant la volonté de nouveaux établissements d’entrer dans la démarche », conclut-elle.
En savoir plus
Lire aussi sur le sujet notre dossier “Les enjeux de la prévention des TMS”.
Article extrait du n° 593 de Face au Risque : « Évacuation et mise à l’abri » (juin 2023).
Martine Porez – Journaliste
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