Les principales obligations de l’employeur en matière d’EPI

7 septembre 202210 min

Définis à l’article R.4311-8 du code du travail, les équipements de protection individuelle (EPI) visent à protéger les salariés des risques liés à leur activité, pour lesquels la limitation (et a fortiori la suppression) des risques par d’autres mesures de prévention ne sont pas possibles. Dans ce contexte, le code du travail donne un rôle majeur à l’employeur en lui assignant de nombreuses obligations dans le but ultime de protéger les salariés.

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Des EPI appropriés, choisis après consultation des parties prenantes

Une phase de réflexion essentielle débute pour l’employeur lorsque son évaluation des risques le conduit à imposer le port d’EPI à ses salariés pour des raisons de sécurité (L.4121-3 du code du travail). Il doit alors sélectionner l’EPI qui sera adapté aux risques auxquels sont exposés ces travailleurs (R.4323-91). Le port de l’EPI doit, en effet, protéger le salarié des risques liés à son activité sans en créer de nouveaux.

Le choix de l’EPI découle donc d’une étude du poste de travail du salarié tenant compte notamment de la nature du risque, de la fréquence d’exposition au risque, des caractéristiques du poste de travail et des performances des EPI (R.4323-97). L’équipement doit être compatible avec les tâches à accomplir et les principes d’ergonomie.

Certaines dispositions pour le risque amiante

L’employeur doit associer le salarié au processus de sélection des EPI. Cette alliance est primordiale puisque certains EPI nécessitent un ajustement à la morphologie de l’utilisateur pour assurer une protection efficace. Un arrêté du 7 mars 2013 oblige, ainsi, l’employeur à réaliser un essai d’ajustement des appareils de protection respiratoire (APR) portés par les salariés exposés à un risque d’amiante.

L’employeur peut également solliciter l’aide des services de santé au travail qui connaissent les contraintes des activités exercées par les salariés. Par ailleurs, le choix de l’EPI peut dépendre de sa performance résultant des essais normalisés réalisés avant leur mise sur le marché (comme pour les APR).

Dans certaines situations à risques, la réglementation détermine l’EPI qui doit être porté par le salarié. L’arrêté du 7 mars 2013 précité prévoit les EPI devant être portés par les salariés exposés à un risque d’amiante. Ces EPI diffèrent selon le niveau d’empoussièrement considéré (premier, deuxième ou troisième niveau).

Des EPI conformes réglementairement

Comme le précise l’INRS dans son document « Règles d’utilisation des équipements de protection individuelle » (ED 6077, octobre 2013), l’employeur ne doit pas mettre à disposition des salariés des EPI dont il n’est pas sûr de la conformité. Cette conformité peut être prouvée par la présence du marquage CE apposé par le fabricant, lequel est, en principe, un gage pour attester de la conformité de l’équipement aux règles techniques de conception et aux procédures de certification (article 8 du règlement n° 2016/425 du 9 mars 2016, articles R.4313-20 et suivants). Elle peut également être démontrée par l’apposition d’autres marquages prévus par la norme dont l’EPI est conforme.

À noter : afin de diminuer les accidents du travail causés par l’utilisation d’EPI non conformes, le décret n° 2022-624 du 22 avril 2022 a renforcé la réglementation applicable en désignant les autorités de surveillance du marché chargées de garantir la conformité des EPI. Il a déterminé leurs prérogatives et leurs missions.

« Le décret n° 2022-624 du 22 avril 2022 a renforcé la réglementation applicable en désignant les autorités de surveillance du marché chargées de garantir la conformité des EPI. »

Délivrés gratuitement et à usage personnel

Lorsque les EPI devant être utilisés dans une situation sont définis, ceux-ci doivent être délivrés gratuitement par l’employeur (lire encadré ci-dessous), lequel est tenu d’assurer « leur bon fonctionnement et leur maintien dans un état hygiénique satisfaisant par les entretiens, réparations et remplacements nécessaires » (R.4323-95).

Ils sont, en principe, réservés à un usage personnel. Néanmoins, certains EPI peuvent être portés par plusieurs personnes comme le casque de protection. Dans ce cas, l’employeur définira des mesures pour que l’usage successif de ces EPI « ne pose aucun problème de santé ou d’hygiène aux différents utilisateurs » (article R.4323-96).

Un homme est recruté le 16 août 2005 par une société en qualité de chauffagiste. Le 20 décembre 2017, il prend connaissance de la rupture de son contrat de travail et saisit la juridiction prud’homale de plusieurs demandes « au titre de l’exécution et de la rupture du contrat ». Il reproche notamment à son employeur de ne pas avoir pris à sa charge la fourniture de ses chaussures de sécurité.

En appel, les juges n’accèdent pas à la demande de dommages et intérêts formulée par le requérant. Ils considèrent que l’employeur a effectivement commis une faute en ne délivrant pas au salarié des chaussures de sécurité. Néanmoins, ils reprochent au salarié de ne pas apporter la preuve de son préjudice « puisqu’il ne justifiait pas d’une facture d’achat de ces chaussures ».

Mécontent de cette décision de justice, l’ancien salarié se pourvoit en cassation. Par une décision du 9 février 2022 (chambre sociale, 9 février 2022, n° 20-19.461, Inédit), la Cour de cassation casse et annule le raisonnement de la cour d’appel sur ce point précis. Elle indique que la cour d’appel aurait dû examiner la facture d’achat des chaussures de sécurité produite sous le numéro 20 par le salarié à l’appui de sa demande. Pour la Cour de cassation, l’absence de prise en charge des chaussures de sécurité justifie le versement de dommages et intérêts au requérant.

Les conditions de mise à disposition et d’utilisation des EPI doivent être définies par l’employeur après consultation du comité social et économique (CSE) (R.4323-97). Dans ce cadre, la durée du port des EPI doit notamment être fixée en tenant compte des paramètres évoqués précédemment (notamment la gravité du risque, la fréquence de son exposition, les caractéristiques du poste de travail).

Cette obligation du port d’EPI doit figurer dans le règlement intérieur de l’entreprise, lequel fixe les conditions d’exécution du travail dans la société. Le degré de protection des EPI va dépendre de leur port et de leur bonne utilisation par les salariés. Dans ce cadre, les informer et les former est incontournable.

L’information et la formation, une obligation indispensable

Conformément à l’article R.4323-104, l’employeur informe les travailleurs tenus de porter un EPI :

  • des risques contre lesquels l’EPI les protège ;
  • des conditions d’utilisation de cet équipement, notamment les usages auxquels il est réservé ;
  • des instructions ou consignes concernant les EPI ;
  • des conditions de leur mise à disposition.
Les salariés doivent être formés à l'utilisation des EPI - Crédit : 9kwan-AdobeStock

Dans ce cadre, il doit rédiger une consigne indiquant notamment les conditions d’utilisation de l’EPI. Il est de bonne pratique de préciser que le salarié doit contrôler le bon état de ses EPI avant chaque utilisation. Cette consigne peut être consultée par les membres du CSE (R.4323-105).

Par ailleurs, les salariés devant utiliser un EPI doivent être formés pour savoir porter correctement cet équipement. Un renouvellement de cette formation peut être organisé aussi souvent que nécessaire pour que l’équipement soit utilisé conformément à la consigne d’utilisation (R.4323-106).

Cette obligation est valorisée par l’INRS à travers une campagne de sensibilisation lancée en début d’année 2022. Quatre nouvelles fiches illustrées par des super héros ont été publiées sur son site et rappellent les bonnes pratiques en matière d’EPI. L’une d’elle intitulée « Il ne suffit pas de porter un EPI, assurez-vous qu’il soit correctement porté » rappelle l’importance de porter correctement l’EPI et donc d’être formé à son utilisation.

Des vérifications périodiques à respecter

L’employeur doit fixer la périodicité et la nature des vérifications périodiques à réaliser sur les EPI afin de s’assurer de leur efficacité. Parfois, la réglementation définit les vérifications qui doivent être menées afin que « soit décelé en temps utile toute défectuosité susceptible d’être à l’origine de situations dangereuses ou tout défaut d’accessibilité contraire aux conditions de mise à disposition ou d’utilisation » déterminées par le code du travail (article R.4323-99).

À ce titre, un arrêté du 19 mars 1993 fixe les vérifications devant être effectuées pour certains EPI, comme les gilets de sauvetage gonflables.

Par ailleurs, l’arrêté du 7 mars 2013 précité crée des obligations de vérification avant chaque utilisation des APR dans le cadre des opérations exposant à l’amiante. Il institue également une vérification de l’état général, du bon fonctionnement et du maintien en conformité de l’APR :

  • après toute intervention sur l’équipement ou tout événement susceptible d’altérer son efficacité ;
  • et tous les douze mois au moins.

Les vérifications périodiques doivent être effectuées par des personnes qualifiées, lesquelles peuvent travailler ou non dans l’établissement (R.4323-100). La traçabilité du résultat de ces vérifications périodiques est indispensable. Il doit donc être consigné sur le ou les registres de sécurité prévus par le code du travail (R.4323-101).

Obligation de maintien en conformité réglementaire des EPI

Le code du travail oblige l’employeur à maintenir les EPI en état de conformité avec les règles techniques de conception et de construction applicables lors de leur mise en service dans l’établissement, y compris au regard de la notice d’instructions (R.4322-1).

Applicables aux EPI neufs et d’occasion, ces règles sont prévues par l’annexe II de l’article R.4312-6. Elles abordent de nombreux aspects tels que l’ergonomie de l’équipement, son adaptation à la morphologie de l’utilisateur et le contenu de la notice d’instructions qui doit accompagner chaque EPI. Rédigée en français, cette notice définit notamment les instructions de stockage, d’emploi, de nettoyage, de révision et de désinfection de l’EPI et la date ou le délai de péremption de l’équipement ou de certains de ses composants. L’employeur doit tenir compte de ces éléments afin de maintenir les équipements en conformité. Il doit, ainsi, retirer les EPI dont le vieillissement altère les performances (annexe II de l’article R.4312-6) et ceux détériorés pour lesquels la réparation ne permettra pas d’assurer le niveau de protection antérieur (R.4322-2).

Le non-respect des règles techniques de conception et de construction peut entraîner des conséquences lourdes.

Obligation de veiller à l’utilisation effective des EPI

L’employeur doit s’assurer que les salariés utilisent réellement les EPI mis à leur disposition (R.4321-4). Cette obligation générale est satisfaite par le respect d’autres exigences, notamment en rendant obligatoire le port des EPI via le règlement intérieur, en formant les travailleurs à leur utilisation, en s’assurant auprès des responsables ou des salariés eux-mêmes de leur utilisation effective et en leur indiquant les sanctions encourues à défaut.


Article extrait du n° 584 de Face au Risque : « Reconnaissance faciale » (juillet-août 2022).

Manon Janvier – Contributrice

Consultante au service Assistance réglementaire de CNPP Conseil & Formation

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