Le radon : un danger potentiel dans les espaces clos

4 octobre 202312 min

La gestion du risque radon constitue un enjeu sanitaire majeur au regard de son caractère cancérogène avéré depuis la fin des années 1980. La réglementation applicable s’est progressivement construite autour de trois axes : bâtiments au sens large, ERP et lieux de travail. Elle s’appuie sur une cartographie du territoire qui permet de graduer les exigences applicables en fonction des risques.

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« Le radon provoquerait chaque année jusqu’à 3 000 décès en France liés au cancer du poumon. »

Propriétés et risques

Le radon est un gaz radioactif issu de la chaîne de désintégration de l’uranium, présent naturellement dans le sol et les roches en concentrations plus ou moins importantes selon leur nature. Il est inodore, incolore et chimiquement inerte et constitue la première source d’exposition aux rayonnements ionisants d’origine naturelle.

S’il génère peu de risques dans les espaces ouverts eu égard à sa dilution rapide dans l’air, il peut en revanche se révéler dangereux dans les espaces clos et plus particulièrement en parties basses des bâtiments et dans les lieux souterrains (puisqu’il émane des sols).

En se désintégrant par émission alpha, le radon crée des descendants solides qui sont eux-mêmes radioactifs ainsi que

Radon - Crédit: Fotohansel/AdobeStock

Le radon constitue un risque professionnel qui doit être appréhendé comme les autres risques et donc faire l’objet d’une évaluation.

des métaux lourds (polonium, plomb et bismuth). Dans les lieux clos, il est susceptible de s’accumuler dans l’air intérieur à des concentrations parfois très élevées. Il provoquerait chaque année jusqu’à 3 000 décès en France liés au cancer du poumon.

Carte du radon en France - Crédit: IRSN/ASN

Carte des concentrations du radon en France en 2010.

Historique réglementaire

Bien qu’il soit classé depuis 1987 comme cancérigène pulmonaire par l’Organisation mondiale de la Santé, le radon n’a longtemps été que partiellement pris en compte dans la réglementation européenne. Ce n’est qu’en 2013 que deux directives, transposées par la France entre 2015 et 2018, sont venues fixer des normes communes relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant du radon (directives 2013/51/Euratom du 22 octobre 2013 et 2013/59/Euratom du 5 décembre 2013). Auparavant, seule une recommandation du 21 février 1990 incitait les États membres à prendre des mesures pour protéger la population contre les dangers résultant de l’exposition au radon à l’intérieur des bâtiments.

En France, le décret n° 2002-460 du 4 avril 2002 a mis en place des mesures de protection des personnes contre les dangers des rayonnements ionisants, dont le radon. La réduction de l’exposition au radon a été inscrite pour la première fois en tant qu’objectif de santé publique dans la loi n° 2004-806 du 9 août 2004, qui ambitionnait de « réduire l’exposition au radon dans tous les établissements d’enseignement et dans tous les établissements sanitaires et sociaux en dessous de 400 becquerels par mètre cube (Bq/m3) ». À noter que ce niveau de référence de l’activité volumique moyenne en radon dans l’air intérieur a été abaissé depuis 2018 à 300 Bq/m3 aux articles R.1333-28 du code de la santé publique et R.4451-10 du code du travail.

En ce qui concerne les lieux de travail, outre le décret de 2002, les premiers textes à prendre en compte le radon de manière spécifique sont le décret n° 2007-1570 du 5 novembre 2007 et l’arrêté du 7 août 2008.

Par la suite, le paramètre radon a été introduit dans le contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine par un arrêté du 9 décembre 2015, puis en 2016 au sein du dispositif de surveillance de la qualité de l’air intérieur dans certains établissements recevant du public (ERP).

Depuis l’entrée en vigueur au 1er juillet 2018 du décret n° 2018-434 du 4 juin 2018, le radon est également pris en compte dans le cadre de la politique de prévention des risques naturels, avec une information du public. À ce titre, c’est l’arrêté du 27 juin 2018 portant délimitation des zones à potentiel radon du territoire français qui sert de base de référence pour la mise en œuvre des mesures d’information, d’évaluation ou de mesurage et des mesures de prévention de l’exposition au radon (lire l’encadré en fin d’article “France : une cartographie fondée sur le potentiel d’exhalation du radon des sols”).

À ces textes réglementaires aujourd’hui codifiés, il convient d’ajouter les plans nationaux d’action radon qui se sont succédé depuis 2004, le dernier en date étant le plan 2020-2024.

Radon sur les lieux de travail : évaluation des risques et moyens de prévention

En complément des obligations relatives à la prévention des risques liés à l’ensemble des rayonnements ionisants, des dispositions spécifiques au radon ont vocation à s’appliquer. Il convient de noter que, dans le cadre de l’approche réglementaire conduite depuis 2018, le radon constitue un risque professionnel en tant que tel, qui doit être appréhendé comme les autres risques et donc faire l’objet d’une évaluation. En application de l’article R.4451-1 du code du travail, celle-ci concerne a minima :

  • les activités professionnelles exercées au sous-sol ou au rez-de-chaussée des bâtiments ;
  • certains lieux de travail spécifiques (cavités souterraines, ouvrages enterrés…) dans les conditions précisées par un arrêté du 30 juin 2021.

Cette démarche d’évaluation des risques s’appuie en premier lieu sur des données documentaires, notamment la prise en compte de la cartographie des zones à potentiel radon et la présence de lieux de travail en sous-sol ou rez-de-chaussée. Elle peut également se fonder sur des mesurages précédents, en particulier si le lieu de travail a également le statut d’ERP soumis à cette réglementation spécifique (lire infra), ou sur la connaissance de mesurages des établissements voisins.

« La délimitation d’une zone radon (exposition dépassant 6 mSv/an) entraîne l’obligation de mettre en place une organisation de la radioprotection comportant des dispositions spécifiques. »

Dès lors que l’évaluation documentaire ne permet pas d’exclure un risque de dépassement du niveau de référence de 300 Bq/m3, elle est complétée par des mesurages et des moyens de prévention, essentiellement liés à la protection collective (ventilation, étanchéité) dont l’efficacité est vérifiée à travers de nouveaux mesurages. Les résultats supérieurs au niveau de référence doivent être signalés à l’IRSN. En complément, l’employeur identifie les éventuelles « zones radon » où l’exposition peut dépasser 6 millisieverts par an. Elles doivent être délimitées, signalées par un pictogramme adapté et leur accès limité aux travailleurs ayant reçu une autorisation.

La délimitation d’une zone radon entraîne également l’obligation de mettre en place une organisation de la radioprotection qui implique en particulier :

  • la désignation d’un conseiller en radioprotection ;
  • la vérification initiale et les vérifications périodiques de la zone, visant à s’assurer de son adéquation avec le résultat de l’évaluation et de la dernière vérification ;
  • le contrôle de l’accès à la zone, réservé aux travailleurs autorisés par l’employeur sur la base d’une évaluation individuelle de dose ;
  • l’évaluation individuelle de l’exposition au radon pour tous les travailleurs accédant à la zone ;
  • l’information et la formation des travailleurs ;
  • pour les travailleurs dont la dose évaluée préalablement dépasse 6 millisieverts par an, la mise en place d’une surveillance dosimétrique individuelle et d’un suivi individuel renforcé (SIR) de leur état de santé, comportant un examen médical d’aptitude par le médecin du travail renouvelé a minima tous les quatre ans et une visite intermédiaire effectuée par un professionnel en santé au travail deux ans au plus tard après l’examen d’aptitude.

Le radon dans les ERP : campagnes de mesurage et travaux

Les ERP concernés par les dispositions spécifiques des articles D.1333-32 à R.1333- 36 du code de la santé publique sont les établissements d’enseignement, d’accueil collectif d’enfants de moins de six ans, sanitaires et sociaux avec capacité d’hébergement, thermaux et pénitentiaires.

Si ces établissements sont implantés dans une commune de la zone 3, ou en zone 1 ou 2 dès lors que le résultat du dernier mesurage du radon est supérieur à 300Bq/m3, les propriétaires ou exploitants doivent faire réaliser, par des organismes agréés par l’ASN ou l’IRSN, un mesurage de l’activité volumique en radon dont les résultats sont affichés à

Ecole - Crédit: Daria/AdobeStock

Les exploitant de certains ERP, tel qu’un établissement d’enseignement, implanté en zone 3, mais aussi en zone 1 ou 2 si le dernier mesurage du radon est supérieur à 300 Bq/m3, doivent faire réaliser un mesurage de l’activité volumique en radon. Les résultats doivent être affichés à l’entrée de l’établissement.

l’entrée de l’établissement. Ces mesures sont réalisées tous les dix ans ou après travaux affectant significativement la ventilation ou l’étanchéité des bâtiments.

Dans l’hypothèse où les résultats de deux campagnes successives sont tous inférieurs à 100Bq/m3, l’ERP n’est plus soumis à l’obligation de faire procéder à un mesurage jusqu’à la réalisation de travaux éventuels.

En revanche, dès lors que le niveau de référence de 300Bq/m3 est dépassé, le propriétaire doit mettre en œuvre dans un délai de trois ans des actions correctives visant à améliorer l’étanchéité du bâtiment vis-à-vis des points d’entrée du radon ou le renouvellement d’air des locaux. Il fait vérifier l’efficacité de ces actions par un nouveau mesurage. En cas d’échec de ces mesures, il doit diligenter une expertise pour identifier les causes de la présence de radon et mettre en œuvre des travaux visant à maintenir l’exposition des personnes au radon en dessous du niveau de référence. Les modalités d’application de ces dispositions sont précisées par un arrêté du 26 février 2019.

Vie des bâtiments et radon : une information large du public

Les articles L.125-5 et R.125-23 du code de l’environnement prévoient que les acquéreurs ou locataires d’immeubles situés dans certaines zones définies doivent être informés par les vendeurs ou bailleurs des risques naturels, miniers, technologiques et de sismicité auxquels sont exposés ces immeubles, via la fourniture d’un état des risques naturels et technologiques. L’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 et le décret n° 2018- 434 du 4 juin 2018 ont étendu cette obligation au risque radon, pour les zones à potentiel radon de niveau 3. L’état des risques des biens concernés doit comporter la fiche d’information sur le radon disponible sur le site Géorisques. Le non-respect de cette obligation est sanctionné par la possibilité pour l’acquéreur ou le locataire de poursuivre la résolution du contrat ou de demander au juge une diminution du prix.

Parallèlement, le décret n° 2018‑434 du 4 juin 2018 a inscrit à l’article R.1333-28 du code de la santé publique l’obligation pour les acteurs locaux de diffuser des informations et recommandations sanitaires aux personnes concernées par le risque radon. Un arrêté du 20 février 2019 définit les modalités de cette information. Les personnes concernées sont en priorité les élus et les habitants des communes à haut potentiel émetteur de radon. Ces informations et recommandations s’appuient sur les messages sanitaires nationaux figurant en annexe du texte, avec en complément une attention particulière portée aux fumeurs. Elles sont mises à disposition du public dans des conditions garantissant une large diffusion et sont disponibles sur les sites du ministère chargé de la santé, des agences régionales de santé et de l’ASN.

De plus, dans les zones à potentiel radon de niveau 2, le risque radon doit être consigné dans un dossier départemental sur les risques majeurs disponible à la préfecture et à la mairie, ainsi que dans un document d’information communal sur les risques majeurs consultable en mairie (articles L.125-2 et R.125-10 du code de l’environnement).

Enfin, le Guide de recommandations pour la protection des bâtiments neufs et existants vis-à-vis du radon (juillet 2023) porté par l’ASN avec l’appui technique du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) constitue une information de référence quant aux actions préventives ou correctives à appliquer pour préserver la qualité sanitaire des bâtiments vis-à-vis de ce risque.

La stratégie nationale définie pour la gestion du risque radon, quel que soit le type de bâtiment en cause, tient compte du potentiel radon du sol sous-jacent. Celui-ci constitue en effet, avec les caractéristiques de la construction et les modalités d’occupation, l’un des principaux facteurs influençant les niveaux de concentration dans les bâtiments.

Dans cette perspective, la cartographie issue de l’article R.1333-29 du code de la santé publique et de l’arrêté du 27 juin 2018 divise le territoire en trois zones en fonction de la capacité du sol à émettre du radon :

  • potentiel faible (zone 1) ;
  • potentiel faible mais avec des facteurs géologiques particuliers pouvant faciliter le transfert du radon vers les bâtiments (zone 2) ;
  • et potentiel significatif (zone 3).

La répartition des communes au sein de ces zones est accessible sur les sites de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). À titre d’exemple, la zone 3 représente environ 7 000 communes où résident 12,2 millions de personnes.


Article extrait du n° 595 de Face au Risque : « Incivilités : quelles réponses ? » (septembre 2023).

Morgane Darmon

Consultante experte au service Assistance réglementaire de CNPP Conseil & Formation

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