La mise à disposition des équipements de protection individuelle (EPI)

6 juillet 202210 min

Définis par le code du travail, les équipements de protection individuelle (EPI) doivent être utilisés par des salariés dans certaines circonstances lorsque l’employeur les estime nécessaires pour des raisons de sécurité. Dès lors, en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, l’absence d’EPI interrogera et la question de leur mise à disposition par l’employeur sera soulevée. Selon les cas de figure, la responsabilité de l’employeur pourra être engagée.

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Les EPI sont réglementés par le code du travail

L’article R.4311-8 du code du travail définit les EPI comme étant « des dispositifs ou moyens destinés à être portés ou tenus par une personne en vue de la protéger contre un ou plusieurs risques susceptibles de menacer sa santé ou sa sécurité ». Les EPI visent, ainsi, à protéger les travailleurs exposés à un ou plusieurs risques professionnels (par exemple le risque chimique) dans l’exercice de leurs missions.

De nombreux EPI existent. On peut notamment citer les lunettes de protection qui visent à protéger les yeux des possibles projections d’un produit dangereux, d’une éventuelle perte de vue ou d’un aveuglement dans le cadre des tâches réalisées. Ou le casque qui vise à protéger la tête en cas de chute d’objets provenant d’un niveau supérieur, en cas de chocs avec d’autres installations/équipements ou éventuellement en cas de chute du travailleur lui-même.

Plusieurs EPI peuvent être portés simultanément par un même salarié, en cas de risques multiples, si chaque EPI le protège d’un risque particulier et s’ils sont compatibles entre eux. L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) donne, dans son document ED 6077 « Règles d’utilisation des EPI », un exemple en cas de projection de produits chimiques : « Il faut que les jambes du pantalon soient suffisamment larges pour être mises par-dessus les bottes. »

Il est également possible, en cas de risques multiples, de porter un seul EPI protégeant contre plusieurs risques.

Tous les dispositifs portés ou tenus par des personnes n’ont pas la qualification d’EPI. L’article R.4311-11 du code du travail liste les dispositifs qui ne sont pas considérés comme des EPI au sens du code du travail. « Les casques et visières destinés aux usagers de véhicules à moteur à deux ou trois roues » figurent notamment parmi cette liste.

Dans quels cas les EPI doivent-ils être portés ?

L’employeur est tenu d’une obligation générale de sécurité de résultat vis-à-vis de ses salariés (article L.4121-1 du code du travail). De fait, il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité et protéger leur santé physique et mentale. Ces mesures, qui comprennent une organisation et des moyens adaptés, seront déterminées après analyse du résultat de son évaluation des risques (L.4121-3).

Précisément, lorsqu’il définit ces mesures, l’employeur doit s’appuyer sur les principes généraux de prévention établis par le code du travail (L.4121-2). Ainsi et en premier lieu, il doit éviter les risques. À défaut, il doit les évaluer.

Il existe, au total, neufs principes généraux de prévention qui doivent être appliqués les uns après les autres. Ce n’est que si le premier principe ne peut pas être appliqué que l’employeur doit envisager le suivant. Dans ce cadre, le huitième principe consiste à « prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ».

Les EPI doivent donc être mis en place uniquement si les autres principes généraux de prévention, notamment les moyens de protection collective, ne suffisent pas à réduire, limiter ou supprimer les risques auxquels les salariés sont confrontés. Ainsi, en se fondant sur le résultat de son évaluation des risques, l’employeur pourra imposer, dans certains cas, le port d’EPI pour assurer la sécurité des travailleurs. C’est donc lui qui endossera la responsabilité première de la fourniture des EPI.

La responsabilité de l’employeur

L’absence de mise à disposition d’EPI peut engager la responsabilité de l’employeur. En effet, si celui-ci oblige les salariés à porter des EPI pour leur sécurité, cela suppose qu’il mette ces équipements à leur disposition. C’est précisément ce que prévoit l’article R.4321-4 du code du travail en imposant à l’employeur de mettre «à la disposition des travailleurs, en tant que de besoin, les équipements de protection individuelle appropriés et, lorsque le caractère particulièrement insalubre ou salissant des travaux l’exige, les vêtements de travail appropriés».

En cas de non-respect de ces prescriptions du code du travail, la responsabilité pénale de l’employeur pourra être engagée sur la base du code du travail ou sur celle du code pénal si cette méconnaissance engendre un accident du travail par exemple. C’est précisément ce qu’illustre la décisions de la Cour de cassation rendue en 2017 (lire encadré ci-dessous).

Un salarié travaillant dans une société spécialisée dans le secteur du nettoyage industriel a été victime d’un accident du travail alors qu’il tenait un détergent. Le dossier révèle que le salarié travaillait depuis plusieurs mois avec ce produit chimique et que, le jour de l’accident, il est arrivé en retard à son poste de travail et ne portait pas de lunettes de protection. Alors qu’il passait une porte battante, « le contenu de l’un des bidons de produits chimiques qu’il portait à la main s’est répandu, lui occasionnant de graves brûlures aux yeux ».

En première instance, le tribunal correctionnel a statué sur ces faits et sur les deux chefs d’accusation dont il était saisi à savoir :

  • le chef de blessures involontaires ;
  • et le chef d’infractions à la réglementation sur l’hygiène et la sécurité des travailleurs.

Ces infractions étaient reprochées à la société et à la directrice de l’établissement, titulaire d’une délégation de pouvoirs. Les juges ont déclaré les prévenus coupables seulement du chef d’omission de visite médicale obligatoire. Pour le tribunal, l’accident était dû aux fautes commises par le salarié uniquement (retard, actions avec précipitation, non vérification de la fermeture du bidon contenant le détergent…). Les juges du premier degré ont, par ailleurs, considéré que l’employeur avait mis à disposition du salarié des lunettes de protection.

Mécontent de cette décision de justice, le salarié et le procureur de la République ont interjeté appel. Le cour d’appel a déclaré la société et la directrice coupables de tous les faits reprochés. Elle a considéré notamment que le salarié n’avait pas reçu de lunettes de protection, cette absence de mise à disposition des EPI étant prouvée par l’annexe du contrat de travail du salarié : « (…) s’il a été remis à cet employé un vêtement de protection et des gants, il ne lui a pas été attribué de lunettes de protection ou de masque ». Elle rappelle également que les explications des différents agents, « sur le caractère systématique ou non de la remise de lunettes aux salariés, ne suffisent pas à démontrer le prétendu caractère erroné de ce document contractuel ». Ce faisant, elle établit que cette absence de mise à disposition de lunettes de protection constitue une faute ayant contribué à la réalisation des blessures du travailleur.

Contestant cette décision de justice, la société et la directrice ont formé un pourvoi en cassation. Par un arrêt rendu le 17 octobre 2017 (chambre criminelle, n° 16-83.878), la Cour de cassation rejette les pourvois formés et donne ainsi raison aux motivations des juges de la cour d’appel. Elle reproche une faute caractérisée à l’encontre de la directrice pour ne pas avoir mis à la disposition du salarié les EPI nécessaires à sa protection. La responsabilité de la personne morale est également engagée.

Dans une affaire plus récente de novembre 2021, la Cour de cassation a rappelé que c’est à l’employeur de prouver qu’il a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié (en l’occurrence, ici, par la fourniture de chaussures de sécurité).

En l’espèce, un salarié travaille comme responsable de l’atelier de reprographie d’une enseigne de sport. Un différend éclate entre le salarié et l’employeur au sujet notamment de l’obligation de sécurité de l’employeur. Le litige est porté devant les juridictions. En appel, le salarié demande à obtenir des dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat en raison de l’absence de mise à disposition de chaussures de sécurité.

Les juges d’appel relatent les faits : l’employeur a demandé, plusieurs fois, au salarié de porter des chaussures de sécurité. Celui-ci a indiqué qu’il n’en possédait pas, l’employeur ne lui ayant jamais délivré ces EPI. Il précise également que « le catalogue des chaussures litigieuses ne lui aurait pas été soumis comme aux autres salariés ». Dans ce contexte, les juges n’accèdent pas à la demande du salarié et lui reprochent de ne pas avoir fait de demande pour obtenir des chaussures de sécurité. Investie de l’affaire, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel seulement en ce qu’il déboute le salarié de sa demande en dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité. La Cour considère que les juges d’appel ont inversé la charge de la preuve : c’est à l’employeur de démontrer qu’il avait pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié. C’est donc à lui de prouver qu’il a mis à disposition du salarié des chaussures de sécurité (chambre sociale, 4 novembre 2021, n° 20-15.418).

Une mise à disposition gratuite

La mise à disposition des EPI doit être gratuite ! Cette disposition est réglementaire. Elle figure, en effet, à plusieurs endroits du code du travail. En ce sens, on peut citer l’article L.4122-2, selon lequel les travailleurs ne doivent rien débourser concernant les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail. De même, l’article R.4323-95 prévoit que les EPI et les équipements de travail sont délivrés gratuitement par l’employeur. Enfin, selon l’article R.4321-5, les EPI et les vêtements de travail mis à la disposition des salariés ne sont pas des avantages en nature.

La mise à disposition gratuite des EPI est valable pour les salariés des entreprises privées. Le Conseil d’État a précisé que ce principe s’applique également aux établissements publics à caractère industriel et commercial (CE, 17 juin 2014, n° 368867).

L’état d’hygiène des EPI

L’employeur ne doit pas seulement fournir des EPI gratuitement aux travailleurs qui en ont besoin. Il doit aussi réaliser les entretiens, réparations ou remplacements requis pour garantir leur fonctionnement correct et leur bon état hygiénique (article R.4323-95 du code du travail).

L'employeur-doit-entretenir-les-EPI-Crédit : Rungruedee/AdobeStock

Information et formation à l’utilisation des EPI

L’employeur doit informer les salariés devant utiliser un EPI des risques contre lesquels il protège, des conditions d’utilisation de cet équipement, des instructions ou consignes le concernant et des conditions de sa mise à disposition (article R.4323-104).

En complément, l’employeur doit délivrer une formation appropriée aux travailleurs utilisant des EPI, incluant si besoin un entraînement à son port (article R.4323-106).


Article extrait du n° 583 de Face au Risque : « OVH, Quelles leçons ? » (juin 2022).

Manon Janvier – Contributrice

Consultante au service Assistance réglementaire de CNPP Conseil & Formation

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