Sûreté. Crise sanitaire et JO de Paris 2024, le double défi français
Les Jeux Olympiques de Paris 2024 approchent à grands pas. Si la France prépare cette organisation depuis la victoire de sa candidature le 13 septembre 2017, l’inattendue crise sanitaire Covid-19 ajoute un défi supplémentaire en matière de sécurité et de sûreté.
Les Jeux Olympiques de Paris 2024 sont au cœur de toutes les préoccupations. Outre les sportifs, ce sont bien évidemment les autorités mais aussi l’ensemble du secteur français de la sécurité et de la sûreté qui sont sur le qui-vive depuis plus de trois ans déjà.
À la préparation de cette grande messe quadriennale est néanmoins venue s’ajouter une contrainte imprévisible : la crise sanitaire et mondiale liée au Covid-19. Un virus qui, depuis quasiment un an désormais, crée de nouvelles problématiques en termes de sécurité et de sûreté.
Alors que ces thèmes feront prochainement l’objet de débats les 2 et 3 février 2021, à l’occasion de la 2e édition de Platinum Security à Monaco, une avant-première se tenait par visio-conférence le mardi 19 janvier… Avec une problématique explicite : « Les grands enjeux sécurité – sûreté : quelles solutions technologiques face aux nouvelles menaces ? »
JO de Paris 2024, « une opportunité de réconciliation sociale »
À un peu plus de trois ans des Jeux Olympiques de Paris 2024, le secteur de la sécurité doit aujourd’hui prioritairement faire face à la pandémie de Covid-19. Une nouvelle donne qui a très largement influé sur les chiffres du secteur tout au long de l’année 2020 comme le montrait récemment une étude de En Toute Sécurité.
« Toutes les entreprises de sécurité spécialisées dans l’événement en France ont perdu la plupart de leurs ressources… Mais aussi des éléments essentiels de leur management » constatait ainsi Claude Tarlet, président de la Fédération française de la sécurité privée, lors de cette conférence du 19 janvier.
Selon l’intéressé, les Jeux de Paris 2024 – mais également l’organisation de la Coupe du Monde de rugby 2023 en France – peuvent avoir un effet à double tranchant. « Ces événements sont des opportunités de réconciliation sociale, mais peuvent aussi être source de tension sociale. Nous devons faire des Jeux Olympiques un moment fort après la pandémie ».
Afin d’anticiper au mieux ces événements, le président de la FFSP a mis l’accent sur la nécessité de l’apprentissage. « Il faut mener une campagne d’attractivité de cet emploi très limité dans le temps, mais qui peut être un accélérateur de carrière après les JO de Paris 2024 et la Coupe du Monde. Nous devons préparer des parcours spécifiés, mener une politique assouplie en levant le levier de l’apprentissage. Une opportunité est donnée à ce secteur d’améliorer son image. C’est la possibilité de montrer une expertise déjà reconnue dans le monde… Mais de l’appliquer sur notre territoire ».
Une organisation maritime à ne pas sous-estimer
Si les Jeux Olympiques font instantanément penser à sécurité terrestre et aérienne, l’organisation maritime ne doit pas pour autant être laissée de côté. Cela d’autant plus que les épreuves sportives sur eau se dérouleront non seulement à Paris, mais également du côté de Marseille et de la Polynésie française.
Une donnée intégrée par Patrick Haas, directeur de En Toute Sécurité. « Plusieurs épreuves se dérouleront sur l’eau lors de ces Jeux. Pour Paris, les principaux challenges seront d’assainir la Seine, pour un coût d’1 milliard d’euros, mais aussi réglementer le trafic fluvial durant les épreuves… Tout en maintenant le tourisme. Cela implique de neutraliser les ponts pendant les épreuves pour éviter les jets d’objets du public par exemple. Cela nécessite donc des systèmes de sécurité globaux qui vont devoir communiquer entre eux. »
La reconnaissance faciale facilitée au nom de Paris 2024 ?
Les Jeux Olympiques de Paris 2024 seront-ils l’occasion pour la France de définitivement franchir le pas technologique pour de nombreuses solutions qui ne font toujours pas l’unanimité à l’heure actuelle ?
D’emblée, les regards se tournent en direction de la reconnaissance faciale. Et de son éventuelle mise en application au nom de la sécurité des citoyens. Une problématique que soulevait déjà Cathy Robin, directrice Axon France, en décembre 2019 à l’occasion d’une tribune pour Face au Risque.
Pour Dominique Legrand, président de l’Association nationale pour de la vidéoprotection (AN2V), la question est d’ores et déjà tranchée. « Si nous n’utilisons pas ce genre de technologie, comme la reconnaissance faciale, il y a presque non-assistance à personne en danger. Car on a cette solution mais on fait comme si elle n’existait pas ! », lance-t-il dans un premier temps. Avant d’appuyer son argumentaire en prenant l’exemple des smartphones.
« Des millions de personnes ont des smartphones qui intègrent la reconnaissance faciale… Elles l’utilisent au quotidien, et ça ne dérange personne. Si vous avez un Samsung, vos données partent pourtant en Corée du Sud. Avec Apple, elles partent en Californie. Nous devons trouver des usages au-dessus de tout soupçon et les utiliser dans un cadre légal, afin qu’ils puissent apporter des services comme n’importe quelle autre technologie. »
Vers une démocratisation de la smart city en France ?
Vice-président du Club des jeunes cadres en sûreté (CJCS), Alexandre Fousse évoque pour sa part le modèle smart city en vue d’une éventuelle démocratisation lors des JO de Paris 2024.
« Dans les cas d’usage de base, la smart city répond à des besoins de sécurité (délinquance, sécurité publique, comportement dangereux), rappelle-t-il dans un premier temps. En France, elle est mise en application à Angers, Nîmes, Marseille, Dijon ou encore à Paris-La Défense… L’enjeu est d’améliorer les capacités opérationnelles des forces de l’ordre et des secours. Ce qui repose sur la connaissance terrain et des cas d’usage, la numérisation et la modélisation du territoire qui sont corrélés à travers des hyperviseurs dans des centres d’opérabilités urbaines. »
Une « acceptabilité » nécessaire des Français
L’intéressé n’oublie cependant pas de mentionner l’importance que revêt dans ce cas de figure l’enjeu lié à la transparence de la donnée et des directives RGPD.
Au-delà de ces directives, c’est en premier lieu auprès de la population que ces technologies doivent trouver un écho, prévient Mélanie Bénard-Crozat. La rédactrice en chef de Sécurité & Défense Magazine précise ainsi que « si l’on veut que ces technologies soient utilisées à bon escient, il faut l’acceptabilité du public et des citoyens. Sinon elles resteront un vœu pieux ».
Paris 2024 « ne sera pas un laboratoire de la sécurité »
Reconnaissance faciale, smart city, intelligence artificielle, drone… Les technologies qui auront l’opportunité de se démocratiser lors des Jeux de Paris 2024 ne manquent pas. Patrick Haas lance cependant un avertissement : toutes les nouveautés du secteur de la sûreté et de la sécurité n’auront pas vocation à être utilisées durant cette olympiade.
« Les JO ne seront pas un “laboratoire du futur de la sécurité”. Le ministère de l’Intérieur et les pouvoirs publics ont bien dit que les systèmes de sécurité qui seront employés doivent être efficaces et prouvés. Donc en fait, ce sont les technologies d’aujourd’hui qui seront utilisées pour les JO. Ce ne sera pas du futurisme », argue-t-il.
Et Charles Beaudouin, président du Commissariat général des expositions et salons (Coges) – organisateur de Platinum Security -, de conclure : « On peut penser qu’il y aura un avant et un après Jeux Olympiques Paris 2024. En tout état de cause il est urgent de s’y préparer, de légiférer et de mettre en place tous les moyens ».
Eitel Mabouong – Journaliste
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