Pourquoi prévenir les risques sécuritaires lors des Jeux Olympiques 2024 doit être une priorité dès aujourd’hui ?

23 décembre 201917 min

En 2024, l’Île-de-France va voir sa population doubler durant plusieurs semaines. 12 millions de spectateurs sont attendus, soit presque autant que les 12,2 millions d’habitants qui la peuplent en 2019. La région doit relever de sérieux défis d’ici cinq ans, tant logistiques qu’organisationnels pour assurer le bon déroulement des Jeux Olympiques.
Notamment en termes de sécurité.

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Avec l’organisation des Jeux Olympiques en 2024, la région Île-de-France doit relever des défis de taille en matière de sécurité. Un sujet prépondérant, qui soulève des problématiques d’effectifs, de budget, de juridiction et d’équipement. Ce qui représente près de 30 % du budget total des JO 2024. La responsabilité des différentes parties prenantes, collectivités locales, État, agents de sécurité privée… reste, à cinq ans des JO, une interrogation.

Les problématiques spécifiques aux sites olympiques

12 millions de spectateurs à protéger

Les Jeux Olympiques vont rassembler quelque 12 millions de visiteurs, sur une centaine de sites actifs en permanence, pendant deux semaines. Si les commerçants et les professionnels de l’hôtellerie y voient une opportunité indéniable, cet événement est un défi pour les forces de l’ordre et les entreprises de sécurité privée. Garantir la sécurité d’une telle foule requiert une organisation réglée comme une horloge, de très nombreux agents sur le terrain et un budget important. Au total, 120 000 professionnels de la sécurité – publique comme privée – seront mobilisés. Policiers, gendarmes, militaires et agents de sécurité privée, tous vont unir leurs forces pour encadrer les Jeux et éviter les dérapages.

Les évolutions technologiques

Cependant, la technologie évolue extrêmement vite, ainsi que les menaces qui en découlent. Il est possible qu’en 2024, certains outils de protection ou de dissuasion encore inconnus aient vu le jour. Pour y faire face, à quel équipement les forces de l’ordre pourront avoir recours ? La question de l’usage de la reconnaissance faciale se pose également. Tant du point de vue sécuritaire que pour les avantages de fluidification de la circulation, et même pour simplifier les achats des spectateurs sur les différents sites.

Malgré ces bénéfices, le sujet ne fait pas l’unanimité et soulève des questions éthiques. Les données personnelles seront-elles détruites suite à l’événement ? La police pourra-t-elle utiliser des outils basés sur la reconnaissance faciale pour identifier des individus à risque ? Comment utiliser les images issues des caméras-piétons ou des caméras fixes ?

Il est difficile d’imaginer les outils qui seront mis à disposition des forces de l’ordre et des agents de sécurité. D’autant plus que la législation française a également beaucoup à apporter. En effet, les forces de sécurité privée sont encore trop démunies en termes de matériel. Il est nécessaire, pour veiller au bon déroulement des JO 2024, de revoir cette législation. Face aux risques potentiels, que peut faire un homme à main nue ?

Des pistes à explorer

Cette question se pose sur les sites olympiques mais aussi dans les rues qui peuvent être très fréquentées ou encore dans les transports. Aujourd’hui, certains acteurs ont doté les contrôleurs de caméras-piétons. Ils constatent d’ores et déjà une diminution du nombre d’agressions. Certaines municipalités ont équipé leur police d’armes non létales. Très peu utilisées en mode tir, celles-ci ont, en pratique, un effet dissuasif suffisant, ce qui permet de pacifier des situations sans avoir recours à la force. D’ici 2024, l’usage de la vidéosurveillance, sa capacité à repérer des altercations ou encore la généralisation des armes non-létales, qui existent déjà mais dont le potentiel n’est pas encore exploité au maximum, sont des pistes qui méritent d’être explorées.

Technologiquement, ces caméras-piétons sont performantes, et elles donnent de bons résultats de dissuasion lors des échanges entre les forces de l’ordre et les individus interpellés. Mais pour une efficacité optimale, certaines améliorations sont encore en attente. La retransmission des images en direct est une piste de perfectionnement à suivre. Elle permet une meilleure coordination au niveau du poste central. Les renforts peuvent s’organiser plus rapidement, protégeant ainsi leurs collègues et les personnes présentes. Ceci permet de se rendre compte du déroulé réel des actions, de la réaction des opposants comme des porteurs des caméras-piétons.

Même si la diffusion en live streaming n’est pas encore d’actualité, les caméras-piétons et les pistolets à impulsion électrique sont des outils déjà disponibles pour les forces de l’ordre. La question est de savoir quelles catégories de professionnels seront autorisées à en porter et en utiliser. On pourrait envisager, par exemple, que des agents de sécurité privée ou des urgentistes amenés à intervenir sur les sites olympiques disposent d’autorisations spéciales, pour accroître leur propre sécurité lors des interventions.

Un village olympique de 51 ha

17 000 athlètes participeront aux Jeux. C’est très peu en comparaison du nombre de spectateurs. Il s’agit cependant de l’un des plus grands rassemblements d’athlètes de haut niveau en France. Et ces participants devront être en sécurité durant toute la durée de la compétition.

Ainsi, les organisateurs ont choisi de monter le village olympique sur 51 hectares, à cheval entre Saint-Denis, l’Île Saint-Denis et Saint-Ouen.

Le plus gros avantage de cette localisation ? Sa proximité des sites de compétition. 80% des athlètes seront hébergés à moins de 30 minutes de leur site de compétition ! Une situation idéale pour un entraînement optimal, et une belle compétition.

Les organisateurs ont également prévu un site d’entraînement pour les athlètes, pour certains à moins de 20 minutes de leur hébergement. Et 60% des compétiteurs pourront s’exercer au sein-même du village olympique ! Cette réduction maximale des trajets est une bonne manière de favoriser la sécurité des athlètes. En effet, la coordination nécessaire entre les différents corps de sécurité (intérieure, extérieure…) est toujours plus simple à gérer quand les équipes sont à proximité les unes des autres. Cela permet également de bien connaître le terrain. Cependant, il reste toujours le risque que des fans ou des individus mal intentionnés y pénètrent. Dans ce cas, sur quel armement les forces de sécurité pourront-elles s‘appuyer ?

Des personnalités publiques à protéger

Une manifestation internationale de cette ampleur attire également de nombreux responsables politiques. Leur sécurité est en grande partie orchestrée en privé. Mais les organisateurs des JO doivent être à même de leur proposer des places, itinéraires et autres dispositifs sécurisés lors de leur apparition en public. D’autant plus que les conflits internationaux existants peuvent représenter d’importantes menaces sur les hommes politiques.

Des dispositifs spécifiques pour les transports ?

Conscients des problématiques qui se posent, l’Agence nationale de la recherche et le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale ont lancé un appel à projets. Les résultats devaient être publiés début juillet.

L’appel à projet concerne les cinq domaines suivants :

  • alerte et information aux populations ;
  • remontée d’alerte par la population ;
  • gestion des mouvements de foules ;
  • gestion et contrôle des itinéraires (dont voies olympiques) ;
  • contrôle et surveillance des zones réservées.

En cherchant des réponses innovantes à ces situations pourtant courantes, le comité d’organisation des JO prévoit une sécurité optimale pour la population. La remontée d’alerte par la population, par exemple, est un dispositif encore peu utilisé, mais qui peut être extrêmement performant.

Le chantier des transports en commun

Dans le viseur des organisateurs des JO : les transports en commun. C’est en partie ce qui avait motivé le lancement du projet du Grand Paris : fluidifier le trafic sans bonder les lignes intra-muros. D’autant plus que les lignes situées derrière le périphérique n’ont pas été revues depuis trente ans.

La rénovation et le prolongement de lignes, comme la création du CDG Express devraient ainsi aider les foules à naviguer sur les lignes parisiennes et franciliennes.

Cependant, les promesses formulées en 2017 par Patricia Pelloux, directrice des études à l’Atelier parisien d’urbanisme, sont aujourd’hui remises en cause. En effet, seulement quelques-uns de ces projets verront le jour : les ouvertures de la ligne 14, celles de la ligne 16 et du début de la ligne 17. Un progrès léger comparé aux attentes…

De plus, le personnel rattaché à la RATP Sûreté (ou GPSR) est composé de près de 1 000 agents. Ils sont aidés de caméras de vidéosurveillance : 20 000 caméras-embarquées dans les bus et tramways, et 10 000 caméras dans les espaces RER et métro, consultables en temps réel. Et ils sont actuellement en phase d’expérimentation avec les caméras-piétons. Ils peuvent compter sur cet important dispositif pour gérer les 4,1 millions de passagers qui transitent par le métro parisien quotidiennement.

En revanche, quid des 12 millions de spectateurs attendus sur deux semaines ? La SNCF et la RATP ne se sont pas encore exprimées sur leur accueil. Ni sur le développement de la sécurité de leurs réseaux et de ceux qui les empruntent.

La sécurité des axes routiers

Le 20 mars 2019 a été publiée l’ordonnance n° 2019-207. Relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, elle explique en détails les décisions déjà prises pour assurer la sécurité des axes routiers lors des Jeux. Certaines voies, partiellement ou dans leur totalité, pourront être réservées aux véhicules du personnel accrédité par le comité d’organisation des JO. Ainsi qu’aux véhicules de secours et de sécurité.

Ces réservations seront permanentes ou ponctuelles, en fonction des besoins du comité d’organisation, du 1er juillet au 15 septembre 2024. Ces dates permettent aux organisateurs de se préparer en amont et de couvrir la période des Jeux Olympiques et Paralympiques qui auront lieu plus tard en août 2024.

La plus grande partie de ces voies sont situées au sein des départements accueillant la compétition. Mais elles peuvent également passer par des départements limitrophes. Ainsi, la circulation routière est travaillée pour être fluide. D’autant plus que la totalité des sites de compétition devrait être accessible en transports en commun, et à moins de 45 minutes de Paris. Le but étant de réduire l’usage de véhicules personnels pour se rendre sur les sites de compétition pour un bilan écologique positif.

L’équipement et la formation, pierres angulaires de la sécurité

Capitaliser sur les équipements autorisés

En plus des équipements classiques que les forces de l’ordre déploient à chaque manifestation, un accent particulier sera mis sur la vidéoprotection. En effet, grâce à la récente évolution des capacités technologiques des caméras, elles sont capables aujourd’hui d’identifier un événement ou une menace particulière.

Les vidéos avancées reconnaissent une altercation ou un bagage abandonné et attirent immédiatement l’attention de l’agent de sécurité en charge. Il n’est pas question ici de reconnaissance faciale, ni de collecte de données biométriques. Les caméras ne sont pas équipées pour reconnaître un « qui » mais un « quoi ». Ainsi, la caméra reconnaît la situation et pas le visage. L’anonymat des individus est donc respecté.

Lutter contre les technologies malveillantes

En complément de la vidéosurveillance fixe, les drones représentent un atout majeur dans la sécurisation des événements. D’abord pour lutter contre les drones privés qui peuvent gêner les athlètes, spectateurs et organisateurs. Et aussi pour lutter contre les drones malintentionnés qui peuvent causer des dégâts colossaux dans une foule de 12 millions de personnes. On compte, parmi les nombreuses techniques de lutte contre les drones malveillants, une technique particulièrement efficace : la perturbation de signal de géolocalisation du drone afin de le désorienter. Encore à ses débuts, d’ici 2024, cette technique devrait être maîtrisée par les forces de l’ordre.

Par ailleurs les forces de l’ordre pourraient également utiliser des drones pour surveiller une zone et coordonner les équipes au sol plus efficacement.

Cependant, si la technologie permet aux forces de l’ordre de développer une telle défense, elle permet aussi aux individus malveillants de pirater les drones. La cybersécurité est donc une priorité indéniable.

Quant à la protection physique des personnes, l’usage d’armes non-létales (LBD ou Taser) ne sont pas encore confirmés.

Le succès de l’Euro 2016

Pour s’assurer de l’efficacité des dispositifs mis en place, une phase de test est nécessaire. S’il est compliqué, voire impossible, de simuler la venue de 12 millions de spectateurs dans la capitale française, des mises en situation ont lieu, notamment dans les aéroports ou au sein de la RATP. En effet, la législation actuelle n’est pas encore homologuée pour des tests en conditions réelles.

Lors de la candidature de Paris pour les JO 2024, le succès de l’Euro 2016 avait été mis en avant. Cependant, l’Euro 2016, avait regroupé « seulement » 4 millions de spectateurs. C’est près de 8 millions de moins que les JO. La France fait donc face à un challenge d’une toute autre ampleur et va devoir déployer les moyens adéquats.

En 2016, deux périmètres de sécurité avec palpation avaient été mis en place autour des stades. Des tireurs d’élite et un service de déminage étaient également présents sur place à chaque rencontre. Pour les « fan zones », le même dispositif était appliqué, et les visiteurs avaient interdiction d’y apporter des liquides ou de s’approcher en voiture. Les sites étaient surveillés 24h/24, ce qui a permis une compétition sans encombre.

Anticiper et former les équipes aux menaces futures

La mise en place de ces dispositifs de surveillance était une réponse à la menace terroriste. Que le niveau d’alerte en 2024 soit égal ou non au niveau actuel, la France ne saurait être trop préparée à gérer des situations d’urgence. C’est pourquoi les agents qui seront sollicités durant cette période hors-normes doivent disposer d’une formation maximale, dispensée au plus tôt.

La France est une cible de prédilection pour les attaques terroristes depuis de nombreuses années, et en particulier depuis 2012. Mohammed Merah, Charlie Hebdo, Hyper Cacher, le Bataclan, la Promenade des Anglais… Tant d’attentats ! Heureusement, de nombreuses tentatives ont échoué grâce aux forces de l’ordre françaises.

De 2015 à 2018, 50 projets d’attentats ont été déjoués. Selon Karim Herida, directeur adjoint du projet olympique pour la ville de Paris et responsable des fan zones lors de l’Euro 2016, « l’essentiel est de structurer ces grands rassemblements et éviter les huis clos. » En anticipant les menaces terroristes, le contexte sécuritaire évolue et la France maximise ses chances d’être en mesure de répondre à une attaque de cette nature.

Une réponse juridique à la protection des travailleurs isolés

Cependant, l’anticipation de ces attaques ne passe pas uniquement par le matériel mis à disposition et les formations des forces de l’ordre. Pour qu’elle soit complète et efficace, il faut que la menace soit prise en considération à tous les niveaux de décision. Autant juridiquement que technologiquement, la France doit être prête à répondre rapidement et de manière efficace à une telle menace.

La juridiction est aujourd’hui floue quant à la protection des travailleurs isolés. Un travailleur isolé est une personne qui effectue un travail hors de vue ou de voix et qui ne peut être secouru dans des délais courts en cas d’accident.

De cette façon, un agent de sécurité privé est un travailleur isolé s’il encadre un événement tel que la diffusion d’un match dans une fan zone. Ces personnes font face aux mêmes risques que les forces de l’ordre, ils peuvent être victimes d’agression (de la part des personnes qu’ils encadrent, comme de personnes extérieures). Et même se retrouver face à une attaque terroriste. Peu importe le risque qu’ils courent, ils sont équipés, pour la plupart, d’un Dati (dispositif d’alarme pour travailleur isolé). Cet outil leur permet d’informer de leur situation et de demander de l’aide. Ce qui est d’autant plus important que la définition-même d’un travailleur isolé implique qu’il ne peut pas être secouru dans des délais courts. Ainsi, même s’il prévient, il est en danger jusqu’à l’arrivée des secours.

L’équipement des agents de sécurité

Alors, comment protéger ceux qui nous protègent ? Si les agents de sécurité privée ont l’autorisation d’être équipés sous certaines conditions, d’armes à feu, d’un bâton ou d’une lacrymogène, ils n’ont pas le droit d’être équipés d’une arme intermédiaire telle que le PIE (pistolet à impulsion électrique). Or, le PIE, qui permet de neutraliser un opposant sans causer de dégâts irréversibles, pourrait s’avérer utile et effectif pour la protection des travailleurs isolés. Avec une formation adéquate à l’usage d’un PIE mais également à la dissuasion et au désamorçage d’un conflit, ce simple équipement peut faire des merveilles.

Les agents de sécurité pourraient également être dotés de caméras-piétons avec retransmission des images en direct. Si la situation le demande, elles pourraient facilement être transmises aux forces de l’ordre pour une meilleure coordination des moyens et des forces en présence. Ceci notamment dans l’esprit du continuum de sécurité et du rapport de M. Fauvergue et Mme Thourot.

La sécurité, un enjeu organisationnel

Reposant sur les enseignements d’expériences passées, les différents dispositifs de sécurité mis en place, la préparation à des attaques, éventuellement de nature terroriste, ainsi que les progrès technologiques en surveillance et les équipements de pointe font de la sécurité un enjeu organisationnel primordial pour le bon déroulement des JO 2024. Cet événement débute certes dans cinq ans, mais c’est dès aujourd’hui que les autorités doivent se doter des moyens qui leur permettront d’assurer la sécurité des citoyens, des touristes, des sportifs qui y assistent.

Et la technologie dont elle se dotera jouera un rôle crucial dans le succès de cette opération d’envergure.

Cathy ROBIN_Directrice Axon France

Cathy Robin
Cathy Robin a rejoint Axon France en 2017 en tant que Directrice d’Axon France. Diplômée de KEDGE Bordeaux, spécialité finance et économie internationale, Cathy Robin dispose de plus de 15 ans d’expérience dans le secteur des Télécoms. Elle intègre le Groupe Sagem en 2000 puit rejoint LG Electronics France en 2010, où elle dirigeait l’activité Telecom avant d’intégrer Axon.

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