Faute inexcusable de l’employeur : amiante et connaissance du risque

8 septembre 20254 min

Dans une décision du 10 avril 2025, portant sur un cancer broncho-pulmonaire provoqué par l’inhalation de poussières d’amiante, la Cour de cassation rappelle que la faute inexcusable de l’employeur ne peut être écartée si le risque est connu.

Mécanicien automobile - amiante faute inexcusable © Lichtmaler/AdobeStock

Monsieur K., employé comme mécanicien automobile par la société R. depuis 1987, est décédé des suites d’une pathologie cancéreuse reconnue comme d’origine professionnelle. Ses ayants droit ont saisi ensuite la juridiction compétente d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Déboutés de leurs prétentions, ils saisissent alors jusqu’à la Cour de cassation, qui décide ici que :

Inhalation de poussières d’amiante

« (…)

6. Pour dire que l’employeur n’a pas commis de faute inexcusable, l’arrêt constate qu’il n’est pas discuté qu’au cours de l’exercice de son activité de mécanicien automobile, du mois de septembre 1987 au mois d’août 2010, au sein de l’entreprise de l’employeur, la victime a travaillé sur des systèmes d’embrayage, des freins et des joints de culasses, équipements comportant de l’amiante, et, par suite, a été exposée à l’inhalation de poussières de ce matériau. Il précise que jusqu’à la création le 30 mai 1996 du tableau n° 30 bis reconnaissant le caractère professionnel du cancer broncho-pulmonaire provoqué par l’inhalation de poussières d’amiante dont cette victime était atteinte, les travaux effectués par les mécaniciens automobiles n’étaient pas répertoriés comme à risque, l’accent ayant été mis par les autorités sur l’extraction du minerai, la manipulation et l’utilisation de l’amiante brut dans des opérations de fabrication, les travaux de cardage, de tissage et de filage de l’amiante. Il ajoute que la société ne constituait qu’une petite entreprise de huit salariés, de sorte que sa situation ne lui permettait pas d’accéder aux informations et aux études médicales relatives aux risques inhérents à l’inhalation des poussières d’amiante. Il en déduit que, l’usage de l’amiante n’ayant de surcroît été interdit qu’en 1997, l’employeur n’avait pas conscience ou n’aurait pas dû avoir conscience du risque auquel avait été exposée la victime jusqu’à sa cessation d’activité.

7. En statuant par des motifs impropres à écarter la faute inexcusable de l’employeur, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

(…). »

Partant, la décision critiquée par les ayants droit du salarié décédé est cassée.

« Les risques liés à l’utilisation de l’amiante et l’inhalation de ses poussières étaient en conséquence déjà connus à l’époque en litige, la taille de l’entreprise étant inopérante pour pouvoir invoquer l’ignorance de ce risque entre 1987 et 2010. »

Cour de cassation, 10 avril 2025.

L’amiante : un risque connu

En résumé, on rappellera que les critères de la faute inexcusable de l’employeur ont été stabilisés en 2002 par la Cour de Cassation aux termes de plusieurs arrêts en date du 28 février, dits « arrêts amiante ». Depuis lors, cette notion juridique est retenue par la jurisprudence lorsqu’un employeur a été défaillant à prévenir un danger prévisible.

En pratique, le salarié concerné, qui prouve une telle faute, obtient une réparation complémentaire au forfait dit AT-MP, versé lorsque sa maladie ou son accident a été pris en charge par la législation professionnelle. Il bénéficie alors d’une indemnisation intégrale et non limitée au forfait précité. Ceci posé, plus de vingt ans après les arrêts fondateurs sur le sujet, l’exposition à l’amiante alimente toujours les contentieux en matière de faute inexcusable.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le travailleur décédé, mécanicien automobile, a travaillé plus de vingt ans durant sur des systèmes d’embrayage, des freins et des joints de culasses, qui sont des équipements comportant de l’amiante, et a donc été exposé à l’inhalation de poussières de ce matériau.

Pour autant, la faute inexcusable de l’employeur a été écartée par les premiers magistrats au motif que le métier de mécanicien n’avait pas été répertorié comme à risque à son époque, que l’amiante n’avait été interdite qu’en 1997 et que l’entreprise qui l’employait était une « TPE » pouvant, selon eux, être alors restée dans l’ignorance du danger compte tenu de sa faible dimension.

Or, ce raisonnement n’est pas celui de la Haute Juridiction depuis des années. En effet, de jurisprudence constante, elle estime que si la législation spécifique sur l’amiante imposant à ses utilisateurs de prendre des précautions particulières pour prévenir les dangers auxquels les salariés pouvaient être exposés date du décret n° 77-949 du 17 août 1977, le risque “amiante” était connu depuis le début du 20e siècle. En substance, selon les hauts magistrats, les risques liés à l’utilisation de l’amiante et l’inhalation de ses poussières étaient en conséquence déjà connus à l’époque en litige, la taille de l’entreprise étant inopérante pour pouvoir invoquer l’ignorance de ce risque entre 1987 et 2010.

C’est donc sans surprise que la décision critiquée par les ayants droit du salarié est ici cassée.

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Virginie Perinetti

Avocate au Barreau de Paris depuis 2004

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