Indemnisation du préjudice d’anxiété : nouvel enjeu pour les entreprises

10 novembre 20214 min
Marteau justice - Flickr CC Walknboston

Les récentes évolutions jurisprudentielles en matière de préjudice d’anxiété marquent un élargissement de l’indemnisation. Cette tendance constitue un nouveau risque pour les entreprises que ces dernières ne doivent pas sous-estimer.

Le préjudice d’anxiété est constitué par les troubles psychologiques qu’engendre la connaissance par un salarié du risque élevé de développer une pathologie grave à raison de son exposition à une substance nocive ou toxique.

Initialement, son indemnisation était réservée aux salariés ayant travaillé dans un établissement inscrit par arrêté ministériel sur les listes ouvrant droit au régime de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA).

Ces salariés (ou anciens salariés) bénéficiaient d’un régime d’indemnisation spécifique dans lequel le simple fait d’avoir travaillé dans un établissement inscrit ouvrait un droit à indemnisation.

Des arrêts qui marquent un élargissement

Le 5 avril 2019, la Cour de cassation a élargi les possibilités d’action en réparation du préjudice d’anxiété à tous les salariés exposés à l’amiante, sans distinction, sous réserve pour ceux n’ayant pas travaillé dans un établissement inscrit de démontrer une faute de l’employeur dans l’exécution de son obligation de sécurité prévue par l’article L. 4121-1 du Code du travail, à l’origine d’un préjudice moral résultant du risque élevé de développer une pathologie grave.

Le 11 septembre 2019, la Cour de cassation a encore étendu les possibilités d’indemnisation du préjudice d’anxiété aux salariés ayant été exposés « à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave ».

Aujourd’hui, l’indemnisation du préjudice d’anxiété n’est donc plus réservée aux seuls salariés ayant pu être exposés au risque d’inhalation de poussières d’amiante.

De nouveaux risques

Cet élargissement expose de nombreuses entreprises à un risque, quelle que soit leur activité, dès lors qu’elles exposent potentiellement leurs salariés à un risque de développer une pathologie grave, qu’il s’agisse de pathologies en lien avec une exposition au benzène, au charbon, à la silice, aux rayonnements ionisants, aux poussières de fer, aux poussières de bois, etc.

Se pose également la question de savoir si l’indemnisation du préjudice d’anxiété pourrait être admise en matière de risques psycho-sociaux qui couvrent notamment l’épuisement professionnel (ou « burn-out »).

Les conditions d’indemnisation du préjudice d’anxiété

La Cour de cassation a, il est vrai, fixé des conditions strictes et limitatives à l’indemnisation du préjudice d’anxiété. La charge de la preuve pèse sur le salarié qui, à la différence de ceux d’un site classé, ne bénéficie d’aucune présomption.

Il doit en principe démontrer avoir été exposé de manière importante en durée et en intensité à une substance nocive ou toxique, établir que cette exposition compte tenu de ses caractéristiques génère un risque élevé de développer une pathologie grave et démontrer le préjudice d’anxiété qu’il subit personnellement.

La responsabilité de l’employeur n’est toutefois pas systématique. L’employeur peut en effet démontrer avoir pris toutes les mesures afin de protéger la santé et la sécurité de ses salariés et avoir respecté son obligation de sécurité.

Il devra à cet égard prendre soin de rédiger le document unique d’évaluation des risques (DUER) en listant les risques d’exposition et les solutions mises en œuvre pour pallier toute contamination du salarié. Cette rédaction est des plus importantes puisque le DUER peut devenir un élément à charge dans le cadre d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Devant cette évolution en faveur d’un élargissement de l’indemnisation du préjudice d’anxiété, les entreprises n’ont pas d’autre choix que de prendre des mesures pour mieux maîtriser les risques qu’elles créent et mieux protéger la santé et la sécurité de leurs salariés.

 Enfin, lorsque la responsabilité de l’employeur est engagée, ce dernier peut aussi solliciter la garantie de son assurance de responsabilité civile.

Benoît Charot, avocat associé, cabinet Reed Smith

Benoît Charot
Avocat associé
Equipe Contentieux
Reed Smith

Margot Lacaud, avocate, Reed Smith

Margot Lacaud
Avocate
Equipe Contentieux
Reed Smith

Olivier Rivoal, avocat, équipe Contentieux, cabinet Reed Smith

Olivier Rivoal
Avocat
Equipe Contentieux
Reed Smith

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