Reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie

28 décembre 20216 min

Un salarié a fait reconnaître le caractère professionnel de son cancer du poumon afin de bénéficier du régime en dépendant. Mais son employeur conteste le caractère professionnel de la pathologie.

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Un salarié a été reconnu atteint d’un adénocarcinome bronchique lobaire droit. La maladie ayant été prise en charge au titre de la législation professionnelle, il a saisi ensuite la juridiction compétente d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

L’employeur, condamné à indemniser, saisit alors jusqu’à la Cour de cassation afin de contester le caractère professionnel de la pathologie.

Une importante utilisation de l’amiante dans l’entreprise

C’est dans ce contexte, que la Haute Juridiction considère ici que :

  1. « L’arrêt retient (…) que l’employeur est une société spécialisée dans le domaine de la fabrication de produits chimiques; qu’à ce titre elle a été régulièrement amenée à utiliser des produits à base d’amiante, bien connu pour ses propriétés isolantes, et étant très fréquemment utilisé afin de protéger des fortes chaleurs; que l’amiante était ainsi utilisé dans ses ateliers aussi bien dans les fours dits TMA, qu’au niveau des postes électriques, dans les ateliers de fabrication et d’entretien afin d’isoler les descentes de circuits vapeur, dans l’atelier labo-contrôle et dans l’atelier électrique; que l’amiante servait également de protection pour les ouvriers de production; qu’il était utilisé notamment pour les garnitures de freins des chariots automoteurs à l’atelier mécanique, comme joint d’étanchéité des portes de chaudières; que l’amiante était encore utilisé dans les ateliers par les agents de fabrication comme adjuvant de filtration; que le personnel de l’usine le mettait à la main dans des ballons de traitement en la désagrégeant bien de façon à être bien (…) démêlé, pour être efficace; que dans les ateliers d’entretien, les paliers de pompe en aluminium étaient coulés dans des creusets entourés d’amiante; que les joints spiralés Inox avaient leur âme en amiante et les pompes équipées de garnitures à tresses étaient en amiante et téflon; qu’au laboratoire, les chromatos contenaient de l’amiante comme isolant dans leurs fours; que cette très forte utilisation s’est poursuivie postérieurement aux années 1990.

La victime manipulait l’amiante

  1. Il précise que la victime a travaillé chez l’employeur de 1977 à 2010, soit pendant une durée de 33 ans; que le rapport d’enquête administrative détaillé fait apparaître que de 1977 à 1985, en qualité d’électricien puis de conducteur de chaufferie, il intervenait sur toutes les installations de l’usine, était amené à manipuler et à remplacer des joints amiantés sur les coffrets électriques et des tresses du même matériau précité aux fins de protéger les traceurs électriques; que durant les opérations de maintenance, il changeait les joints en amiante sur les portes de chaudières; qu’à partir de 1985, sa tâche consistait à vérifier le traitement de produits chimiques dans un atelier de fabrication comportant des éléments amiantés (tresses et joints).

Exposition aux poussières d’amiante

  1. Il ajoute que l’audition de la directrice des ressources humaines de l’entreprise a permis de confirmer qu’avant 1985 les joints de porte des coffrets électriques étaient en amiante, que des plaques étaient utilisées pour l’isolation de jeu de barre sous tension, que les tresses, toujours en amiante, étaient manipulées pour isoler les traceurs électriques, que pendant les opérations de maintenance sur les chaudières, que les joints d’étanchéité étaient changés; que le même témoin a précisé que postérieurement à 1985, la victime était chargée d’effectuer les opérations de vérification dans un bâtiment ouvert qui renfermait des joints et des tresses en amiante sur les circuits vapeur; que les attestations convergentes des anciens collègues de la victime établissent la réalité de l’exposition habituelle des salariés à l’amiante; que le directeur du site lui-même a confirmé cette exposition en précisant que 1990 avait été la dernière date d’utilisation d’amiante au sein de l’entreprise, mais comme matière première, cette attestation ne contredisant pas la réalité de l’exposition des ouvriers, après 1990, à l’inhalation des poussières d’amiante; qu’il en résulte que la victime a été exposée aux poussières d’amiante à compter de 1977 et au-delà même de 1990, de façon habituelle; que l’exposition ʺchroniqueʺ de celui-ci, c’est-à-dire régulière et continue à l’amiante, a bien joué un rôle causal certain dans la genèse et le développement de cette pathologie; que la circonstance que le tabagisme de la victime, peu important sa volumétrie quotidienne, ait concouru à la survenance du dommage, est sans incidence sur le caractère professionnel de la pathologie présentée par le salarié, dès lors que celle-ci ne résulte pas exclusivement d’une cause étrangère à son activité professionnelle, ce dernier ayant été exposé au cours de sa carrière, sans rupture de continuité pendant plus de dix années, aux poussières d’amiante.

Décisions des cours d’appel et de cassation

  1. De ces constatations (…), la cour d’appel a déduit à bon droit qu’il n’y avait pas lieu à saisine d’un nouveau comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pour reconnaître le caractère professionnel de la maladie dont la victime était atteinte.
  1. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé. ».

Partant, le pourvoi de l’employeur est rejeté.

De nombreux éléments conduisent à la reconnaissance

En résumé, un salarié, employé en qualité d’électricien puis de conducteur de chaufferie, a présenté une pathologie dont il a voulu faire reconnaître le caractère professionnel afin de bénéficier du régime afférent.

C’est dans ce cadre que sa pathologie, son étiologie, son environnement professionnel et la nature des activités de ce salarié ont été discutés au sein du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles avant que cet adénocarcinome ne soit reconnu d’origine professionnelle.

Mais l’employeur ayant contesté cette reconnaissance, la Haute Juridiction, qu’il a saisie, relève les éléments qui ont conduit à ce rattachement, avant de refuser un autre examen des faits; faute d’en avoir la compétence (la Cour de cassation ne juge en effet qu’en droit et non les faits).

On retiendra ainsi qu’en l’espèce, le salarié a travaillé près de trente ans au sein d’une entreprise fabriquant des produits chimiques, utilisant l’amiante pour ses qualités isolantes en présence de fortes chaleurs (fours) au sein de ses ateliers. L’amiante était ainsi présent dans l’environnement de travail, qu’il s’agisse des outils de production ou de protection. Le salarié concerné a donc été exposé à l’amiante puis à l’inhalation de poussière d’amiante durant plus de dix années, en continu.

Ces constatations ayant été considérées comme déterminantes, le pourvoi de l’employeur est rejeté.


Article extrait du n° 577 de Face au Risque : « Cybersécurité des systèmes industriels » (novembre 2021).

Virginie Perinetti

Virginie Perinetti

Avocate au Barreau de Paris depuis 2004

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