Maladies professionnelles : leur reconnaissance peut ĂȘtre directe ou indirecte

15 mai 2024‱‱7 min‱

Si la rĂ©glementation ne dĂ©finit pas prĂ©cisĂ©ment ce qu’est une maladie professionnelle, certains critĂšres existent nĂ©anmoins et les tableaux de maladies professionnelles dĂ©crivent les conditions Ă  remplir pour que la pathologie en cause soit reconnue comme ayant une origine professionnelle.

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Nombreux sont les travailleurs qui contractent une maladie au cours de leur parcours professionnel. Lorsque cette pathologie est la consĂ©quence du travail, elle doit ĂȘtre reconnue comme ayant une origine professionnelle, que le salariĂ© relĂšve du rĂ©gime gĂ©nĂ©ral de l’assurance maladie (gĂ©rĂ© par la Caisse primaire d’assurance maladie – CPAM) ou du rĂ©gime agricole (gĂ©rĂ© par la MutualitĂ© sociale agricole – MSA). Le rĂ©gime des maladies professionnelles (MP) peut s’appliquer aux professions libĂ©rales et travailleurs indĂ©pendants s’ils ont souscrit une assurance volontaire en ce sens. Il n’existe pas de types prĂ©cis de MP, celles-ci sont diverses et peuvent inclure les pathologies psychiques. Ainsi, de nombreuses maladies peuvent ĂȘtre gĂ©nĂ©rĂ©es par le travail et il est trĂšs compliquĂ© d’estimer la date Ă  partir de laquelle la maladie a Ă©tĂ© contractĂ©e. Dans ce contexte, la rĂ©glementation prĂ©sume que certaines maladies ont une origine professionnelle. Pour d’autres, leur caractĂšre professionnel doit ĂȘtre prouvĂ©.

DĂ©finition

La rĂ©glementation ne dĂ©finit pas explicitement la notion de maladie professionnelle. NĂ©anmoins, des critĂšres ont Ă©tĂ© dĂ©gagĂ©s par la CPAM qui prĂ©cise, sur son site internet, qu’une maladie est considĂ©rĂ©e comme ayant une origine professionnelle « si elle rĂ©sulte des conditions dans lesquelles le salariĂ© exerce d’une façon habituelle son activitĂ© professionnelle qui l’expose Ă  un risque physique, chimique, psychique ou biologique ».

« Les derniĂšres maladies professionnelles prises en compte sont les cancers du larynx et de l’ovaire provoquĂ©s par l’inhalation de poussiĂšres d’amiante. »

Tableaux de maladies professionnelles et reconnaissance immédiate des pathologies

Certaines maladies sont prĂ©sumĂ©es avoir une origine professionnelle. Celles-ci figurent dans des tableaux annexĂ©s au code de la SĂ©curitĂ© sociale (CSS) pour les travailleurs relevant du rĂ©gime gĂ©nĂ©ral et au code rural et de la pĂȘche maritime pour les travailleurs appartenant au milieu agricole. Chaque tableau dĂ©crit les conditions Ă  remplir pour que la pathologie en cause soit reconnue comme professionnelle. Il indique :

  • L’intitulĂ© prĂ©cis de la maladie ou les symptĂŽmes que le malade doit prĂ©senter ;
  • Le dĂ©lai de prise en charge de la maladie. L’Institut national de recherche et de sĂ©curitĂ© (INRS) prĂ©cise, dans son dossier relatif aux accidents du travail et maladies professionnelles (MAJ 10 janvier 2017), qu’il s’agit « du dĂ©lai maximal entre la constatation de l’affection et la date Ă  laquelle le travailleur a cessĂ© d’ĂȘtre exposĂ© au risque ». Ce dĂ©lai diffĂšre selon les maladies ;
  • Selon les cas, une liste exhaustive ou indicative des travaux pouvant causer la maladie.

Ces tableaux sont publiés au Journal officiel de la République française et viennent enrichir, en fonction des connaissances médicales, les annexes des codes précités.

Au 18 avril 2024, les derniĂšres maladies professionnelles prises en compte sont les cancers du larynx et de l’ovaire provoquĂ©s par l’inhalation de poussiĂšres d’amiante. En effet, le dĂ©cret n° 2023-773 du 11 aoĂ»t 2023 est venu crĂ©er un nouveau tableau (n° 47ter) au sein du code rural et de la pĂȘche maritime afin de pouvoir reconnaĂźtre ces cancers en tant que MP dans le milieu agricole. De la mĂȘme façon, le dĂ©cret n° 2023-946 du 14 octobre 2023 est venu inscrire ces maladies dans un nouveau tableau (n° 30ter) au sein du CSS pour prendre en compte ces pathologies dans le milieu non agricole.

En substance, les deux décrets sont venus définir :

  • le nom des maladies concernĂ©es (Ă  savoir le cancer primitif du larynx, la dysplasie primitive de haut grade du larynx, le cancer primitif de l’ovaire Ă  localisation ovarienne, sĂ©reuse tubaire, et sĂ©reuse pĂ©ritonĂ©ale) ;
  • Le dĂ©lai de prise en charge de la maladie, lequel est fixĂ© Ă  35 ans dans le milieu non agricole. En consĂ©quence, la maladie doit ĂȘtre reconnue mĂ©dicalement dans un dĂ©lai de prise en charge de 35 ans Ă  compter de la fin de l’exposition Ă  l’amiante pour ĂȘtre reconnue comme ayant une origine professionnelle (ce dĂ©lai est fixĂ© Ă  40 ans pour le rĂ©gime agricole). La victime doit, par ailleurs, apporter la preuve de son exposition pendant un minimum de 5 annĂ©es, quel que soit le rĂ©gime auquel elle appartient ;
  • Les travaux pouvant causer ces maladies. On retrouve sensiblement les mĂȘmes travaux, quel que soit le rĂ©gime concernĂ©, Ă  savoir notamment les travaux de retrait d’amiante.

L’INRS met Ă  disposition, sur son site internet, une base de donnĂ©es permettant d’accĂ©der gratuitement Ă  ces tableaux. Cette base associe pour chaque tableau un commentaire mĂ©dicotechnique, « rĂ©digĂ© par un groupe pluridisciplinaire d’experts », afin de faciliter la comprĂ©hension du lecteur.

Présomption de reconnaissance de la maladie inscrite dans un tableau

Lorsqu’une personne est atteinte d’une maladie et qu’elle rĂ©pond Ă  toutes les conditions fixĂ©es dans le tableau la qualifiant, alors celle-ci est prĂ©sumĂ©e ĂȘtre d’origine professionnelle (L.461-1 du CSS).

La maladie sera automatiquement reconnue comme MP une fois que le malade aura prouvĂ© son exposition au risque et qu’un mĂ©decin aura constatĂ© la maladie dans le dĂ©lai fixĂ© dans le tableau.

Maladies professionnelles © Freepik

L’intĂ©rĂȘt de reconnaĂźtre la maladie comme ayant une origine professionnelle rĂ©side dans sa prise en charge par l’assurance maladie et le versement d’indemnitĂ©s journaliĂšres (IJ). De fait, la reconnaissance d’une MP dĂ©clenche :

  • La gratuitĂ© des soins rendus nĂ©cessaires pour vaincre la maladie ;
  • Le versement d’IJ plus avantageuses que celles versĂ©es en l’absence de reconnaissance du caractĂšre professionnel de la maladie.

Reconnaissance différée des MP

Reconnaissance
« automatique »
de la MP
Reconnaissance « indirecte » de la MP
1er cas 2e cas
Respect de toutes les conditions Ă©noncĂ©es dans le tableau de MP. Constatation de la maladie par un mĂ©decin dans le dĂ©lai prescrit. La maladie est prĂ©sente dans un tableau de MP mais la victime ne remplit pas toutes les conditions de prise en charge prĂ©vues par la rĂ©glementation => elle doit prouver que la maladie est la consĂ©quence de son travail habituel. La maladie n’est pas listĂ©e dans un tableau de MP il convient de prouver que la maladie est causĂ©e directement et majoritairement par le travail habituel de la victime et que celle-ci a provoquĂ© :
‱ Soit une incapacitĂ© permanente Ă  hauteur de 25 % chez la victime ;
‱ Soit son dĂ©cĂšs.

Une personne peut ĂȘtre malade sans satisfaire Ă  l’ensemble des conditions indiquĂ©es dans le tableau de MP (par exemple en cas d’exposition au risque pendant une durĂ©e infĂ©rieure Ă  celle fixĂ©e dans le tableau). Dans cette hypothĂšse, la maladie peut ĂȘtre reconnue comme ayant une origine professionnelle « lorsqu’il est Ă©tabli qu’elle est directement causĂ©e par le travail habituel de la victime » (article L.461-1 du CSS). Toute la difficultĂ© rĂ©side dans la matĂ©rialitĂ© des preuves Ă  apporter. C’est alors au travailleur de rassembler toutes les preuves qu’il peut obtenir (avis mĂ©dicaux notamment) pour caractĂ©riser le lien de causalitĂ© entre son activitĂ© professionnelle habituelle et sa maladie.

Par ailleurs, une maladie qui n’est pas dĂ©signĂ©e dans un tableau de MP peut ĂȘtre reconnue comme ayant une origine professionnelle s’il est prouvĂ© qu’elle est « essentiellement et directement » causĂ©e par le travail habituel de la victime et qu’elle entraĂźne le dĂ©cĂšs de celle-ci ou une incapacitĂ© permanente d’un taux au moins Ă©gal Ă  25 % (lecture combinĂ©e des articles L.461-1 et R.461-8 du CSS).

Dans le cadre de la reconnaissance indirecte de la MP, la personne malade doit mettre en Ɠuvre une procĂ©dure de reconnaissance spĂ©cifique. La caisse primaire reconnaĂźtra l’origine professionnelle de la maladie aprĂšs avoir reçu l’avis motivĂ© d’un comitĂ© rĂ©gional de reconnaissance des MP, lequel statuera sur le lien de causalitĂ© entre la maladie et le travail habituel du salariĂ© concernĂ©.

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Article extrait du n° 601 de Face au Risque : « JOP 2024 : Ă  vos marques, prĂȘts ? » (mai-juin 2024).

Manon Janvier

Consultante au service Assistance réglementaire de CNPP Conseil & Formation

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