Bois massif et sprinkleur à tous les étages

7 novembre 202311 min

Conçu en bois massif et apparent, l’immeuble « Breizh » est un bâtiment en cours de construction à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Offrant environ 35 000 m² de bureaux et commerces, l’ensemble bâtimentaire comptera 7 étages pour une hauteur de dernier plancher ne dépassant pas 28 mètres. Les dispositifs de sécurité incendie déployés reposent en grande partie sur du sprinkleur, après des tests probants ayant valeur expérimentale.

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À quelques pas du Stade de France, le projet « Breizh » sera constitué à terme de 22 000 m² de bureaux – le futur siège social de GRDF – et de 11 000 m² d’hôtel d’entreprises exploité par le bailleur social RIVP. Construit sur une ancienne friche industrielle, l’ensemble bâtimentaire combinera béton et matériaux biosourcés. Avec plus de 9 000 m³ d’éléments massifs mis en œuvre, le matériau bois sera mis à l’honneur. Promoteur du projet et inscrit dans une démarche « bas carbone » sur tout le cycle de vie d’une construction, le groupe WO2 revendique les labels BBCA (bâtiment bas carbone) et E+C (énergie positive et réduction carbone – délivré par des organismes agréés par l’État) pour le futur siège social de GRDF. Dans l’attente de l’évolution de la réglementation, les concepteurs se sont appuyés sur la doctrine de la préfecture de police de Paris pour concevoir la sécurité incendie des lieux. La livraison de l’ensemble est prévue début 2025.

Un bâtiment novateur

L’ensemble bâtimentaire (lire l’encadré « L’opération Breizh en bref » ci-dessous) s’articule autour d’un premier niveau et de circulations en béton, autour desquels se déploie la superstructure en bois réalisée par des appuis porteurs en poteaux et poutres lamellés-collés en épicéa. Les planchers porteurs sont en CLT (Cross Laminated Timber) d’épicéa. Les qualités de ces deux matériaux bois permettent de réaliser des bâtiments plus hauts ou avec des porte-à-faux conséquents.

Sur le plan environnemental, « le choix du CLT permet une réduction importante de l’empreinte carbone du bâtiment, explique Guillaume Wiel, directeur adjoint Recherche et Développement de WO2. Utiliser le bois en superstructure permet de diviser l’empreinte carbone par deux par rapport à un bâtiment conventionnel en béton. D’autre part, la préfabrication en usine entraîne une réduction des rotations de camions et des nuisances sonores en phase chantier, avec un gain de temps de réalisation du gros œuvre du fait d’une filière sèche. »

« Utiliser le bois en superstructure permet de diviser l’empreinte carbone par deux par rapport à un bâtiment conventionnel en béton. »

Guillaume Wiel, directeur adjoint R & D de WO2.

Outre l’atteinte d’objectifs ambitieux au regard de la RE2020, le bois possède aussi d’autres avantages, comme le rappelle Guillaume Wiel : « Montrer le bois de structure fait partie intégrante des bureaux proposés par WO2. Cela permet aussi d’améliorer la santé et le bien-être des collaborateurs qui travaillent dans un tel environnement. »

Un cadre réglementaire et normatif en évolution

S’émancipant progressivement du résidentiel et de la rénovation pour gagner peu à peu la construction neuve et l’habitat collectif, le matériau bois innove mais souffre de vides réglementaire et normatif. « Aux côtés des acteurs de la filière bois, WO2 participe à la création de référentiels, souligne Guillaume Wiel. Nous mettons ainsi au point des appréciations techniques expérimentales (ATEx) sur des sujets de façade ou d’étanchéité concernant le bois, en réalisant des campagnes d’essais visant à attester la performance d’un bâtiment en bois, aussi bien d’un point de vue acoustique que de sécurité incendie. »

Les premières études du projet Breizh ayant débuté en 2020, les concepteurs se sont appuyés sur la doctrine de la préfecture de police de Paris à propos de la construction des immeubles en matériaux biosourcés et combustibles, publiée en juillet 2021, pour penser la sécurité incendie. Rappelons qu’à côté de la hauteur du dernier niveau de l’édifice, la doctrine tient compte du facteur « bois apparent » dans son appréciation du risque. Il s’agit en effet de prendre en compte la probable participation du bois au développement et à la puissance d’un incendie. Pour les immeubles d’une hauteur comprise entre 18 et 28 mètres comme « Breizh », la doctrine préconise soit la protection passive de l’ensemble des éléments en bois (encapsulage du bois dans un matériau incombustible), soit la protection active au moyen d’un système d’extinction automatique à eau (SEAE) dans l’intégralité des parties du bâtiment comprenant du bois apparent. Le bois apparent constituant l’ADN de WO2, force était de recourir à la protection active.

Sprinkleur et brouillard d’eau à l’essai

Éditées en 2020, les diverses recommandations de France Bois 2024 concernant les bâtiments en bois multi-niveaux construits dans le cadre des JOP (village olympique) mentionnent la nécessité d’obtenir une appréciation de laboratoire agréé pour justifier de la résistance au feu des éléments en CLT. En effet, les méthodes de calcul pour justifier de la résistance du CLT sous incendie normalisé seront intégrées dans la révision de la NF EN 1995-1-2 (Eurocode 5 – actuellement en enquête publique).

D’autre part, W02 se heurte à la difficulté de concevoir une installation « appropriée aux risques » selon la formule consacrée de la doctrine de la BSPP. « Les SEAE sont conçus pour contrôler, voire éteindre des feux de mobilier ou de matières diverses stockées dans des locaux, explique Guillaume Wiel. La norme NF EN 12845 – Installations fixes de lutte contre l’incendie donne peu d’indications sur la prise en compte d’une structure combustible, en sus du mobilier habituellement présent ». Une campagne d’essais est décidée avec le laboratoire Efectis. L’objectif est double, précise Guillaume Wiel : « Primo, vérifier si la présence d’une structure combustible est de nature à majorer la classe de risque, qui dépend a priori du mobilier et non de la structure. Deuxio, comparer deux technologies entre elles : le sprinkleur et le brouillard d’eau haute et basse pression, avec des configurations de pose variées. »

Une attention pour la phase chantier

C’est finalement le sprinkleur qui sera retenu, pour des raisons de place (lire l’encadré “Deux technologies de système d’extinction automatique à eau (SEAE) testées en laboratoire” ci-dessous). Pour des raisons esthétiques, ce sont des buses longue portée « side wall » qui ont été montées afin de ne pas dénaturer les plafonds.

Afin d’anticiper l’évolution du bâtiment, des vannes d’isolement ont été demandées sur le réseau sprinkleur à chaque étage. « Plus on place de vannes sur le réseau, plus on s’expose au risque qu’elles soient fermées par inadvertance, précise Bénédicte Bartholet d’Axima Sécurité Incendie, entité d’Equans France, qui a décroché le lot SEAE du projet « Breizh ». « Ces vannes sont piégées, cadenassées et munies d’une alarme en cas de fermeture ».

« Plus on place de vannes sur le réseau, plus on s’expose au risque qu’elles soient fermées par inadvertance. »

Bénédicte Bartholet, directrice commerciale chez Axima Sécurité Incendie.

Enfin, le récent sinistre de Montfermeil l’a rappelé, une attention toute particulière a été portée à la sécurité incendie en phase chantier : « Une mise à disposition partielle des poteaux incendie assurant la Deci (défense extérieure contre l’incendie) en phase d’exploitation dès le démarrage du montage de la structure bois permet d’assurer la sécurité en phase chantier, détaille Guillaume Wiel. La mise en place de détecteurs de fumées et une procédure de travaux par point chaud ont été également prévues. Enfin, des visites de reconnaissance du chantier ont été organisées avec la caserne de pompiers de Saint-Denis ».

GCC_BREIZH - Crédit : Nicolas Thouvenin

La protection du bois apparent des poteaux et des planchers est assurée par un système d’extinction automatique à eau de type sprinkleur. On distingue ici le réseau d’alimentation (en noir) et les têtes « up » qui protègent le plénum du plafond technique. Les têtes pendantes (protection des espaces sous plafond) et side-wall (protection de l’open-space) seront ajoutées plus tard.

L’opération « Breizh » en bref

  • Environ 35 000 m² de surface de planchers répartis sur un bâtiment R+7
  • Usage mixte : bureaux, commerces (RDC) et hôtel d’entreprises
  • Hauteur du dernier plancher accessible : 25 mètres
  • Premier niveau, escaliers, dalle de toiture en béton
  • Superstructure en ossature bois poteaux-poutres avec des planchers en CLT
  • Bois apparent sur la sous-face des planchers et les poteaux-poutres
  • Hauteur libre sous plafond pouvant atteindre jusqu’à 3,10 m
  • Façade de type ossature bois intégrant des menuiseries aluminium et un bardage métallique
  • Fenêtres ouvrantes sur une large partie des façades
  • Patio large et végétalisé
  • Parking souterrain de 152 places (voitures et deux-roues)
  • 315 m² de locaux à vélos, soit 250 places
  • 400 m² d’espace de fitness
  • Potager en toiture
  • Besoins en chauffage couverts à 40 % par du gaz vert
  • RE2020 : le bâtiment atteint les plafonds d’émission carbone de 2028 pour l’indice carbone (Ic) Construction et les plafonds de 2031 pour l’Ic Énergie
  • Nature des matériaux : bois massif, béton bas carbone, réemploi-recyclage
  • Empreinte carbone divisée par deux par rapport à un bâtiment conventionnel en béton
  • Bâtiment sprinklé sur les 7 étages et le parking souterrain
  • 5 233 têtes de sprinkleur installées
  • Buses longue portée de type « side wall » avec entraxe de 2,70 m dans les bureaux
  • Quatre électropompes de 100 m3/h sur site (siège social et hôtel d’activités) qui puisent dans une même réserve en sous-sol de 150 m3
  • Circulations communes verticales et horizontales en matériau incombustible (béton)
  • Panneaux de bois traités par une lasure intumescente permettant d’atteindre le classement M1 en réaction au feu
  • Isolement entre tiers superposés coupe-feu 2 heures (ERP/code du travail)
  • Façade : C+D à 1 m et recoupement de la lame d’air
  • Deci : débit majoré à 360 m3/h du fait de la présence de l’hôtel d’activités (risque particulier)
  • Le promoteur WO2 a défini 12 engagements pour la santé et le bien-être des occupants des bureaux avec une équipe pluridisciplinaire (médecins, biologistes…)
  • Parmi ces engagements : la lutte contre le stress, l’altération de l’hygiène de vie et les épidémies et les infections banales
Menée au cours du mois d’août 2022, une campagne d’essais a été réalisée par le laboratoire Efectis en grandeur réelle. Une reproduction d’une partie de la structure bois de « Breizh » est assemblée. Elle affiche une dimension de 27 m sur 11 de large, représentant une zone de bureaux ouverts.

Bénédicte Bartholet, directrice commerciale chez Axima Sécurité Incendie, entité d’Equans France, nous décrit ces essais : « Cette campagne constitue une première en France. Il a été procédé à huit essais en tout, quatre pour chaque technologie : sprinkleur et brouillard d’eau. La cinétique envisagée pour le foyer était rapide, avec un pic de puissance calorifique attendu de 4 à 5 MW. Les essais ont été à chaque fois concluants, quelle que soit la configuration retenue : même si l’objectif était de contrôler le feu, il y a eu extinction dans chaque situation. Le choix final en faveur du sprinkleur est revenu au promoteur. »

Guillaume Weil, directeur adjoint R&D de WO2, conclut : « La différence majeure entre les deux technologies, en plus d’un faible écart de prix en faveur du sprinklage, réside dans la quantité d’eau utilisée et donc dans la taille de la réserve d’eau. Le brouillard d’eau autorise une réduction de la quantité d’eau nécessaire d’un facteur 4. Cela est très intéressant dans des projets où les espaces en infrastructure ne sont pas suffisants pour le sprinklage. Ce n’était pas le cas du projet « Breizh », où nous disposions d’une place suffisante en sous-sol. »


Une structure de 300 m² représentant une réplique de la zone de bureaux a été reconstituée dans le laboratoire Efectis. L’objectif était de comparer les résultats du sprinkleur et du brouillard d’eau sur un feu à cinétique rapide, dans des configurations variées.


Article extrait du n° 597 de Face au Risque : « Construction bois et sécurité incendie » (novembre 2023).

Bernard Jaguenaud, rédacteur en chef

Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef

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