Feu de tout bois à Montfermeil

2 août 20238 min

À Montfermeil (Seine-Saint-Denis), une vaste maternelle en fin de chantier a été gravement endommagée par le feu et devra être détruite. Ce bâtiment était construit en bois…

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Établissement en construction

C’est vers 18 h le 15 avril 2023 que les secours sont alertés pour un incendie éclatant au cœur du chantier de construction d’un établissement scolaire de Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Nous sommes samedi, le chantier est inoccupé, mais des enfants sortant du site sont aperçus par les témoins peu avant le début de l’incendie…

La violence rapidement prise par le feu dans cet environnement propice entraîne une demande de renforts dès 18 h 05.

Dessin RD Montfermeil - Crédit: René Dosne/Face au Risque

Explosions

À l’arrivée du premier engin de secours, une centaine de mètres de façades est totalement embrasée !

L’ensemble du bâtiment est en feu et des explosions de bouteilles de gaz, libérant d’imposantes boules de feu, s’enchaînent. Des débris de bouteilles seront retrouvés loin dans le quartier.

Le rayonnement si intense des feux de bois (générateurs de peu de fumée, combustion complète) est puissant et entraîne des dégradations de stores, d’éléments de façade et de véhicules à une quinzaine de mètres, en périphérie.

À l’arrivée du premier engin de secours, l’ensemble du bâtiment en travaux est en feu et des explosions de bouteilles de gaz libèrent d’imposantes boules de feu.

Les premières lances visent à protéger les immeubles contigus aux deux extrémités du brasier et, ensuite, à protéger les constructions modulaires servant d’école provisoire à l’arrière du chantier.

En moins d’une heure, le feu est circonscrit au moyen de six lances, dont une sur bras élévateur et une sur robot d’extinction à même de braver le rayonnement en s’enfonçant sur le chantier. Vers 22 h, le feu est maîtrisé grâce à l’action de neuf lances dont deux lances-canons.

C’est après 1 h le 16 avril que le feu est éteint. Près de 170 hommes d’une vingtaine de centres de secours auront été engagés de longues heures. Ne subsiste de l’école qu’un champ de ruines, de paille et de bois calcinés d’où émergent des éléments de maçonnerie, tels la trémie de l’ascenseur, en béton, et un angle du bâtiment bois.

En images, l’intervention des sapeurs-pompiers de la BSPP à Montfermeil (93), le 15 avril 2023.

Les explications de l’architecte

Selon la conceptrice de l’édifice, l’incendie est survenu au moment où la construction était la plus vulnérable : la structure de bois était en place, la paille placée dans les parois ou stockée sur le site. Mais l’enduit de plâtre et de terre séchée qui devait assurer la fonction coupe-feu n’était pas en place…

De plus l’étanchéité de la toiture-terrasse était en cours de réalisation, impliquant la présence de bouteilles de gaz. Enfin, les baies vitrées allaient être posées la semaine suivante, les ouvertures étant, au moment du feu, « occultées » d’une feuille de plastique épais.

L’architecte signale aussi que la stabilité du bâtiment, en exploitation, aurait été assurée le temps de l’évacuation ! Quid de l’intervention des pompiers ensuite ? Peuvent-ils s’engager dans un tel bâtiment pour, comme dans une construction traditionnelle, circonscrire le feu au plus près ? Où se contraindre à le combattre de l’extérieur au risque d’une perte complète de la construction ?

Signalons tout de même la propagation exceptionnellement rapide de ce feu qui se produit de jour, en présence de passants et riverains, dans un bâtiment vide de mobilier et qui, lorsque le premier engin se présente (pas plus de 10 à 15 minutes plus tard), vomit des flammes sur 100 m de façade !

Mesures de prévention spécifiques

Seuls restent les parties en béton et maçonnerie, la trémie de l’ascenseur et le bloc réfectoire.

La conceptrice de l’édifice assure qu’il faut continuer à construire selon ce concept « Écoresponsable ». Elle souligne toutefois que sur ces chantiers de constructions de bois (d’autres ont été totalement détruites aux États-Unis en fin de chantier), il est nécessaire de réfléchir à des mesures de prévention spécifiques (détection provisoire, local de stockage des bouteilles de gaz, gardiennage du chantier…) durant cette phase où l’édifice est particulièrement vulnérable.

Elle ne semble pas être la seule à le penser, puisque, durant l’incendie, un grand tag à la bombe sur la palissade du chantier assurait : « le monde brûle ! » Réflexion prémonitoire.

La maternelle de 2 000 m² au sol, se dresse dans un quartier semi-pavillonnaire. L’ensemble en forme de « L » est contigu à des bâtiments tiers aux deux extrémités.

Le bâtiment R + 1 est à structure bois, poteaux, planchers et façades. Sa toiture-terrasse est recouverte d’un revêtement bitumineux.

Une trémie d’ascenseur en béton, pour personnes à mobilité réduite (PMR) est implantée au centre du complexe et l’extrémité nord, abritant entre autres les cuisines, est faite d’un bloc en parpaings et béton.

Les façades sont constituées de caissons emplis de paille compressée assurant l’isolation. La façade devait à terme être recouverte d’un enduit à base de terre.

Nous sommes en milieu urbain et des poteaux d’incendie publics sont proches, les secteurs bien alimentés.

L’école, en cours de construction, n’est protégée par aucun des dispositifs se rapportant à son classement réglementaire futur : ERP de type R.

La liste des gros sinistres de constructions totalement ou partiellement en bois s’allonge. Leur fréquence augmente à mesure que les programmes et quartiers éco-responsables se multiplient. Il semble que les feux de voie publique constituent un risque certain. Feux de conteneurs à ordures, deux-roues appuyés sur une façade de lambris, feu de véhicule et bien sûr incendie criminel.

Les feux sur balcon peuvent se généraliser verticalement, les flammes devenant rapidement imposantes au point de couvrir un instant la façade.

  • Salon de Provence : un petit immeuble R +1 constitué de 6 appartements, doit être démantelé devant l’impossibilité de procéder à son extinction. Le feu est dans les murs (Face au Risque n° 520, février 2016).
  • Lavelanet (Ariège) : feu de bâtiment R +1 abritant des logements sociaux bâtis sur un rez-de-chaussée servant partiellement de parking. L’ensemble est totalement détruit et trois occupants perdent la vie (Face au Risque n° 507, novembre 2014).
  • San-Francisco : feu de complexe d’habitations R +7 de 6 000 m2 au sol totalement détruit à la suite d’un travail par point chaud en fin de chantier. Au matin, il ne reste plus, émergeant d’un tas de bois calciné, que les trémies de béton des escaliers et ascenseurs (Face au Risque n° 505, septembre 2014).
  • Draguignan : incendie d’immeuble R + 4 causé par un barbecue sur balcon de bois. Le feu s’est propagé à l’ensemble de la façade et détruit en profondeur de nombreux appartements (Face au Risque n° 554, juillet-août 2019).

À cette liste s’ajoutent les feux survenant en montagne, aux constructions pas forcément en bois, souvent en béton, mais traditionnellement recouvertes d’éléments de bois en façade, balcons, et aux toitures débordant largement en surplomb :

  • « Des stations de sports d’hiver coupées du monde » (Face au Risque n° 239, janvier 1988) ;
  • Feux à Val Thorens (Face au Risque n° 417, novembre 2005) ;
  • Avoriaz (Face au Risque n° 451, mars 2009) ;
  • Courchevel (Face au Risque n° 478, décembre 2011)…

Ajoutons l’incendie de modules d’habitation R +5 près de Lausanne en 1999. Parti d’un réfrigérateur, l’incendie gagne les façades tapissées de bois, justifiant l’engagement de 150 pompiers pendant plus de 20 heures. Le feu ne sera éteint que lorsque les trois modules constituant 1/3 de la résidence seront abattus.

Trois occupants seront gravement blessés ou brûlés.

Un des dénominateurs communs à la majorité de ces incendies : le démantèlement des constructions, garant de leur véritable extinction. En effet, l’utilisation de parois multicouches, emplies d’épaisses couches d’isolant tel que paille, laine minérale, laine, etc. entraîne un feu couvant et rampant dans ces parois multicouches, ne pouvant être atteint et traité que par la destruction de celles-ci.

En savoir plus

A lire sur le même sujet : Feu de tous bois à Cabourg


Article extrait du n° 594 de Face au Risque : « Éviter les chutes » (juillet-août 2023).

René Dosne, lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris

René Dosne

Lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris

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