Crise sanitaire : vigilance sur la supply chain

24 février 20217 min

Lors de l’événement digital organisé par l’Amrae les 3 et 4 février 2021, une table ronde sur la supply chain a permis d’y voir plus clair sur les risques que peut engendrer une rupture dans les chaînes d’approvisionnement pour les entreprises.

Depuis l’apparition du Covid-19 en Chine à la fin de 2019, les divers confinements et les arrêts de production qui ont suivis, la planète connaît une série de pénuries. De masques et d’équipements de protection pour les soignants d’abord, puis de tout type de produits et matières premières. Les supply chains mondiales sont mises à rude épreuve.

Définition

Lors de la table-ronde sur la problématique de la supply chain organisée par l’Amrae le 4 février 2021, Laurent Giordani, associé du cabinet de conseil Kyu, a défini la supply chain comme étant l’ensemble « des flux physiques, des flux d’information voire des flux financiers qui parcourent l’ensemble de la chaîne logistique, depuis les matières premières jusqu’aux produits finis ».

Cette chaîne comprend donc l’entreprise avec ses fournisseurs sur plusieurs rangs, ainsi que ses clients et les clients de ceux-ci.

Laurent Giordani poursuit en expliquant que la supply chain est un facteur de productivité et de rentabilité à travers l’optimisation des flux et des stocks. Mais lorsqu’un événement vient la gripper, elle devient un risque important.

Le risque de supply chain et ses causes

Le risque de supply chain c’est « le risque de défaillance d’un ou plusieurs maillons de la chaîne avec, par effet domino, sa paralysie totale ou partielle », énonce Michel Josset, directeur Assurance de Faurécia, producteur d’équipements automobiles. Dans son groupe, la supply chain représente 7 000 entreprises réparties sur l’ensemble du globe, PME ou grands groupes internationaux. « Elle est vaste, mobile et fluide, explique-t-il. Elle est également résiliente car lorsqu’il y a un souci, elle arrive à se reconfigurer rapidement. Mais elle reste malgré tout fragile. Car si ça tape dur au mauvais endroit, tout le monde peut en pâtir. »

Les causes de défaillance sont multiples. Il peut s’agir de la faillite d’un fournisseur ou d’un client important, d’une inondation, d’un incendie, d’un problème de qualité, d’une cyberattaque, d’une situation géopolitique instable ou… d’une pandémie.

Des cas emblématiques

En janvier 2017, un incendie détruit en partie l’outil de production d’une usine tchèque de composants plastiques pour l’industrie automobile appartenant au groupe belge Recticel. Ses clients (Renault, PSA, Volkswagen, Daimler, BMW) se sont rapidement trouvés en rupture de stock.

Tsunami - Fukushima - Credit : oDouglas Sprott - Flickr-Cc

Autre exemple : le séisme du 11 mars 2011 suivi du tsunami et de la catastrophe nucléaire de Fukushima. Ces phénomènes ont mis les entreprises de la région de Tohoku à l’arrêt. Or, beaucoup d’entre elles avaient un système de back-up en Thaïlande. Mais en octobre 2011, ce pays a connu de graves inondations. « La supply chain a été attaquée une première fois puis les situations de back-up qui existaient en Thaïlande ont été impactées la même année », se souvient Loïc Le Dréau, directeur général des Opérations de Paris chez l’assureur FM Global.

Il rappelle également l’épisode de l’ouragan Maria qui a déferlé sur Porto Rico en 2017. Les vents et les pluies ont fortement endommagé le réseau électrique. L’industrie pharmaceutique, très présente dans cette île des Caraïbes, a dû tourner au ralenti pendant plusieurs mois avec des générateurs de secours. La supply chain du secteur en a été très impactée.

Le risque « pandémie »

Laurent Giordani rappelle qu’en décembre 2019, le cabinet Kyu avait publié son baromètre annuel des risques de supply chain. « L’un des risques les moins probables et les moins impactants pour la supply chain était alors le risque pandémique. »

Avec la crise Covid, certains « redécouvrent que la Chine est l’atelier du monde. (…) On peut être très dépendant d’une rupture qu’on n’avait pas vu venir. »

Il précise cependant que l’impact de la pandémie sur la supply chain est resté relativement limité en 2020 du fait de la chute de la demande due notamment aux confinements, aux nouveaux modes d’organisation et de consommation. Mais il craint que le pire reste à venir.

« On peut être très dépendant d’une rupture qu’on n’avait pas vu venir », Laurent Giordani, associé du cabinet de conseil Kyu.

Bien connaître sa chaîne d’approvisionnement

L’important est de bien géolocaliser les sites de production, conseille Michel Josset. « Il faut pouvoir superposer la carte des impacts d’un événement avec l’implantation industrielle de ses fournisseurs. » Ainsi les fournisseurs indisponibles seront repérés rapidement et les mesures de résilience pourront être prises : organisation de back-up, augmentation des stocks…

Par ailleurs, le directeur Assurance de Faurécia note qu’il est nécessaire, lors du choix d’un nouveau fournisseur, de bien considérer tous les aspects : santé financière, politique RSE, incendie, risques naturels… Et de maintenir ces informations dans le temps. Pour cela, il faut accepter d’avoir recours à des professionnels de l’information.

« Il faut également faire en sorte d’avoir plusieurs fournisseurs sur des matières premières ou des produits importants », renchérit Cyril Lafarge, directeur Assurance chez Sanofi.

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« Il faut faire en sorte d’avoir plusieurs fournisseurs sur des matières premières ou des produits importants », Cyril Lafarge, directeur Assurance chez Sanofi.

Et l’assurance dans tout ça ?

Avec la crise du Covid, « les assureurs ont réduit la voilure, se désole Michel Josset. La perte d’exploitation sans dommage s’est évaporée. L’étendue de la garantie s’est réduite aux fournisseurs de rang 1 et aux clients directs. Par ailleurs, le coût de la garantie a augmenté et les franchises sont plus importantes… ». C’est par une meilleure connaissance des risques et le partage des informations avec eux qu’il pense pouvoir faire revenir les assureurs.

Chez Sanofi, Cyril Lafarge explique qu’ils ont une approche collaborative avec les assureurs. Ils ont par exemple un projet de containers connectés de façon à mieux connaître les valeurs cumulées assurées. « Il faut utiliser les outils que certains d’entre eux développent, notamment une aide à l’analyse des risques, ce qui manque souvent à la supply chain. »

Loïc Le Dréau de FM Global affirme en effet que cette collaboration entre assureurs et assurés est très importante. Il voit trois axes sur lesquels travailler ensemble :

  • connaître la mécanique de la supply chain en identifiant les maillons faibles pour les renforcer ;
  • rendre la chaîne flexible et résiliente. Elle doit continuer à opérer même si un événement n’a pas été anticipé ;
  • protéger l’innovation. Les nouveaux équipements connectés sont souvent la cible des hackeurs.

« Il faut s’attendre à des défaillances en série au cours de cette année ou des années suivantes »Michel Josset, directeur Assurance chez Faurécia.

Comment envisager l’après crise Covid ?

Pour Michel Josset, la chaîne d’approvisionnement est fragilisée par la crise Covid. « Quand tout va se remettre en mouvement (…) il faudra redoubler d’attention en surveillant la santé financière des entreprises de notre supply chain. Car il faut s’attendre à des défaillances en série au cours de cette année ou des années suivantes. »

Avis que partage Laurent Giodani. « On a maintenu sous cloche un certain nombre d’économies, en particulier dans notre pays, grâce à l’argent public. On a aidé énormément d’entreprises (…) à passer le cap. Beaucoup d’entreprises vont se trouver en difficulté. On ne va pas savoir où vont se produire les défaillances. Ça va turbuler fort au niveau des organisations supply, en particulier à cause de ce risque-là. »

« Il faudra rester vigilant sur les risques annexes. Ne pas rajouter de la crise à la crise de par des sujets cyber ou de fraudes. Et surtout, tirer profit de l’expérience recueillie à travers la gestion de cette crise », conclut Cyril Lelarge.

« On ne va pas savoir où vont se produire les défaillances. Ça va turbuler fort au niveau des organisations supply », Laurent Giordani, associé du cabinet de conseil Kyu.

Pour visionner le replay de la table-ronde, c’est ici

Martine POREZ

Martine Porez
Journaliste

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