Plan d’actions post-Lubrizol. Quel impact sur l’industrie ? L’exemple d’Elkem Silicones à Saint-Fons (69)

1 février 20218 min

Le 24 septembre 2020 le Gouvernement dévoilait son plan d’actions, suite à l’incendie de Rouen de 2019. Dans son dossier spécial du n°569, Face au Risque a présenté les différents volets de la nouvelle réglementation, tout en interrogeant les industriels exploitants sur les impacts de ce nouveau cadre sur leur activité. Focus sur l’entreprise Elkem Silicones, située dans la Vallée de la chimie.

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Elkem Silicones, site Seveso seuil haut

Classée Seveso seuil haut, Elkem Silicones à Saint-Fons produit des polymères et des formulations de silicones de spécialités avec des débouchés notamment dans les domaines de la santé, de la cosmétique, de l’agroalimentaire, de l’automobile, de la construction. Situé à quelques centaines de mètres de la commune de Saint-Fons, l’établissement est constitué de deux sites, nord et sud, distant d’un kilomètre. L’usine fonctionne en continu avec environ 400 salariés. Les sites hébergent également une centaine de personnes sur des fonctions support, une centaine de personnes en R&D et des sous-traitants, notamment pour des activités de maintenance.

La prévention des risques est pilotée par le service HSE, qui comprend trois pôles : une équipe risques industriels (études de dangers, analyses de risques, suivi de la réglementation ICPE), une équipe de coordination HSE et sûreté et une cellule environnement.

Les principaux risques incendie identifiés concernent les liquides ou vapeurs inflammables. La capacité de production de l’usine est d’environ 200 000 tonnes par an. Plusieurs scénarios d’incendie ont été identifiés, comme le perçage d’un emballage, une fuite sur une tuyauterie, le débordement d’un stockeur ou d’un réacteur, la casse d’une pompe…

L’évolution des règles concernant le dimensionnement des rétentions et des fosses déportées est une nouvelle mesure qui préoccupe Elkem Silicones de par ses solutions techniques complexes et ses coûts élevés.

Elkem Silicones est classée Seveso seuil haut - Crédit: Sebastien Secchi-IMAGIE SA

L’exploitation avant le 26 septembre 2019, date de l’incendie de Rouen

En matière de prévention, tous les procédés font l’objet d’une analyse de risques selon une méthode standardisée afin d’identifier les risques majeurs pour mettre en place les mesures de maîtrise des risques (MMR). « Dans les zones plus à risque vis-à-vis de l’incendie, l’établissement s’est doté entre 2018 et 2020 d’un réseau d’explosimètres, détecteurs d’atmosphères explosives, souligne Sébastien Stérin, directeur du site. Nous installons du matériel correspondant aux exigences requises dans les zones Atex et nous avons des procédures en place pour gérer les travaux par point chaud. »

Avant l’incendie, quatre exercices POI (plan d’opération interne) étaient organisés chaque année, auxquels participent les pompiers auxiliaires (80 sur le site) et le SDMIS pour l’un des exercices. « Notre arrêté préfectoral impose une présence minimale de pompiers auxiliaires sur le site en permanence. Ils viennent en soutien des sapeurs-pompiers professionnels qui interviennent en cas d’accident. Les premiers à intervenir sont ceux de la Plateforme d’intervention des pompiers de Saint-Fons (PIPS), dédiée aux sites chimiques, et qui connaissent très bien notre site. Si l’évènement prend de l’ampleur, ils font appel au SDMIS », détaille Sébastien Stérin.

Concernant la protection incendie, l’usine dispose d’un réseau d’extinction incendie dans les bâtiments de production et les pompiers de la PIPS viennent sur place en cas de déclenchement des détecteurs. Une grande partie des bâtiments sont sprinklés, y compris les entrepôts de stockage et les unités de production en extérieur qui l’exigent.

Concernant la gestion de crise, sont organisées des astreintes direction, exploitation et techniques (électrique, mécanique, informatique) 7 jours sur 7 et 24 h sur 24. Un robot d’appel téléalerte est utilisé pour appeler les membres du poste de commandement exploitant (environ 30 personnes).

Sébastien Stérin - Crédit: Elkem-Silicone

« Nous travaillons d’ores et déjà avec l’un de nos fournisseurs pour mettre en service un GRV (grand récipient pour vrac) qui soit conforme à la nouvelle réglementation. »

Sébastien Stérin, directeur du site.

Après l’incendie de Rouen, un renforcement des mesures…

« Après l’incendie de Rouen, tous les industriels en charge de sites Seveso ont reçu un courrier de la préfecture. Il était demandé d’organiser des exercices POI hors heures ouvrées, d’être capable de sortir les stocks en temps réel… Nous avons bien senti qu’il fallait augmenter le niveau d’exigences en matière de réponse aux situations d’urgence », se rappelle Sébastien Stérin. L’entreprise a donc organisé de façon volontaire un exercice POI hors heures ouvrées, très tôt le matin, avant que la Dreal n’en déclenche un autre de façon inopinée. Ces exercices ont permis de mettre en évidence des axes d’amélioration autour du processus de confinement et de la communication par exemple.

« Nous pouvions déjà connaître l’état de nos stocks dans les différentes zones de l’usine, mais nous sommes allés un peu plus loin dans la précision du découpage pour avoir une vision plus fine de la réalité du terrain », ajoute le directeur du site. L’entreprise a par ailleurs développé une web application pour avoir accès à ses stocks en temps réel.

Le site a aussi étendu l’utilisation de la téléalerte pour informer rapidement par SMS, fax et mail toutes les parties prenantes dont la préfecture, la Dreal et la mairie, en plus de l’équipe dirigeante.

Elkem Silicones travaille également sur la partie communication, élément largement commenté dans le cadre de l’incendie de Rouen. « La préfecture avait rencontré tous les industriels de Saint-Fons après l’incendie dans le cadre du comité de suivi des sites de Saint-Fons, explique Sébastien Stérin. Ce que j’ai retenu c’est qu’il faut une unicité de l’information entre préfecture, Dreal et industriel car tout écart peut être interprété, amplifié et engendrer de la confusion. On a bien vu que c’était quelque chose d’essentiel, notamment avec l’accélération de la circulation de l’information associée au développement des réseaux sociaux. » L’entreprise a ainsi mis en place un plan d’actions pour une amélioration de la gestion de la communication de crise avec des fiches réflexes, la surveillance et l’intervention sur les réseaux sociaux, la préparation de messages types et des formations dédiées.

Enfin, plusieurs projets sont également en cours pour réduire les quantités de matières premières ou produits inflammables stockés sur le site et moderniser les installations. « Sur le site nord, nous avons réduit de 80 % l’utilisation de matières premières toxiques et inflammables. Nous avons modernisé les pomperies des réseaux incendie et prévoyons de la faire sur le site sud en 2021. Un bassin grand sinistre a également été mis en service en décembre 2020 sur le site sud. Et nous venons de construire un nouveau parc de stockage pour des produits et matières premières en vrac équipé des meilleures techniques disponibles », souligne Sébastien Stérin.

« Installer de la détection et de l’extinction incendie nous savons faire (…). Doubler la taille d’une fosse en béton qui fait parfois plusieurs centaines de mètres cubes, sachant que nous n’avons pas forcément la place autour, c’est plus compliqué. »

Sébastien Stérin, directeur du site.

Sébastien Stérin - Crédit: Elkem-Silicone

L’intégration des nouvelles mesures réglementaires

Elkem Silicones a été présent dans les groupes de travail de France Chimie dès le départ pour faire entendre la voix des industriels sur cette nouvelle réglementation. « Ce travail commun entre les autorités et les industriels a permis d’aboutir à des mesures qui répondent à l’objectif de réduction du risque incendie tout en préservant au mieux l’activité des industriels. C’est bénéfique pour tout le monde même si le coût pour les industriels va être important », commente Sébastien Stérin.

Le site d’Elkem va donc travailler pour se mettre en conformité avec ces nouvelles mesures, notamment les arrêtés concernant les zones de stockage. « Nous travaillons d’ores et déjà avec l’un de nos fournisseurs pour mettre en service un GRV (grand récipient vrac) qui soit conforme à la nouvelle réglementation. Nous nous organisons pour les tester au cours du 1er trimestre 2021 », poursuit Sébastien Stérin.

Parmi les nouvelles mesures, l’évolution des règles concernant le dimensionnement des rétentions et des fosses déportées est celle qui le préoccupe le plus. « Installer de la détection et de l’extinction incendie nous savons faire, gérer des distances de stockages, même si cela impacte la capacité de stockage, cela est faisable. Doubler la taille d’une fosse en béton qui fait parfois plusieurs centaines de mètres cubes, sachant que nous n’avons pas forcément la place autour, c’est plus compliqué. La solution technique peut être complexe et donc le coût élevé. »

Aujourd’hui l’entreprise en est au niveau de l’étude faisabilité. « Il faut maintenant que l’on avance dans le cahier des charges et que l’on identifie les solutions techniques et les délais pour les mettre en place afin de respecter les prescriptions post-Lubrizol. »

L’entreprise Elkem Silicones, par la voix de son directeur Sébastien Stérin, est aussi intervenue dans le cadre d’une conférence matinale de l’Institut des risques majeurs (IRma) dédiée aux enseignements de l’incendie de Rouen du 26 septembre 2019. La vidéo est visionnable ci-dessus.


Article extrait du n° 569 de Face au Risque : « Plan d’actions post-Lubrizol : l’impact sur l’industrie » (février 2021).

Gaëlle Carcaly – Journaliste

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