La catastrophe d’AZF, il y a… 20 ans

20 septembre 20215 min

Le 21 septembre 2001, Toulouse et sa région étaient secouées par une explosion à l’usine AZF. Cet accident fera prendre conscience de l’importance de la prévention des risques technologiques.

Article extrait du n° 575 de Face au Risque : « La catastrophe d’AZF » (juillet-août 2021).


Il est 10 h 17 le 21 septembre 2001 lorsqu’une onde de choc secoue Toulouse et sa région. Une explosion vient de se produire à l’usine de fertilisants AZF, classée Seveso, implantée à 3 km du centre-ville.

A la place du hangar 221 qui abritait un stock de 300 à 400 tonnes de nitrate d’ammonium déclassé, un cratère de 65 m sur 45 et de 7 m de profondeur s’est formé. Et la partie nord de l’usine – qui s’étend sur 70 ha – est totalement détruite.

Sur le périphérique qui borde l’usine, des dizaines de voitures sont soufflées. Et côté habitations, 25 550 logements sont endommagés plus ou moins grièvement et 1 200 familles sont à reloger.

Autour de l’usine, dans un rayon de 500 m, les entreprises sont dévastées, notamment des établissements Seveso implantés de l’autre côté de la Garonne qui longe AZF. On craint un moment un effet domino qui, heureusement, ne se produira pas. Mais près de 1 300 entreprises sont sinistrées.

Le terrible bilan humain

L’explosion fait 31 morts dont 21 dans l’enceinte d’AZF. Au moment de l’accident, 266 employés se trouvaient sur le site ainsi qu’une centaine de sous-traitants. Nombre d’entre eux « ont procédé aux mesures essentielles de mise en sécurité des installations », expliquait René Dosne dans le n° 383 de Face au Risque.

La plaque commémorative des 21 personnes décédées sur le site d’AZF.

Le nitrate d’ammonium à l’origine de l’explosion

De nombreuses enquêtes et expertises ont été menées et beaucoup d’hypothèses envisagées. Finalement, le 16 mai 2006, un rapport final accrédite la thèse de l’accident chimique. La catastrophe serait due « à un mélange malencontreux de quelques dizaines de kilos de DCCNa [dichloroisocyanurate de sodium, utilisé comme désinfectant, biocide antibactérien, anti-algue et désodorisant industriel, NDLR] avec 500 kg de nitrate d’ammonium déversés sur le tas principal de nitrate 20 minutes avant l’explosion », rapporte le Barpi dans sa fiche Aria n° 21329.

AZF : les premières images de la rocade après l’explosion.
Archive INA.

La dépollution des sites

Le jour même de l’accident, le préfet suspend l’activité d’AZF et de cinq entreprises chimiques voisines. Toutes doivent mettre leur site en sécurité, sous le contrôle de l’Inspection des installations classées. Ceci implique notamment l’évacuation des substances dangereuses, opérations qui vont prendre plusieurs mois, voire années. Ainsi, chez AZF, les stocks de nitrate d’ammonium et autres produits dangereux vont être évacués ou enfouis.

En juillet 2006, plus de 750 000 m3 de terre ont été excavés et 90 % des terres et bétons dépolluées par « lavage et traitement thermique à 850°C », explique le Barpi.

Une saga judiciaire

A la suite d’une instruction de cinq années, l’ancien directeur de l’usine, Serge Biechlin, et la société Grande Paroisse, filiale du groupe Total Fina Elf à laquelle appartient AZF, sont mis en examen pour « homicides et blessures involontaires ».

Un premier procès fleuve s’ouvre le 23 février 2009 au tribunal correctionnel de Toulouse. Au terme de quatre mois de débats, le verdict tombe : les prévenus sont relaxés au bénéfice du doute. Mais les associations sont offusquées et le parquet fait appel de la décision.

Un nouveau procès débute le 3 novembre 2011. A son terme, la cour d’appel considère les deux prévenus « coupables d’homicides et blessures involontaires par maladresse, inattention, négligence, imprudence ou manquement à une obligation de sécurité ». Ainsi, l’ex-directeur écope de 3 ans de prison dont 2 avec sursis et de 45 000 € d’amende tandis que Grande Paroisse se voit infliger une amende de 225 000 €.

Mais les deux condamnés se pourvoient en cassation. Puis, le 13 janvier 2015, la haute juridiction casse la décision pour impartialité de l’une des magistrates de la cour d’appel de Toulouse. Elle renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Paris.

« Fautes caractérisées »

Finalement, le 31 octobre 2017, Serge Biechlin est condamné à quinze mois de prison avec sursis et 10 000 € d’amende pour homicide involontaire et la société Grande Paroisse à une amende de 225 000 €. La cour d’appel de Paris reconnaît les deux prévenus coupables de « négligences » et de « fautes caractérisées ». Ceux-ci se pourvoient en cassation mais cet ultime recours est rejeté le 17 décembre 2019. « Une victoire du pot de terre contre le pot de fer » ont alors annoncé les associations de victimes et les syndicats.

Les enseignements de l’accident

L’accident a mis en exergue plusieurs dysfonctionnements parmi lesquels :

  • une évaluation insuffisante des risques, AZF ayant considéré improbable une telle explosion d’ammonitrates ;
  • le danger présenté par les engrais à base de nitrate d’ammonium ;
  • une urbanisation qui s’est développée autour du site industriel au cours des années ;
  • un manque de formation des salariés et des sous-traitants sur la prévention des accidents et une désinformation des riverains sur les risques industriels ;
  • une inadaptation des indemnisations des victimes.

>>> Lire aussi :Terribles explosions à l’usine d’engrais BASF en Allemagne, il y a 100 ans

La Loi Bachelot

Le 30 juillet 2003, la loi n° 2003-699, dite Loi Bachelot, relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, est promulguée. Elle instaure :

  • les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) pour organiser la cohabitation des sites industriels à risques et des zones riveraines ;
  • les Clic (Comité locaux d’information et de concertation) pour répondre à l’obligation d’informer les riverains des sites industriels ;
  • le renforcement de l’analyse des risques qui doit prendre en compte davantage d’éléments, comme la probabilité, la gravité ou la cinétique des accidents ;
  • l’élargissement du rôle du CHSCT afin d’associer les travailleurs à la prévention des risques ;
  • une meilleure indemnisation des victimes.
Martine Porez, journaliste à FAR

Martine Porez
Journaliste

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