Faute inexcusable et agissement de la victime
À la suite d’une chute lors de travaux de débroussaillage, un salarié se blesse à la cheville. En appel, les juges estiment que son comportement imprudent n’a pas pour effet d’exonérer l’employeur de sa responsabilité. Investie de l’affaire, la Cour de cassation annule cette position.
Aucune mesure prise sur le chantier
Un salarié a été victime d’un accident ayant été pris en charge au titre de la législation professionnelle. Il a saisi ensuite la juridiction compétente d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Débouté de ses prétentions indemnitaires, il saisit alors jusqu’à la Cour de cassation.
C’est dans ce contexte, que la Haute Juridiction considère ici que :
- « Pour dire que l’employeur n’a pas commis de faute inexcusable, l’arrêt retient que la victime procédait à des travaux de débroussaillage autour d’un tas de poteaux électriques en béton armé entreposés sur le sol et que l’un de ces poteaux ayant glissé, sa cheville gauche s’est retrouvée coincée. Il relève qu’il ressort de l’audition du chef d’entreprise qu’aucune mesure particulière n’avait été prise sur ce chantier. Il conclut que la déstabilisation de l’un des poteaux, de forme parallélépipédique, n’a pu se produire que parce que le salarié s’est positionné sur les poteaux et que la zone où les poteaux étaient entreposés n’étant pas en soi une zone dangereuse, l’employeur n’était pas tenu de mettre en œuvre une signalisation particulière ou de prendre des mesures spécifiques pour en interdire l’accès.
- En statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés du comportement du salarié, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
Partant, la décision critiquée par le salarié est cassée.
Défaut d’appréciation des risques de la part de l’employeur
On rappellera d’abord que le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
La Jurisprudence est constante depuis les arrêts dits « Amiante » rendus par la Cour de cassation le 28 février 2002. Il est désormais établi que le défaut de prévention d’un risque prévisible est fautif de la part de l’employeur, ne serait-ce que si ce défaut a concouru pour partie seulement à la réalisation du risque.
En conséquence, hors les cas de force majeur (cause étrangère, irrésistible et imprévisible) ou les situations où les faits restent indéterminés ou encore lorsque la faute à l’origine du dommage est exclusivement le fait de la victime, les litiges font le plus souvent apparaître un manquement de l’employeur quant à l’appréciation des risques en présence et de la prévention afférente.
Pas de mesure de prévention
C’est le cas en l’espèce. Un salarié s’est ici blessé alors qu’il débroussaillait une zone où des poteaux électriques étaient entreposés au sol. C’est dans ce contexte que la Haute Juridiction réfute l’analyse, et la conclusion, des juges précédemment saisis. Ceux-ci avaient considéré que seul un manquement du salarié pouvait être à l’origine de son accident sans toutefois avoir examiné ou s’être prononcés sur un éventuel manquement de l’employeur. Ce dernier n’avait en tout cas mis en place aucune mesure de prévention particulière. Autrement dit, sans une démonstration de l’absence de tout manquement de l’employeur, la faute de la victime ne peut donc suffire à exonérer un employeur de sa responsabilité en matière de faute inexcusable.
Article extrait du n° 585 de Face au Risque : « Communication de crise » (septembre 2022).
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