Contrat de surveillance humaine : les points à observer
L’achat de prestations de surveillance humaine nécessite la passation d’un contrat entre un donneur d’ordres et une entreprise de sécurité privée preneuse d’ordres. Les droits et les obligations respectives de chacun impliquent une vigilance accrue lors de la rédaction de certains points du contrat.
Contenu et moyens de la mission
La rédaction d’un contrat avec une entreprise de sécurité privée requiert une attention particulière et il faut, en conséquence, examiner les principales clauses applicables à cette prestation de services particulière. Il sera néanmoins laissé hors du spectre de cette étude les cas exceptionnels comme le transport de fonds, les gardes armés, etc.
Le contenu et les moyens sont des points cruciaux du contrat puisqu’il va falloir définir ce que font les agents et quels sont les moyens mis à leur disposition. Ces définitions vont influer sur les responsabilités en cas de sinistre.
Beaucoup de contrats, et l’on peut le regretter, se contentent d’indiquer le nombre d’agents de sécurité mis à disposition. Dès lors, ces contrats pourraient s’apparenter à un prêt de main-d’œuvre, ce qui est très encadré, voire interdit, par le code du travail. L’article 631-24 du code de la sécurité intérieure (CSI) prévoit que les contrats doivent définir avec précision les « conditions et moyens d’exécution de la prestation ». Il faut donc prévoir quelles sont les obligations du donneur d’ordres, par exemple :
« Le donneur d’ordres s’engage à mettre à la disposition des agents qui seront affectés à cette mission :
- 1 accès aux sanitaires avec point d’eau ;
- 1 local pour se restaurer ;
- 1 local pouvant faire fonction de vestiaire ;
- l’ensemble du matériel technique nécessaire pour mener à bien les missions à la charge du prestataire. »
Il faut donc préciser non seulement quel est le nombre d’agents affectés à la mission, mais également les prestations de supervision de ces agents par le prestataire, etc.
Interdiction des prix anormalement bas
Des prix trop bas se répercuteront sur le montant des salaires des agents et, si ceux-ci sont faiblement payés, l’entreprise utilisatrice risque d’être confrontée à un important turnover du personnel de la société prestataire, ce qui entraînera des risques de dysfonctionnement tels que la mauvaise transmission de consignes.
« Plusieurs dispositions légales interdisent aux cocontractants d’une convention de sécurité de pratiquer des prix anormalement bas. »
La réglementation interdit les prix bas sans pour autant en donner une définition. Plusieurs dispositions légales interdisent aux cocontractants d’une convention de sécurité de pratiquer des prix anormalement bas. La vocation de ces dispositions est d’éviter que les prix anormalement bas ne conduisent à du travail dissimulé avec une absence de paiement des charges sociales.
Il résulte de l’article R.631-21 du CSI que les prestataires de sécurité ne peuvent proposer des prix anormalement bas :
« Refus de prestations illégales. Les entreprises et leurs dirigeants s’interdisent de proposer une prestation contraire au présent code de déontologie, même en réponse à un appel d’offres, à un concours ou à une consultation comportant un cahier des charges dont des clauses y seraient contraires. Ils s’interdisent d’accepter et d’entretenir des relations commerciales, durables ou successives, fondées sur des prix de prestations anormalement bas ne permettant pas de répondre aux obligations légales, notamment sociales. »
Toute la difficulté réside dans la définition de ce qu’est un prix anormalement bas.
Dans ses contrôles, le Cnaps (Conseil national des activités privées de sécurité) s’appuie sur une décision du tribunal administratif de Toulon en date du 21 avril 2016 qui a jugé que « la convention collective prévention et sécurité estime le coût de revient horaire d’un agent au 1er juillet 2012 à 16,49 euros pour un agent de prévention et de sécurité coefficient 120 et à 20,48 euros pour un agent de maîtrise coefficient 150 ; que ce document précise que le coût horaire d’un agent repose sur la stricte prise en compte des obligations sociales et légales minimum en conformité avec la convention collective nationale “Prévention et sécurité” ». Et chaque entreprise prestataire doit, pour bâtir ses prix de vente, adjoindre l’impact de ses charges de structures.
Une entreprise de sécurité peut être sanctionnée par le Cnaps pour une pratique de prix bas.
En application du code de la commande publique, l’acheteur peut exiger que le soumissionnaire justifie le prix où les coûts proposés dans son offre lorsque celle-ci semble anormalement basse, eu égard aux services, y compris pour la part du marché public qu’il envisage de sous-traiter. Il doit ainsi rejeter l’offre lorsqu’il établit que celle-ci est anormalement basse parce qu’elle contrevient aux obligations applicables dans les domaines du droit de l’environnement, social et du travail établies par le droit Français, le droit de l’Union européenne, la ou les convention(s) collective(s), ou par les dispositions internationales en matière de droit de l’environnement, social et du travail figurant sur une liste publiée au Journal officiel de la République française.
Indexation du prix des prestations
Les sociétés de sécurité privée regroupées au sein d’associations professionnelles ont décidé d’une augmentation de la rémunération des agents de sécurité. L’objectif louable est d’attirer de nouveaux agents dans la profession, qui en manque cruellement.
Toutefois, cette augmentation des salaires a eu un effet pervers puisque des entreprises prestataires n’ont pu répercuter cette augmentation sur leurs clients. En effet, certains contrats de sécurité privée sont indexés sur les indices liés à l’activité de l’entreprise utilisatrice, par exemple indice de la métallurgie.
Le GES (Groupement des entreprises de sécurité), serait sur le point d’élaborer un indice sur lequel il sera possible d’indexer le prix des prestations, ce que l’on ne peut qu’approuver. Une fois cet indice paru, il est recommandé de l’utiliser dans les contrats.
Sous-traitance
Lors des contrôles, le Cnaps attache particulièrement d’attention aux respects des dispositions liées à la sous-traitance qui résultent tant du CSI que de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 qu’il faut donc comprendre et viser dans les contrats.
L’article R.631-23 du CSI prévoit que, s’il n’est pas prévu à la signature du contrat, le recours à la sous-traitance ou à la collaboration libérale ne peut intervenir qu’après accord du client.
Il est donc recommandé de prévoir dans le contrat :
- soit que la sous-traitance est interdite, ce que font la plupart des donneurs d’ordres ;
- soit qu’elle est autorisée de manière très restrictive telle que prévue à l’article L.612-5-1 du CSI. À savoir que le sous-traitant ne pourra lui-même sous-traiter qu’à la double condition de justifier de l’absence de savoir-faire, de manque de moyens ou de capacités techniques ou d’une insuffisance ponctuelle d’effectif et de faire valider cette justification à l’entrepreneur principal (le prestataire de sécurité qui a obtenu le marché).
La sous-traitance au-delà du niveau 2 est interdite et ne doit être que partielle. La loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 a été adoptée pour protéger les sous-traitants de l’entrepreneur principal. En application de ce texte, le prestataire de sécurité doit faire agréer son sous-traitant par le donneur d’ordres et est susceptible de fournir une garantie de paiement (article 14), ce qui ne semble jamais être le cas en pratique.
Les donneurs d’ordres doivent prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter l’emploi de travailleurs non déclarés ou en situation irrégulière au regard des dispositions légales sur l’immigration.
Contrôle des salariés affectés à la mission
Le secteur de la sécurité privée a longtemps été infesté par le travail dissimulé. Mais la situation s’améliore grandement sous l’influence des professionnels et des pouvoirs publics. Néanmoins, les donneurs d’ordres doivent prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter l’emploi de travailleurs non déclarés, voire en situation irrégulière au regard des dispositions légales sur l’immigration. Le contrat doit donc comprendre certaines dispositions à cet égard, tant au regard du droit du travail que du code de la sécurité intérieure.
« Chaque agent doit être titulaire d’une carte professionnelle et être en mesure de la présenter à toute demande des clients, des mandants… »
Le prestataire doit donc s’engager lors de la signature du contrat, conformément aux dispositions de l’article R.324.4 du code du travail, à remettre les documents suivants :
- une attestation de fourniture de déclarations sociales, émanant de l’organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations sociales lui incombant et datant de moins d’un an ;
- un extrait de l’inscription au registre du commerce et des sociétés de moins de 3 mois (K bis) ;
- une attestation sur l’honneur certifiant que le travail sera réalisé avec des salariés employés régulièrement au regard des articles du code du travail. Au regard du code de la sécurité intérieure, chaque agent doit être titulaire d’une carte professionnelle et l’article R.631-25 stipule que « les salariés doivent être en mesure de présenter leur carte professionnelle à toute demande des clients, des mandants… »
Dès lors, il est suggéré que le contrat prévoit que la société de sécurité transmette au donneur d’ordres les coordonnés de tous les agents avec les références des cartes professionnelles. Par ailleurs, le code de la sécurité prévoit que les agents doivent avoir à leur disposition un cahier de consignes, rédiger une main courante, etc.
Le contrat doit prévoir que le donneur d’ordres pourra avoir accès à tous ces documents et/ou que le prestataire lui en adressera systémiquement une copie.
Co-emploi
Pour éviter que le donneur d’ordres ne puisse être un jour reconnu comme co-employeur, il ne faut pas qu’il donne des instructions directement aux agents. En effet, un salarié du prestataire pourrait soutenir qu’il est subordonné au donneur d’ordres puisqu’il en reçoit des directives. Le contrat doit donc prévoir les processus de transmission d’information avec la société de sécurité privée. En outre, il doit prévoir que le prestataire de sécurité garantira le donneur d’ordres qui serait condamné au profit d’un salarié du prestataire.
Sanctions disciplinaires
Il peut arriver que le donneur d’ordres constate les défaillances d’agents du prestataire. Afin de permettre à ce dernier de prendre des sanctions disciplinaires et de se défendre, le cas échéant, dans une procédure judiciaire, le donneur d’ordres dans le contrat devra s’engager à faire ses observations par écrit.
Responsabilité
Rares sont les entreprises de sécurité qui s’engagent sur une obligation de résultat, c’est-à-dire garantir la réussite de la surveillance humaine. Le plus souvent, il s’agit d’une obligation de moyens, c’est-à-dire que l’entreprise de sûreté s’engage à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour assurer la sécurité.
La responsabilité en cas de sinistre variera en fonction de la personne qui a évalué les besoins de sécurité et le nombre d’agents. Si c’est le donneur d’ordres ou une société qu’il aurait missionnée, la responsabilité du prestataire de sécurité en sera amoindrie. Il conviendra de prévoir dans le contrat que la société de sécurité est assurée pour ses prestations. En effet, l’article R.631-22 du CSI a créé une obligation de sécurité pour les prestataires de sécurité.
Par ailleurs, la convention avec la compagnie d’assurance devra être fournie au donneur d’ordres pour qu’il puisse vérifier la garantie. Il faudrait en outre prévoir que la compagnie d’assurance préviendra le donneur d’ordres en cas de modification de ces garanties, voire de résiliation.
Fin d’un contrat
Les tribunaux ont eu à s’interroger à plusieurs reprises sur la durée des préavis. Il est donc recommandé de prévoir dans le contrat un préavis suffisamment long, sauf en cas de faute, et de préciser quelles sont ces fautes.
Par ailleurs, un avenant à la convention collective des entreprises de sécurité prévoit, en fin de contrat, une reprise de certains agents de sécurité de l’entreprise évincée par l’entreprise qui reprend le marché. Le contrat doit donc reprendre cette obligation en précisant que le prestataire fera son maximum pour en assurer le bon respect.
Article extrait du n° 592 de Face au Risque : « Qui sont les chargés de sécurité ? » (mai 2023).
Thibault du Manoir de Juaye
Avocat à la Cour, spécialiste de la sécurité et de la sûreté dans l’entreprise
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