Sous-traitance et maîtrise des risques
La sous-traitance fait partie du monde industriel puisque 74 % des exploitants y ont recours[1]. Mais ce recours doit suivre certaines règles pour ne pas provoquer des situations dangereuses. À l’occasion de la publication d’une synthèse sur la sous-traitance parue en décembre 2019 et corédigée avec l’IRSN (l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), le Barpi présente un extrait des bonnes pratiques à suivre.
Coactivité : gérer la sous-traitance
Un partenariat
La sous-traitance d’une opération suppose au préalable du donneur d’ordres qu’il en ait une parfaite connaissance et maîtrise des différents aspects et enjeux. Au besoin, il lui appartient de s’entourer de l’ensemble des compétences nécessaires.
La décision de sous-traiter ou pas doit s’accompagner ainsi d’une analyse de risques et de mesures spécifiques visant à peser le pour et le contre, et pas uniquement en termes économiques. Il ne s’agit pas d’une délégation totale de la tâche à effectuer mais d’un partenariat qui impose au donneur d’ordres d’investir aussi en accompagnement, en surveillance et en informations.
Ensuite, à chaque phase selon le schéma ci-après, des actions sont à mener.
L’impact du choix de la conception sur les risques
Et si les risques auxquels sont exposés les prestataires (ou les employés si les travaux sont réalisés en interne) venaient des choix effectués à la conception ? Exemple d’une explosion de cuve dans une entreprise de distribution de produits chimiques : Aria n° 51263.
Le 21 mars 2018, vers 10 h, lors du nettoyage, par deux sous-traitants, d’une cuve extérieure enterrée pouvant contenir 35 m3 d’acétate d’éthyle, une explosion se produit dans une entreprise de distribution de produits chimiques classée Seveso. Au moment de l’explosion, la trappe d’accès à la cuve est ouverte. L’exploitant déclenche le POI (plan d’opération interne). Les sous-traitants sont grièvement brûlés.
Les deux intervenants ont commencé une opération de nettoyage de la cuve enterrée à 8 h 30. Ce jour-là, la météo est propice à l’apparition d’électricité statique. Ils ont démonté les canalisations reliées à la cuve, puis le couvercle de la cuve. Au moment de l’explosion, le couvercle avait été soulevé par un trépied et les sous-traitants avaient introduit le flexible de pompage dans la cuve.
Les causes suivantes sont constatées :
- défaut de mise à la terre du trou d’homme ;
- non obturation des brides (afin de limiter les émissions de vapeur) ;
- absence d’extraction des vapeurs dans la cheminée.
Ces dispositions étaient pourtant inscrites dans le plan de prévention et dans le mode opératoire du prestataire.
La conception de cette cuve :
- ne permet pas la vidange totale de celle-ci par les moyens fixes associés ;
- ne permet pas l’inertage du ciel gazeux par des moyens automatiques ;
De plus, son ergonomie impose :
- de travailler dans un conduit étroit avec beaucoup de manipulations pour dévisser l’ensemble des canalisations,
- avant d’atteindre la cuve, de passer par une petite porte isolée et d’enjamber des nappes de conduite, tout en transportant le matériel,
- ensuite d’entrer par le trou d’homme en ARI pour nettoyer la cuve,
- beaucoup de contraintes pour éviter tout risque d’explosion.
Si la conception avait intégré un système permettant de s’affranchir de la zone Atex avant toute intervention, le risque aurait été presque nul d’avoir une explosion en présence d’intervenants.
Conclusion
La sous-traitance a l’avantage de confier le geste technique à des spécialistes. Néanmoins, faire entrer un sous-traitant sur un site nécessite un accompagnement et un investissement non négligeable de la part du donneur d’ordres. Les lignes directrices et bonnes pratiques existent et sont déjà intégrées dans l’industrie nucléaire depuis de nombreuses années.
La gestion de la sous-traitance est une fonction clé dans la maîtrise des risques pour le donneur d’ordres. Il appartient à ce dernier d’investir dans des équipes qui doivent avoir les moyens de leur mission : temps, connaissances, compétences. Mais cet investissement est nécessaire pour maîtriser les risques liés à la sous-traitance.
Enfin, il ne faut pas oublier que la maîtrise des risques commence dès la conception des installations.
Accidents illustratifs
[1] Cf. les chiffres de 2014.
[2] Les points d’arrêt imposent au sous-traitant d’arrêter le déroulement de sa prestation jusqu’à ce que le donneur d’ordres réalise un contrôle et autorise la réalisation des phases suivantes.
[3] Les points d’alerte imposent au sous-traitant de prévenir le donneur d’ordres qu’il est arrivé à telle phase d’avancement de sa prestation. Tout en la continuant, il laisse ainsi la possibilité au donneur d’ordres de réaliser un contrôle aléatoire.
Article extrait du n° 563 de Face au Risque : « Coactivité : gérer la sous-traitance » (juin 2020).
Vincent Perche
Barpi (Bureau d’Analyse des Risques et Pollutions Industriels)
Adjoint au chef de bureau, responsable de la cellule chimie, informatique et équipements sous pression
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