Le plan de prévention. Un réel outil pour la sécurité des travailleurs

21 septembre 202112 min

Lorsqu’une entreprise fait intervenir sur son site une entreprise extérieure, de nouveaux risques pour la sécurité des travailleurs peuvent apparaître. C’est pourquoi, une analyse des risques doit être effectuée qui aboutit à l’établissement d’un plan de prévention.

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Un salarié sur dix déclare avoir été victime d’au moins un accident du travail au cours de l’année, selon une étude de la Dares publiée en février 2019. La statistique monte à 16 % lorsqu’il s’agit d’ouvriers (contre 4 % de cadres supérieurs). En 2019, 733 personnes sont décédées à la suite d’un accident du travail. Or, selon l’INRS, en moyenne 15 % des victimes d’accidents mortels appartiennent à des entreprises extérieures (EE) effectuant des travaux dans des entreprises utilisatrices (EU). On comprend alors que la prévention des risques liés à la coactivité est primordiale.

Les risques d’interférence

Cette coactivité intervient dès qu’une entreprise utilisatrice fait appel à une ou plusieurs entreprises extérieures pour la réalisation de travaux ou de prestations de service.

C’est alors que des risques d’interférences entre les activités de ces différentes entreprises peuvent advenir. Il s’agit des risques apportés par l’EE et ceux transmis par l’EU. Ils doivent être identifiés et évalués et des mesures de prévention doivent être prises. Ceci pour protéger aussi bien les salariés de l’entreprise d’accueil que ceux des entreprises extérieures qui vont intervenir.

« Ces risques d’interférence sont des risques supplémentaires s’ajoutant aux risques propres de l’activité de chaque entreprise », explique Alexandra Simao, préventeur des risques au travail, IPRP (intervenante en prévention des risques professionnels) et formatrice, lors d’un webinaire CNPP consacré aux plans de prévention.

Un exemple d’interférence

Pour illustrer ces propos, Alexandra Le Gall, référente SST chez Equans France (nouvelle entité dédiée aux services d’Engie), préventeur des risques au travail et membre du Club des femmes de la sécurité, donne l’exemple d’une entreprise de peinture qui intervient dans une EU.

« Si le peintre doit porter un masque respiratoire pour se protéger des risques générés par la peinture, il faut se demander si, dans l’EU, les salariés qui se trouveront à proximité du peintre doivent eux aussi porter un masque. Ou la solution est-elle que, dans ce bureau, il n’y aura personne d’autre que le peintre parce qu’on ne va pas équiper tout le monde avec un masque ? » 

Plan de prévention risque interférence - Crédit : Artem Orlyanskiy-AdobeStock

« A contrario, poursuit Alexandra Simao, si le peintre intervient dans un atelier où il y a des machines bruyantes, il faut identifier les risques liés au bruit. Et prévoir pour lui des mesures de protection auditives pour éviter des risques pour sa santé. »

C’est donc la coordination entre les activités des deux entreprises qu’il faut analyser.

L’inspection préalable commune

C’est au cours d’une inspection préalable commune que ces différents risques sont identifiés. Les participants à cette inspection sont le chef de l’entreprise utilisatrice et les chefs des entreprises extérieures, y compris les sous-traitants. Dans bien des cas, les chefs d’entreprise sont représentés par un chef de chantier ou toute personne ayant une connaissance réelle de l’opération à réaliser et à laquelle ils ont attribué une délégation de signature.

Ainsi, l’inspection préalable commune est obligatoire et a lieu avant l’exécution de l’opération.

Elle a pour objectifs d’inspecter les lieux de travail et les installations, d’identifier les risques d’interférence et de définir les mesures à mettre en place pour prévenir tout accident.

L’inspection permet également de lister l’ensemble des équipements de protection individuelle et collective à prévoir pour l’opération (lunettes, casques, harnais, rince-œil, Dati…). Mais aussi l’entreprise qui les fournit, les habilitations spécifiques (électrique…) nécessaires, etc. Elle se fait à l’initiative du chef de l’EU.

Toutes les entreprises extérieures impliquées dans l’opération doivent être présentes à cette inspection.

L’établissement du plan de prévention

C’est à l’issue de l’inspection préalable que le plan de prévention est établi. Il doit l’être par opération et non par entreprise extérieure. Une opération comprend tous les travaux qui peuvent être effectués par du personnel appartenant à une ou plusieurs EE. Le plan de prévention va donc englober la totalité des EE.

Il comprend plusieurs volets et notamment :

  • la description de l’opération ;
  • les coordonnées des entreprises extérieures et l’effectif prévu des intervenants ;
  • l’inspection préalable avec l’analyse des risques interférents ;
  • les mesures de prévention apportées ;
  • l’ensemble des consignes générales de sécurité et le plan de circulation ;
  • toutes informations sur l’organisation des premiers secours.

Si une opération spécifique non prévue dans le plan de prévention vient s’ajouter, il faut établir un nouveau plan pour cette nouvelle opération. « Par exemple, pour une société de ménage, un plan de prévention est établi pour les tâches quotidiennes de ménage des locaux. Mais si, une fois par an, il lui est demandé un dépoussiérage des combles, un nouveau plan de prévention sera effectué pour cette opération », illustre Alexandra Simao.

En réalité, la réglementation impose que le plan de prévention soit écrit dans seulement deux situations :

  • les travaux sont dangereux et nécessitent une attention particulière. L’arrêté du 19 mars 93, en application de l’article R.4512-7, fixe la liste précise de 21 travaux dangereux ;
  • la durée des travaux est supérieure à 400 heures (toutes EE confondues, y compris les sous-traitants) sur une période supérieure à 12 mois.

Dans les autres cas, un écrit n’est pas exigé. Cependant, il est conseillé d’établir des plans de prévention simplifiés écrits car, en cas d’accident, des preuves seront exigées par l’Administration.

Un plan par site

Lorsqu’une EE intervient sur plusieurs sites d’une même EU ayant la même activité, il est possible d’avoir un canevas général. Comme pour des agences bancaires par exemple. Cependant, Alexandra Le Gall recommande d’établir un plan de prévention pour chaque site. « On peut avoir des éléments génériques. Mais il faut vérifier sur le terrain les spécificités propres à chaque site et à chaque opération », insiste-t-elle.

Reconnaissance des lieux avant contrat

Attention, ce n’est pas parce qu’une EU n’a pas encore signé la commande d’une prestation de travaux qu’un plan de prévention ne doit pas être réalisé. En effet, un prestataire peut venir reconnaître et vérifier la nature des travaux et s’exposer à des risques. Par exemple en montant sur une toiture, en descendant dans une cuve…

La durée de validité du plan de prévention

Une date de fin d’opération est à renseigner dans le plan de prévention. Il est possible de la prolonger, même plusieurs fois. Il faut juste s’assurer que les risques et les mesures de prévention restent adaptés.

Plan de prévention- Crédit : Seventyfour-AdobeStock

Des plans annuels peuvent être établis pour les opérations répétitives. A condition qu’elles soient toujours réalisées dans les mêmes conditions et sur les mêmes lieux de travail. Cela peut être le cas pour la maintenance d’installation ou d’équipements, pour les missions d’accueil…

« C’est un gain de temps pour les entreprises mais attention, ces plans annuels ne doivent pas comporter que des généralités mais bien les risques spécifiques, avertit Alexandra Simao.

Et s’il y a une seule modification durant l’année, il faut refaire une inspection préalable commune qui permet d’identifier les risques puis un nouveau plan de prévention avec des mesures réelles. Et des spécificités, il y en a souvent. Il y a donc des limites à cette possibilité de faire des plans annuels. »

Dans tous les cas, les plans annuels sont revus tous les ans. Avant leur renouvellement, là encore, il est nécessaire de refaire une inspection préalable.

Ainsi, le plan de prévention est une démarche vivante qui suit l’évolution de l’opération. Le chef de l’EU doit prendre l’initiative d’une inspection commune avec l’EE en cas de travaux supplémentaires non initialement prévus.

Les inspections périodiques

Par ailleurs, un accueil sécurité doit être effectué pour communiquer les consignes de sécurité aux personnels qui interviennent.

Il est indispensable également de réaliser des visites ponctuelles du chantier ou de la prestation. Elles permettent d’assurer une coordination générale dans l’enceinte de l’EU et de s’assurer qu’il n’y a pas de nouveaux risques. Mais aussi de vérifier que les mesures de prévention sont toujours adaptées et réellement mises en œuvre. Elles sont effectuées par l’EU, plus à même de connaître les caractéristiques du site.

Leur périodicité est à définir en fonction des risques. Elles peuvent être réalisées à la demande des entreprises extérieures ou sur demande motivée de deux membres du CSE de l’EU ou des EE.

Une inspection périodique doit être réalisée tous les trois mois si la durée totale des opérations est supérieure à 90 000 heures pour les douze mois à venir.

Y participent le chef de l’EU, les chefs des EE et des entreprises sous-traitantes. Les membres du CSE sont invités.

Les responsabilités

Si c’est à l’EU de rédiger le plan de prévention, chaque chef d’entreprise (utilisatrice, extérieure et sous-traitant) est responsable de l’application des mesures de prévention. Il s’agit donc d’une responsabilité conjointe.

Si l’EU n’a pas pris l’initiative de la rédaction du plan de prévention, l’EE doit pallier cette situation. Selon Alexandra Le Gall, comme la responsabilité est conjointe, l’EE se doit de réclamer un document. Et tout mettre en œuvre pour qu’il soit réalisé. Dans le cas contraire, elle a l’obligation de trouver une autre solution pour compenser ce manque. « Dans ce cas de figure, en général, nous demandons à nos techniciens de réaliser leur propre analyse des risques qui comprendra une partie purement métier – ce qui permet de mesurer leur compréhension et leur connaissance du document unique – et de vérifier leur environnement de travail. »

Ceci est d’ailleurs valable même si un plan de prévention est existant, précise-t-elle ensuite. « Car entre le moment où l’analyse préalable et le plan de prévention sont effectués et celui où les interventions sont réalisées, il peut se passer beaucoup de choses. L’analyse des risques au poste de travail au moment de l’intervention est également une obligation du salarié et de l’employeur. L’EE doit s’assurer que son salarié connaît ses risques métier et de coactivité et qu’il vérifie le jour J que l’analyse des risques est conforme. Nous avons mis en place une organisation avec des formations, des délégations de signature, des délégations de pouvoir, pour que chacun ait son rôle à jouer au sein de l’organisation. Les techniciens qui ont été formés à l’analyse préalable des risques vérifient que tout est conforme à ce qui était prévu ».

Délimiter la zone d’intervention

Concernant la zone d’intervention des EE, c’est de la responsabilité de l’EU de la délimiter. Elle doit matérialiser les zones dangereuses et établir un plan de circulation destiné aux EE.

Outil de maîtrise des risques

Le plan de prévention n’est pas un simple document administratif mais bien un outil de maîtrise des risques liés à l’intervention des entreprises extérieures. Il doit non seulement être établi mais également appliqué pour éviter tout accident du travail.

« Pour être efficace, il doit être simple, partagé et connu de tous », note Alexandra Le Gall.

« N’oublions pas les salariés concernés par ces opérations, souligne Alexandra Simao. N’oublions pas de les informer et de les impliquer. S’ils ont compris à quoi le plan de prévention sert, il n’y aura pas de contraintes à la mise en œuvre des mesures de prévention. »

Plan de prévention - Zone de travaux - Crédit : Nathalie Pothier-AdobeStock

Dans les cas suivants le plan de prévention ne s’applique pas :

  • opérations de construction et de réparation navale ;
  • chantiers de bâtiment ou de génie civil ;
  • chantiers clos et indépendant à l’intérieur d’un site en exploitation. Un chantier est clos et indépendant lorsqu’il est situé dans le périmètre d’un établissement en activité mais sans aucune interaction avec celui-ci. Y compris des interactions relatives aux circulations, au chauffage ou autres énergies… Il faut également que ce chantier soit délimité par une clôture. Un simple balisage ne suffit pas.

Ainsi, pour ces deux dernières situations, c’est un plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PSPS) qui est exigé. Si les documents sont différents, leur objectif est le même : prévenir les risques sur les opérations faisant appel à plusieurs entreprises.


Article extrait du n° 575 de Face au Risque : « Incendie : le contrat de maintenance » (septembre 2021).

Martine Porez – Journaliste

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