Agression après menaces

1 juin 20224 min

Un salarié a été agressé sur son lieu de travail après avoir reçu une lettre anonyme de menaces qu’il a transmise à son employeur. Il souhaite faire reconnaître la faute inexcusable de celui-ci pour défaut de prévention.

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Un salarié de la société D. a été agressé sur son lieu de travail, événement qui a été pris en charge au titre de la législation professionnelle. Il a ensuite saisi la juridiction compétente d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. Débouté de ses demandes, le salarié a alors saisi jusqu’à la Cour de cassation (chambre civ.2, n° 19-25550 du 8 juillet 2021).

Menaces dans un contexte de fortes tensions dans l’entreprise

Dans ce contexte, la Haute Juridiction considère que :

« 4. (…) le bénéfice de la faute inexcusable de l’employeur est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l’employeur le risque qui s’est matérialisé.

5. Pour débouter la victime de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, l’arrêt constate que dans la matinée du 3 octobre 2011, la secrétaire de la société a trouvé dans la boîte aux lettres un courrier anonyme, destiné à la victime, mentionnant dégage ou on te crève que ce dernier a transmis par courriel du même jour à son employeur tout en écrivant : À ce stade où seuls vous et moi sommes au courant, je préconise le silence radio afin de tenter de faire sortir le loup du bois. Il retient que cette transmission ne caractérise pas une alerte donnée à l’employeur, portant sur une exposition de sa personne à un risque d’agression physique. L’arrêt en déduit que les conditions posées par l’article L.4131-4 du code du travail ne sont pas réunies et qu’il incombe en conséquence à la victime de rapporter la preuve de la faute inexcusable, en établissant que son accident présente un lien avec une faute commise par son employeur, dans le cadre de son obligation de sécurité.

La Haute Juridiction casse la décision

6. En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que la victime avait transmis à son employeur une lettre de menaces reçue dans un contexte de fortes tensions internes à l’entreprise, de sorte qu’elle avait signalé à celui-ci le risque d’agression auquel elle était exposée, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés (…) ».

Partant, la décision critiquée par le salarié est cassée.

Présomption de la preuve

En résumé, un salarié, agressé dans le cadre de son exercice professionnel, a entendu bénéficier de la présomption de faute inexcusable à l’encontre de son employeur, en soutenant l’avoir alerté du risque en litige.

On rappellera à ce titre, qu’en principe, lorsqu’un accident du travail ou une maladie professionnelle est reconnu comme tel et pris en charge en conséquence, la victime peut obtenir une réparation financière, complémentaire au forfait de droit. Elle doit pour se faire apporter la preuve d’un défaut de prévention de l’employeur quant à un risque possible. Mais, lorsque le risque lui a été signalé, cette preuve se présume.

En l’espèce, il s’agissait donc de savoir si le salarié devait prouver une telle faute ou si ce salarié bénéficiait de la présomption en la matière.

Défaillance de l’employeur

Dans les faits, le salarié avait transmis à son employeur un courrier de menaces anonyme, reçu sur son lieu de travail antérieurement à son agression. Les premiers magistrats saisis ayant toutefois considéré que cette transmission ne constituait pas une alerte suffisante et caractérisée de l’employeur, avaient refusé en conséquence de présumer une faute inexcusable.

Mais la Haute Juridiction, confrontant cette transmission à un contexte de grandes tensions identifié au sein de l’entreprise, décide, dans cette décision publiée, que l’employeur avait bien été alerté du risque qui s’est réalisé.

Partant, la décision critiquée par le salarié est cassée, dans la mesure où le salarié pouvait bénéficier d’une présomption de faute inexcusable à l’encontre de cet employeur, défaillant dans la prévention d’un risque signalé.


Article extrait du n° 581 de Face au Risque : « Notre-Dame sous les deux de la rampe » (avril 2022).

Virginie Perinetti

Virginie Perinetti

Avocate au Barreau de Paris depuis 2004

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