Le document unique, des évolutions 20 ans après sa création

24 mai 202210 min

La loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 et son décret d’application ont renforcé le contenu du Document unique ainsi que les modalités de son élaboration, de sa conservation et de sa mise à disposition. Ces nouvelles mesures s’appliquent depuis le 31 mars 2022.

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Créé il y a plus de vingt ans par le décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001, le document unique traduit les résultats de l’évaluation des risques professionnels que doit réaliser l’employeur. Il est obligatoire dans toute structure privée ou publique employant au moins un salarié ou agent.

La loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 et son décret d’application ont renforcé son contenu ainsi que les modalités de son élaboration, de sa conservation et de sa mise à disposition. Ces nouvelles mesures, présentées ci-dessous, s’appliquent depuis le 31 mars 2022.

Une place centrale au sein de la stratégie de prévention

La loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail constitue l’aboutissement d’un long travail parlementaire. Elle reprend de nombreuses mesures de l’Accord national interprofessionnel (ANI) pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail. Cet accord a été signé le 9 décembre 2020 par les organisations syndicales et patronales représentatives au niveau national et interprofessionnel. Il attribue au document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) un rôle central dans la démarche de prévention des risques professionnels de l’entreprise.

Reprenant cette philosophie de l’ANI au sein d’un nouvel l’article L.4121-3-1 du code du travail, la loi offre au DUERP, qui n’avait jusqu’ici qu’une valeur réglementaire, une valeur législative propre. Le texte prévoit à cet égard qu’il « répertorie l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs et assure la traçabilité collective de ces expositions ».

On notera que cette approche collective de la traçabilité tranche avec la précédente orientation manifestée par les anciennes fiches individuelles d’exposition à certains facteurs de risques professionnels, dites « fiches pénibilité », aujourd’hui abrogées.

Finalité et contenu du DUERP

Il s’agit de redonner un caractère opérationnel à un document jusqu’ici encore trop souvent formel. Vu comme un exercice obligé, une fois rédigé il était peu consulté.

Afin de renforcer la culture de la prévention primaire au sein des entreprises, le contenu du DUERP s’étoffe. De manière globale, il est désormais précisé que l’évaluation des risques réalisée par l’employeur doit prendre en compte « l’organisation du travail » (article L.4121-3 du code du travail modifié).

L'organisation du travail désormais inclus dans le DEURP - Crédit : Юлия Лазебная-AdobeStock

De plus, en ce qui concerne le risque chimique, le décret n° 2022-395 du 18 mars 2022 précise que l’évaluation doit prendre en compte « les effets combinés de l’ensemble des agents chimiques dangereux en cas d’exposition successive ou simultanée à plusieurs agents chimiques ».

En ce qui concerne le contenu du DUERP, il doit faire l’inventaire des risques professionnels, les évaluer et les prioriser de manière à définir des actions de prévention qui doivent se révéler « pertinentes ».

Le Papripact

Selon la taille de la structure en cause, les attendus réglementaires ne sont pas les mêmes. Ainsi, dans les entreprises dont l’effectif est supérieur ou égal à cinquante salariés, les résultats de l’évaluation des risques débouchent sur la définition d’un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (« Papripact »). Ce programme s’entend comme une liste détaillée des mesures de prévention devant être prises au cours de l’année à venir, accompagnée d’éléments très concrets :

  • les conditions d’exécution de ces mesures ;
  • des indicateurs de résultat ;
  • l’estimation de leur coût ;
  • un calendrier de réalisation ;
  • et la description des ressources mobilisables.

Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, le processus d’évaluation des risques aboutit à lister des actions de prévention des risques et de protection des salariés, qui sont consignées dans le DUERP et ses mises à jour.

Afin notamment d’aider les petites et moyennes entreprises à définir ces actions, la loi envisage que les branches professionnelles puissent venir à leur rescousse. Ceci en créant des méthodes et des référentiels adaptés aux risques d’un secteur, ainsi que des outils d’aide à la rédaction. Elles peuvent aussi plus globalement accompagner les entreprises dans l’élaboration et la mise à jour du DUERP.

Élaboration, un travail d’équipe

Dans la nouvelle version de l’article L.4121-3 du code du travail, l’employeur a l’obligation d’intégrer au groupe de travail d’élaboration du DUERP les acteurs suivants :

  • dans le cadre du dialogue social dans l’entreprise, le comité social et économique (CSE) et sa commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT). On peut noter qu’il s’agit d’une véritable avancée pour le CSE. En effet, jusqu’à aujourd’hui (article L.2312-9 du code du travail), il n’était compétent pour procéder à l’analyse des risques professionnels auxquels pouvaient être exposés les travailleurs que dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, et dans le cadre d’une démarche qui n’était pas associée à l’évaluation des risques réalisée par l’employeur ;
  • le ou les salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise visés à l’article L.4644-1 du code du travail, s’ils ont été désignés ;
  • le service de prévention et de santé au travail auquel l’employeur adhère (professionnels de santé ou intervenants en prévention des risques professionnels –IPRP – du service de santé au travail interentreprises).

Pour l’évaluation des risques professionnels, l’employeur peut également solliciter l’aide des organisations suivantes :

  • les services de prévention des caisses de sécurité sociale ;
  • l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) ;
  • l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact).

L’établissement du DUERP devient donc un processus éminemment collectif, même dans les petites entreprises où l’employeur était parfois démuni de ressources pour accomplir cette tâche.

Les mises à jour du DUERP

En complément, on notera que le CSE est obligatoirement consulté sur le DUERP et ses mises à jour. Ceci était déjà le cas dans la pratique dans un certain nombre d’entreprises, notamment depuis la crise sanitaire, dans la droite ligne des préconisations du ministère du Travail.

Concernant cette mise à jour (article R.4121-2 du code du travail modifié), celle-ci doit, si nécessaire, s’accompagner d’une mise à jour du Papripact (dans les entreprises de plus de 50 salariés) ou de la liste des actions de prévention (dans les entreprises de moins de 50 salariés).

Les événements à l’origine d’une mise à jour du DUERP sont précisés. L’employeur doit ainsi mettre à jour le DUERP « lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque est portée à sa connaissance ».

Dernière modification : jusqu’ici, l’ensemble des entreprises, quel que soit leur effectif, devaient mettre à jour leur DUERP chaque année. Désormais, dans les plus petites entreprises (comptant moins de 11 salariés) la mise à jour annuelle systématique et obligatoire du DUERP est supprimée.

Archivage du DUERP

Grande nouveauté de la loi du 2 août 2021, le DUERP et ses versions successives doivent être conservés pendant quarante ans. Le choix de cette durée ne doit rien au hasard ; il s’agit de la durée moyenne d’une carrière et de la période pendant laquelle certaines maladies professionnelles, notamment les cancers, peuvent se déclarer.

Ces documents seront déposés par les employeurs en version dématérialisée sur un portail numérique administré par un organisme géré par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. Et ceci, à partir du 1er juillet 2023 pour les entreprises d’au moins 150 salariés et du 1er juillet 2024 pour les autres.

Le DUERP et ses versions successives doivent être conservés pendant quarante ans.

Dans l’attente de la mise en place de ce système, conformément aux orientations définies par le décret n° 2022-487 du 5 avril 2022 relatif au cahier des charges du déploiement et du fonctionnement du portail numérique de conservation du DUERP et aux statuts de l’organisme gestionnaire du portail, il est prévu que l’employeur conserve les différentes versions du DUERP dans l’entreprise en format papier ou dématérialisé. À noter que seules les versions du DUERP déjà en vigueur au 31 mars 2022 ou postérieures à cette date sont concernées par cette obligation de conservation et d’archivage.

Consultation : le DUERP en toute transparence ?

Cette mise à disposition des versions du DUERP bénéficie à un nombre d’interlocuteurs étendus. Jusqu’au 31 mars 2022, pouvaient accéder au DUERP :

  • les travailleurs en poste dans l’entreprise ;
  • les membres de la délégation du personnel du CSE ;
  • le médecin du travail et certains membres de l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail ;
  • les agents de l’Inspection du travail, les agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale ;
  • les agents des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail mentionnés à l’article L.4643-1 du code du travail ;
  • les inspecteurs de la radioprotection, en ce qui concerne les résultats des évaluations liées à l’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants, pour les installations et activités dont ils ont la charge.

Désormais, le droit à consultation du DUERP est étendu à l’ensemble des membres du service de prévention et de santé au travail, notamment les IPRP.

De plus, les anciens travailleurs ayant quitté l’entreprise peuvent également avoir accès aux différentes versions du DUERP. À cet égard, le décret du 18 mars 2022 est venu préciser que les travailleurs et anciens travailleurs peuvent communiquer les éléments mis à leur disposition aux professionnels de santé en charge de leur suivi médical. Notamment dans les cas où ils développent une pathologie que l’on soupçonne d’origine professionnelle. À noter toutefois que le droit à consultation des anciens salariés s’exerce uniquement au regard des périodes durant lesquelles ils étaient présents dans l’entreprise et qu’il peut être limité aux seuls éléments afférents à l’activité des demandeurs.

Bien qu’obligatoire depuis 2001, le DUERP semble encore très imparfaitement mis en œuvre dans les entreprises.

Une étude de la Direction de l’animation de la recherche des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail publiée en 2019 révélait que seuls 45 % des employeurs interrogés déclaraient disposer d’un DUERP actualisé. Ce chiffre tombait à 38% dans les très petites entreprises (moins de 10 salariés). À l’inverse, dans les entreprises de plus de 50 salariés, la proportion d’entreprises en règle avec l’obligation d’établissement et de tenue à jour du DUERP grimpait à 90 %.

Dans le secteur public, les chiffres sont également contrastés. Le document unique n’était présent que dans 54 % des établissements publics d’État et 51 % des collectivités locales. Il l’était, en revanche, dans 76 % des établissements de la fonction publique hospitalière, du fait notamment des risques chimiques et biologiques encourus par le personnel.


Article extrait du n° 582 de Face au Risque : « POI-PDI – Être opérationnel » (mai 2022).

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