Eaux d’extinction : les nouveautés des guides D9 et D9A

13 mai 20228 min
Défense incendie - calcul des besoins en eau d'extinction - Crédit : Mathieu/AdobeStock

Afin de prendre en compte les nouvelles problématiques liées au dimensionnement des eaux d’extinction d’incendie et de leur mise en rétention, les guides pratiques D9 (appui au dimensionnement des besoins en eau pour la défense extérieure contre l’incendie) et D9A (dimensionnement des rétentions des eaux d’extinction) ont été mis à jour en 2020, à l’initiative des ministères de l’Intérieur et de la Transition écologique, de France Assureurs et de CNPP.

D9 – Guide pratique d’appui au dimensionnement des besoins en eau pour la défense extérieure contre l’incendie

Le guide pratique D9, accessible gratuitement ici, fournit des outils permettant, d’une part, de calculer les débits d’eau nécessaires pour éteindre efficacement un incendie, en plus de l’éventuelle utilisation de moyens d’extinction automatique. Et d’autre part, d’identifier les moyens permettant d’y répondre (poteaux et bouches incendie, réserves d’eau sous forme de cuves, de bâches ou de bassins).

Les calculs doivent refléter au mieux les besoins en eaux nécessaires à l’extinction de l’incendie par les services de secours en fonction des situations. À ce titre, le D9 propose trois méthodes à appliquer.

Couverture D9 - dimensionnement des besoins en eau - CNPP Editions

Les trois méthodes du D9

  • Une première méthode concerne les immeubles d’habitation, bureaux et immeubles de grande hauteur. Elle définit les débits minimaux, le nombre de points d’eau et les distances de ces points avec l’immeuble et entre eux, sur la base de la hauteur, du nombre d’étages et des distances séparant les logements des escaliers.
  • La deuxième méthode s’adresse aux établissements recevant du public (ERP). Les besoins en eaux d’extinction sont définis en fonction de la classe de l’ERP (c’est-à-dire de l’activité pratiquée) et de la surface des locaux. Outre le débit d’eau nécessaire à l’intervention, la méthode définit également les distances maximales à respecter séparant les points d’eau des locaux à protéger, et séparant les points d’eau entre eux.
  • La troisième méthode permet de dimensionner les besoins en eaux pour les risques industriels. Elle repose en premier lieu sur la définition de surfaces de référence, c’est-à-dire des surfaces continues et non recoupées par des dispositifs coupe-feu 2h (EI120 ou REI120). Il s’agit de la surface théorique maximale en feu en cas de non-maîtrise d’un incendie d’une durée minimale théorique de 2 heures. La méthode de calcul pour les risques industriels prend en compte la surface au sol et la nature des opérations réalisées sur les surfaces de référence (différents types de stockages ou d’activités industrielles ou artisanales). Et elle associe à chaque stockage ou activité un niveau de risque (risque faible, risque 1, risque 2 ou risque 3) proportionnel à sa dangerosité, sur la base de la charge calorifique susceptible d’être présente et des retours d’expérience. D’autres paramètres influencent également le calcul : hauteur des stockages présents, type de construction, modalités d’intervention de l’exploitant et, depuis la mise à jour de 2020, présence de matériaux aggravants.

Une nouveauté : les matériaux aggravants

En effet, la récente mise à jour du D9 voit l’apparition des matériaux aggravants, qui impactent à la hausse le débit calculé par la méthode D9. On retrouve par exemple les planchers en bois, la présence de certains fluides combustibles, les panneaux photovoltaïques…

Réserve incendie, centrale solaire de Beaupouyet - Crédit : CPJ24-Wikimedia Commons

Un point particulier a été apporté au sujet des panneaux dits « panneaux sandwich », panneaux isolants constitués d’une mousse de polyuréthane ou autre isolant combustible insérée entre deux couches de matériaux incombustibles. Ils peuvent amener à un surclassement du risque de la zone concernée, en raison de la dangerosité particulière et de la cinétique des incendies impliquant ce type de matériaux.

Autres évolutions du D9

Parmi elles, on retrouve :

  • la prise en compte des bureaux et locaux administratifs inclus à l’intérieur de locaux industriels (précisions sur le niveau de risque associé) ;
  • la prise en compte des stockages de grande hauteur (40 m et plus) ;
  • la création d’un plafond du débit d’extinction nécessaire à la défense extérieure (720 m3/h) en cas de présence d’un système d’extinction automatique à eau ;
  • l’apparition de la catégorie « risque faible» pour certaines activités et pour certaines zones exemptes de matières combustibles présentes en permanence (comme les couloirs ou les voies de circulation).

D9A – Guide pratique de dimensionnement des rétentions des eaux d’extinction

Le D9A, accessible gratuitement ici, présente quant à lui une méthode de calcul permettant de connaître les quantités d’eaux à mettre en rétention en cas d’incendie.

Ces quantités incluent les eaux utilisées pour la défense extérieure, conformément à ce qui a été calculé à travers la méthode du D9, les eaux des éventuels autres moyens d’extinction ou de protection utilisés (extinction automatique, rideau d’eau, brouillard d’eau…), les volumes d’eaux liés aux intempéries et une fraction des stocks de liquides présents sur la surface en feu.

Couverture D9A- dimensionnement des rétentions des eaux d’extinction - CNPP Editions

La mise à jour du D9A ne voit pas de modification notable de la méthode employée. Il y est néanmoins rappelé la nécessité de mettre en place un dispositif de rétention pour chaque surface de référence identifiée, et de démontrer que les calculs ont bien été réalisés en prenant en compte la surface de référence la plus pénalisante. Enfin, il est aujourd’hui conseillé d’équiper les rétentions des eaux d’extinction (en particulier les bassins) d’aires d’aspiration. En effet, en cas de manque d’eau pour l’extinction, les eaux recueillies pourront être réutilisées pour l’extinction sous certaines conditions.

Il est à noter que les résultats obtenus par l’utilisation du D9 ou du D9A ne peuvent cependant se substituer aux règlements départementaux de défense extérieure contre l’incendie (RDDECI), ni aux demandes spécifiques des services départementaux ou de l’Administration.

Maîtriser le risque

Par ailleurs, si les guides pratiques D9 et D9A permettent de calculer les besoins d’une installation vis-à-vis des moyens d’extinction et des rétentions associées, les résultats obtenus doivent être une source de réflexion afin de mettre en place des mesures permettant d’améliorer la maîtrise du risque incendie. Ceci, particulièrement dans les cas où les chiffres obtenus seraient trop élevés par rapport à la réalité. En effet, un calcul amenant à un débit d’extinction démesuré par rapport aux poteaux à disposition – et aux moyens déployables par les pompiers – doit amener à la recherche de solutions pour diminuer les besoins en eaux d’extinction.

Une référence pour les ICPE

Ces méthodes de calcul regroupent l’état des règles de l’art sur la gestion des problématiques liées au dimensionnement des eaux d’extinction d’incendie et de leur mise en rétention. La réglementation, en particulier celle relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), les reconnaît effectivement comme une source de référence, puisque l’utilisation des guides D9 et D9A est expressément requise dans le cadre de l’application des dispositions en matière de besoins en eaux d’extinction et en rétention en cas de sinistre figurant dans les arrêtés de prescriptions générales (APG) de certaines installations. On peut citer à ce titre la rubrique 1510 (entrepôts couverts de matières combustibles, arrêté ministériel du 11 avril 2017 modifié en dernier lieu par un arrêté du 24 septembre 2020).

D’autres rubriques requièrent également de dimensionner les besoins en eau conformément au D9 :

  • 1511 soumises à déclaration (entrepôts frigorifiques, APG du 27 mars 2014) ;
  • 1532 soumises à enregistrement (stockage de bois, APG du 11 septembre 2013) ;
  • 2230 soumises à enregistrement (traitement et transformation du lait, APG du 24 avril 2017).

À noter que dans les textes réglementaires, il est de plus ou plus souvent mentionné expressément les années d’édition de ces référentiels, afin de faciliter leur application entre les installations existantes et les installations nouvelles par rapport à la date de publication des éditions successives de ces guides.

Ces méthodes de calcul restent par ailleurs des méthodes approuvées. Et elles recueillent la confiance des administrations (Dreal notamment) et des services départementaux d’incendie et de secours.


Article extrait du n° 581 de Face au Risque : « Notre-Dame sous les feux de la rampe » (avril 2022).

Morgane Darmon

Morgane Darmon

Depuis 2011, consultante Assistance réglementaire – CNPP (Vernon). De 2007 à 2011, Morgane Darmon a exercé comme avocate en droit de l’environnement – Cabinet Hertslet Wolfer & Heintz (Paris)

Maxime Pinchard - CNPP

Maxime Pinchard
Consultant risques industriels et risque incendie
CNPP

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