Bousculade mortelle en Israël : peut-on prévenir les mouvements de foule ?

30 avril 20217 min

Au moins 44 personnes sont mortes dans une bousculade vendredi 30 avril 2021, lors d’un pèlerinage juif orthodoxe organisé au mont Méron, dans le nord d’Israël. Le drame rappelle plusieurs autres mouvements de foule mortels et remet en lumière le défi qu’est l’anticipation des réactions d’une foule face au danger.

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Un nouvelle catastrophe s’ajoute à la liste des bousculades mortelles. Le plus grand rassemblement en Israël depuis le début de la pandémie de Covid-19 a viré au drame dans la nuit du jeudi 29 au vendredi 30 avril 2021. Alors que des dizaines de milliers de personnes participaient à un pèlerinage à l’occasion de la fête juive Lag Baomer à Méron, dans le nord du pays, une bousculade a fait au moins 44 morts et plus de 150 blessés.

Bousculade géante

Les circonstances du drame restaient encore floues vendredi. Si les secouristes ont dans un premier temps évoqué l’effondrement de gradins, ils ont ensuite parlé d’une bousculade géante lors de ce pèlerinage. Celui-ci a eu lieu autour du tombeau présumé de Rabbi Shimon Bar Yochaï, auquel on attribue la rédaction du Zohar, ouvrage central de la mystique juive.

D’après l’AFP, les autorités avaient permis la présence de 10 000 personnes dans l’enceinte du tombeau. Mais, selon les organisateurs, plus de 650 bus ont été affrétés dans tout le pays, soit au minimum 30 000 personnes, tandis que la presse locale fait état de 100 000 personnes sur place.

Les mouvements de foule mortels

Les bousculades mortelles se produisent particulièrement durant des pèlerinages religieux. Ce fut le cas de celui de La Mecque où un mouvement de foule a fait plus de 2000 morts en septembre 2015. Elles ont lieu également lors d’événements sportifs ou musicaux rassemblant un grand nombre de personnes : les stades de Bradford en Angleterre et de Heyzel en Belgique en 1985, la Love Parade en Allemagne en 2010.

On retrouve beaucoup de monde au même endroit, au même moment. Les individus se dirigent tous vers une même issue au lieu de chercher une deuxième échappatoire, ce qui peut entraîner des congestions, et créer la bousculade.

L’une des mesures les plus importantes de la foule est la densité, à savoir le nombre de personnes par mètre carré. Car plus la densité est forte, plus le risque de bousculade est élevé.

Étudier les foules pour comprendre le phénomène des bousculades

C’est ce que nous avait expliqué Mehdi Moussaïd, chercheur en sciences cognitives à l’institut Max Planck de Berlin, que nous avions interrogé en 2019 dans le cadre d’un dossier sur les réactions face au danger.

“Foulologue” et auteur du livre Fouloscopie, ce que la foule dit de nous, publié en janvier 2019, il mène des recherches sur le déplacement collectif, à travers l’étude des flux de piétons, d’évacuations ou de bousculades.

Les tremblements de foule

Concernant la densité, des seuils existent et indiquent le niveau d’encombrement et de danger. Dans notre quotidien, nous sommes le plus souvent en dessous d’une personne par mètre carré, avait illustré Mehdi Moussaïd. Dans une station de métro un peu bondée, quand on commence à se sentir un peu trop serré, on est autour de 3 ou 4 personnes par mètre carré. On commence à se sentir mal à l’aise et on aimerait que ça se termine.

“Entre 4 et 6 personnes par mètre carré, on observe l’effet stop-and-go, ou d’accordéon, qui désigne des vagues successives de mouvements qui s’arrêtent puis repartent, provoquant un ralentissement de mouvements. Entre 6 et 7 personnes par mètre carré, il y a un seuil critique à partir duquel va se déclencher un phénomène collectif qu’on appelle des turbulences, ou tremblements de foule, comme si les gens se tenaient sur des plateformes mobiles.

Ces vagues de bousculades, qui vont dans un sens puis dans l’autre, donnent l’impression que la foule est en train de trembler quand on la regarde du dessus. C’est un processus qui se produit de manière mécanique. Il est très dangereux car il a pour effet de faire tomber les gens qui risquent de mourir asphyxiés, et d’écraser les gens contre les parois.”

Le maximum que le chercheur a pu observer était de 9 personnes par mètre carré, à La Mecque. “Cela équivaut à 14 personnes se tenant debout dans une baignoire, 38 individus sur une table de ping-pong ou encore 540 personnes entassées dans un appartement de 60 mètres carrés ! La pression exercée par la foule peut alors atteindre jusqu’à 4 500 Newton, soit la pression d’un poids d’environ 460 kg.”

Comment anticiper le risque de bousculade?

L’étude du trafic et des risques de congestion permettent de prévoir les interactions avant un événement de foule et donc d’anticiper le risque, pointait Mehdi Moussaïd.

« Après une bousculade meurtrière, on remet souvent en cause les individus, la religion, le foot, l’alcool dans les festivals… En réalité, quand on étudie ce qu’il s’est passé, on se rend compte que peu importe le contexte et la raison du rassemblement, c’est un problème de logistique et une histoire d’encombrement. »

Plus il y a de monde, plus il faut être en mesure d’anticiper où vont être les personnes à chaque instant.

À La Mecque depuis 2006 par exemple, il y a des ordres de passage pré-établis pour chaque pèlerin, des chemins pré-établis, des routes piétonnes unidirectionnelles et des caméras de surveillance qui regardent en temps réel le niveau de densité, accompagnées de logiciels qui vont simuler les 5, 10 minutes suivant les déplacements de la foule.

“La densité trop élevée déclenche l’accident. Mais ce qui entraîne son augmentation, en premier lieu, est souvent une erreur humaine ou un défaut de planification”, prévenait le foulologue.

Les 10 conseils de Mehdi Moussaïd pour survivre dans un mouvement de foule

  • Ouvrir les yeux
    Le premier objectif est de s’extraire de la masse. Il faut essayer d’estimer l’épicentre de la bousculade pour s’en éloigner.

  • Partir à temps
    Plus on attend, plus il sera difficile de partir. Il ne faut pas hésiter à quitter la zone de congestion dès que l’on se sent mal à l’aise.

  • Rester debout
    S’il est trop tard pour fuir, il faut s’adapter. Il est primordial de garder l’équilibre. Lors d’un mouvement de foule, la proximité est telle que, par effet domino, la chute d’une personne entraînerait immédiatement celle de ses voisins. Le risque est de se retrouver immobilisé au sol sous le poids des corps.

  • Économiser l’oxygène
    La grande majorité des décès dans les mouvements de foule sont causés par une asphyxie. Il faut éviter de crier si ce n’est pas indispensable et contrôler sa respiration.

  • Replier les bras
    Lorsque la pression devient trop intense, il est important de replier ses bras devant soi, comme un boxeur, pour protéger sa cage thoracique.

  • Se laisser porter par la vague
    Le réflexe naturel quand on se fait bousculer est de résister. Dans un mouvement de foule, on ne peut pas arrêter l’onde de choc. Il faut se laisser porter par le flot en veillant à garder l’équilibre.

  • S’éloigner des parois
    Le conseil précédent ne s’applique pas au voisinage d’un mur, d’un grillage ou tout autre objet solide. Les premières victimes d’une bousculade sont souvent écrasées contre une paroi. Les simulations physiques montrent que les pressions sont plus intenses près d’un obstacle solide.

  • Interpréter les signaux de densité
    En l’absence de contact physique avec ses voisins, la densité se situe probablement en dessous de 3 personnes par mètre carré : le risque d’accident est faible. Si on touche involontairement un ou plusieurs voisins, la densité se situe autour de 4 ou 5 personnes par mètre carré : il n’y a pas de danger immédiat mais il serait temps de commencer à partir. Si les mouvements des bras sont entravés, il y a beaucoup trop de monde, il faut partir.

  • En cas de panique
    Dans ces situations, le mouvement de foule peut être plus dangereux que la menace. Il faut essayer d’évaluer rapidement la nature du danger et s’éloigner calmement en restant le plus loin possible de la cohue.

  • Rester humain
    Une foule solidaire a plus de chance de survie qu’une foule individualiste.

Gaëlle Carcaly – Journaliste

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