Trottinettes électriques : risque incendie et nouvelle législation
Les trottinettes électriques alimentent les rubriques « Faits divers » de manière régulière ces derniers mois en raison des nombreux dangers qu’elles représentent. Par deux fois en France, au début de cet été 2019, elles ont également alimenté les rubriques « Nécrologie ». Réglementation trop floue, accidents potentiellement mortels ou défaillances techniques… Les risques entourant les trottinettes électriques ne manquent pas.
10 juin 2019…
Pour la première fois, une personne perd la vie au guidon de sa trottinette électrique en France. La scène se déroule en soirée, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Selon les témoins, le jeune de 25 ans aurait refusé la priorité à une camionnette et aurait été percuté de plein fouet.
Quelques jours auparavant, Anne Hidalgo, maire de Paris, ne manquait pourtant pas de souligner, à travers des propos relayés par Franceinfo, le caractère dangereux de ces engins. « Chaque semaine est marquée par un fait divers », déplorait-elle.
Dans la soirée du 4 juillet 2019, c’est cette fois du côté de Vénissieux, dans la banlieue lyonnaise, qu’un jeune de 16 ans conduisant ce type d’engin est percuté par une voiture. Le conducteur du véhicule effectuait un dépassement au moment de l’impact qui sera fatal à l’utilisateur de la trottinette. Durant ce laps de temps de trois semaines, des faits d’accrochages violents d’usagers envers des piétons n’ont cessé d’être signalés.
Les Engins de déplacement personnel (EDP) pris en compte dans le code la route
#THREAD #MOBILITÉ
— Ministère Écologie 🌍 (@Min_Ecologie) May 4, 2019
À la rentrée 2019, le @gouvernementFR va modifier le code de la route permettant le développement des trottinettes électriques, hoverboards... tout en assurant la sécurité des utilisateurs et autres usagers.
Explications 🔽 pic.twitter.com/iufszfymlV
Les pouvoirs publics avaient pourtant décidé d’agir. Dès le 4 mai 2019, le ministère de la Transition écologique et solidaire publie sur son compte Twitter la réglementation qui entre en vigueur à compter de ce mois de septembre 2019 (sous réserve de la publication d’un décret).
Avec ces nouvelles règles, il est désormais interdit de circuler en EDP (incluant les trottinettes électriques mais également les gyropodes, les hoverboards, les monoroues…) sur les trottoirs en agglomération si le moteur est activé.
Sur la chaussée, la vitesse de ces engins motorisés ne doit plus dépasser les 25 km/h selon cette source (bien que sur son site internet, le ministère de la Transition écologique parle de 20 km/h) sous peine d’amendes similaires aux infractions du code de la route.
Les enfants de moins de 12 ans ont l’obligation de porter un casque. Tandis que les moins de 8 ans ont interdiction de circuler.
Par ailleurs, sur un EDP motorisé, il sera interdit de transporter un passager et de porter des écouteurs ou tout autre appareil susceptible d’émettre du son. Le stationnement « sauvage » est banni. Il n’est ainsi plus possible de laisser sa trottinette au beau milieu d’un trottoir, sauf si elle ne gêne pas la circulation.
« De nombreuses recherches ont montré que face à une menace mortelle, la panique généralisée est rare. »
Guillaume Dezecache, docteur en sciences cognitives.
Les mairies de Paris ou de Marseille n’ont cependant pas attendu l’entrée en vigueur de cette réglementation pour agir. Par le biais d’un arrêté, ces villes et certaines autres avaient en effet décidé de mettre ces règles en application dès le mois d’août 2019. L’aménagement de parcs de stationnement dédiés aux trottinettes électriques, sur le modèle des Vélib’, est par ailleurs en cours d’élaboration dans plusieurs agglomérations françaises, dont la capitale.
Quelles solutions pour les problèmes techniques ?
Si elle entend solutionner une grande part des problèmes de circulation, cette réglementation ne met pas pour autant fin à tous les dangers des trottinettes électriques. Notamment en ce qui concerne le côté inflammable de ces engins.
Preuve que ce risque d’incendie n’est pas négligeable, de nombreux témoignages ont été relayés au cours de ces derniers mois. En juillet 2018, la simple charge d’une batterie de trottinette avait provoqué une explosion – engendrant un incendie – dans un appartement en Chine.
Le procédé s’est fait en trois étapes : une étincelle émane de l’engin puis une flamme surgit, immédiatement suivie d’une épaisse fumée opaque, avant qu’une sévère explosion ne retentisse et ne déclenche un début d’incendie… Le tout en l’espace d’une vingtaine de secondes seulement. La vidéo, pour le moins spectaculaire, est visible ci-dessous.
Un autre cas d’incendie de trottinette électrique, plus récent et plus proche géographiquement, a fortement été relayé en mai dernier. Comme dans le précédent exemple, c’est une fois encore la charge de l’appareil qui a été à l’origine de l’incendie d’un appartement du côté d’Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine).
Le processus est identique si l’on se fie au témoignage d’un proche de la victime. « D’un coup, la trottinette a chauffé et explosé », confiait notamment l’intéressé au micro de BFM Paris quelques heures après l’incident. Celui-ci a provoqué l’incendie de l’appartement, l’évacuation de l’immeuble de six étages ainsi que de sérieux dégâts matériels, qui ont rendu le logement insalubre.
Le risque d’incendie des batteries de trottinettes électriques, qui fonctionnent au lithium-ion, n’est pourtant pas nouveau (lire « Les risques liés aux batteries lithium-ion », Face au Risque n° 550, mars 2019). La société Lime avait notamment retiré 2 000 exemplaires de la circulation en novembre 2018 pour des risques d’explosion de ses batteries.
Et si les trottinettes se faisaient bâcher…
La question reste de savoir comment limiter le risque d’explosion des batteries de trottinettes électriques. Ou à défaut, comment réduire la propagation d’un incendie, en intérieur comme en extérieur.
Un produit inattendu pourrait permettre de résoudre la deuxième partie de l’équation… À savoir, une simple bâche anti-feu, ou couverture anti-feu. Déployable aussi bien en intérieur – pour les feux domestiques – qu’en extérieur, celle-ci pourrait être placée sur la trottinette lorsque les premières fumées apparaissent.
Le produit, dont le tissu d’origine est classé M0 (incombustible), fait déjà ses preuves sur les automobiles.
Couverture anti-feu sur-mesure pour automobiles, potentiellement adaptable sur trottinettes électriques (photo Protech Sentinel).
« C’est une bâche qui vient couvrir le départ d’incendie, dès l’émanation des premières fumées. Elle permet alors de le contenir et de couvrir l’émanation des fumées en attendant l’arrivée des secours. La bâche est incombustible et imperméable à la fumée et aux différents types d’acides. Elle est résistante et réutilisable », confesse Damien Payre, directeur commercial chez Protech Sentinel.
Dans les cas les plus extrêmes, le produit peut notamment résister à des feux allant jusqu’à 1 300 °C sur une durée d’une dizaine de minutes, selon les résultats d’une expérience effectuée par l’entreprise avec les sapeurs-pompiers de Lumbres (Pas-de-Calais).
Mieux encore, la bâche – qui recouvrait une voiture incendiée et chargée en bois lors de ce test – a permis d’étouffer et d’éteindre le feu au bout de cette dizaine de minutes. Des résultats plus que surprenants que ne pourrait pas garantir un simple extincteur.
Séduisante sur le papier, cette solution pourrait-elle s’adapter aux trottinettes ? « Le tissu conviendrait », assure Damien Payre. Seul hic, et non des moindres : il n’y a pas encore de demande. « Mais nous pourrions facilement répondre à la demande puisque nous fabriquons nos produits sur-mesure », relance-t-il.
Il semble par ailleurs difficilement concevable que chaque trottinette en libre-service – dont le nombre est estimé entre 15 000 et 20 000 en septembre 2019 rien qu’à Paris – contienne sa propre bâche. D’autant plus lorsque ces engins sont éparpillés aux quatre coins de la ville… « Par soucis de commodité, le particulier ne pourra pas l’avoir comme on a son gilet jaune ou son triangle dans une voiture », annonce l’intéressé.
L’exemple du parking des Salinières
Cette solution pourrait néanmoins s’avérer intéressante dans le cadre des futures installations de parcs de stationnement dédiés aux EDP. Car comme toute nouveauté, ces zones apportent inéluctablement avec elles de nouveaux risques… parmi lesquels la possibilité de voir un incendie de trottinette se développer sur l’ensemble d’un parc de stationnement d’EDP.
Le récent incendie du parking des Salinières à Bordeaux sert d’ailleurs d’exemple. Cet incendie, a priori volontaire selon les enquêteurs et parti du coffre d’une voiture au niveau -3, s’est propagé à l’intégralité de l’étage. Et a eu des effets sur plusieurs niveaux.
Au final, la totalité des 370 véhicules stationnés ce soir-là ont été touchés, que ce soit par les flammes, les fumées ou encore par les eaux d’extinction des lances à incendie des sapeurs-pompiers. 200 à 250 de ces véhicules ont été détruits et le sol du niveau -2, situé juste au-dessus, s’est partiellement effondré d’après les informations dévoilées par Sud Ouest le 26 juin 2019. Au plus fort de l’incendie, les températures ont même atteint les 700 °C si l’on en croit le quotidien.
Des parcs de stationnement pour trottinettes électriques sont en cours d’aménagement dans plusieurs villes françaises.
S’il est toujours plus simple de réécrire l’histoire après un drame, il n’est malgré tout pas exclu de penser que le déploiement d’une couverture sur la voiture à l’origine de cet incendie – dès l’émanation des premières fumées – aurait permis de limiter les dégâts dans certaines proportions non négligeables.
« Si au moins on mettait une couverture par secteur ou par niveau dans les parkings, l’agent de sécurité qui reçoit le signal de la détection d’une fumée pourrait l’installer sur la voiture… Ce qui contiendrait le départ d’incendie en attendant l’arrivée des secours et éviterait toutes les propagations », déplore Damien Payre.
Une logistique à penser et redéfinir
Avec les prochains parcs de stationnement pour EDP, ce type de bâche anti-feu pourrait permettre d’éviter que les flammes provenant d’une seule et unique trottinette ne se propagent à l’ensemble des EDP stationnés.
Faut-il encore savoir comment les usagers de trottinettes en libre-service – ou les agents de sécurité – pourraient avoir accès à ces bâches en cas d’incendie dans un parc de stationnement ? Mais également si leur financement serait à la charge des gestionnaires de parcs, autrement dit les mairies (et donc potentiellement répercuté sur les contribuables locaux), ou directement à la charge des gestionnaires de trottinettes (et donc potentiellement répercuté sur les usagers) ?
Il y a ainsi fort à parier que, dans la majorité des cas, c’est bel et bien le particulier qui finirait – à terme – par payer une large partie de la facture de cette solution miracle.
Eitel Mabouong – Journaliste
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