De la place du privé dans le continuum de sécurité… globale

16 novembre 20186 min

De la place du privé dans le continuum de sécurité… globale

Le 11 septembre 2018, deux députés ont rendu au Gouvernement le rapport de la mission parlementaire intitulé « D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale ». Il y traite notamment de sécurité privée.

Il y a dans le rapport des deux députés Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue un côté à la Prévert. Pas celui que l’on retrouve dans le poème « Tu dis que tu aimes la pluie et tu fermes la fenêtre », car au fond on sent que les députés ont compris l’utilité de la sécurité privée (même si le rapport commence par une critique assez virulente)… Mais plutôt celui de la fameuse énumération du recueil « Paroles », qui porte depuis son nom, le rapport égrène en effet un chapelet de mesures.

Un prélude plus qu’un rapport ?

Ce rapport, qui est sans doute le prélude à un nouveau texte de loi, comporte plusieurs parties. La première est une approche globale de la sécurité avec une analyse des différents intervenants. La deuxième étudie les polices municipales. Et la troisième traite de la sécurité privée.

C’est celle-ci qui nous intéresse. À sa lecture, l’on sent que les deux parlementaires rédacteurs ont été influencés par le rapport de la Cour des comptes ayant vertement critiqué la filière et le Cnaps et par les revendications des professionnels.

L’esprit général du rapport est de valoriser la filière de la sécurité pour pouvoir lui confier de nouvelles missions.

Il y a donc une avalanche de propositions d’une importance disparate. Les députés se sont également montrés sensibles au besoin de coordination entre la sécurité privée et les forces de l’ordre. Ce qui est positif.

Voyons donc quelques-unes de ces préconisations. Sachant qu’il n’est pas possible d’être exhaustif, il sera surtout examiné ce qui concerne le personnel et les sociétés de sécurité privée.

Surveillance des sociétés de formation

De manière peu surprenante car c’est dans l’air du temps, il y a une volonté d’accroître le contrôle à l’entrée de la profession. Notamment en vérifiant mieux la moralité des futurs agents qui également devraient être mieux formés. Il y a donc, selon les parlementaires, la nécessité de surveiller les sociétés de formation et la manière dont les diplômes sont octroyés.

Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue font ensuite une proposition à laquelle on ne peut qu’adhérer : celle d’envisager des CDD dont le terme est la fin de la mission… Tel que cela existe dans certains secteurs d’activité comme l’audiovisuel ou le bâtiment.

Formation pour le middle management

Les députés suggèrent également de créer une formation pour le middle management.

Ils ajoutent que les sociétés de sécurité privée devraient avoir une garantie financière comparable à celle existante pour les sociétés d’intérim. Ce qui conduira presque mécaniquement à éliminer les petites structures.

Prévention des cybermenaces

Le champ des activités de la sécurité privée pourrait être élargi à la prévention des cybermenaces et à des missions relevant aujourd’hui de l’État comme les :

  • gardes statiques devant des bâtiments justifiant une surveillance, à l’exception des sites les plus sensibles ;
  • missions administratives réalisées dans les centres de rétention administrative (accueil, bagagerie, distribution des repas, transferts de détenus) ;
  • transferts vers les hôpitaux dans le cas des ivresses publiques et manifestes ;
  • transferts des détenus hospitalisés non dangereux ainsi que la garde de ceux-ci ;
  • transports des scellés et la garde de ceux-ci jusqu’à la fin des procédures judiciaires en cours.

Ces deux parlementaires continuent en suggérant un apport de la sécurité privée aux contrôles routiers et à la protection de certaines personnalités. Les agents pourraient même intervenir sur les terrasses des restaurants, etc.

De l’audace !

De manière assez audacieuse, ils envisagent d’ouvrir la possibilité pour les agents privés et les personnels assermentés de participer à des procédures simplifiées pour des petits délits qui entraînent un préjudice pouvant aller jusqu’à 200 €.

La sécurité électronique n’est pas oubliée. Les députés suggèrent l’utilisation de caméras-piétons, une meilleure synergie dans les systèmes de vidéoprotection. Notamment avec des réseaux publics privés interconnectables. Ils vont jusqu’à proposer d’intégrer dans le champ de contrôle du Cnaps les activités de conception et les installations de dispositifs de sécurité électroniques.

Installateurs bientôt dans le giron du Cnaps ?

D’autres professions pourraient être soumises à la tutelle du Cnaps. Comme les sociétés de service et de défense ou encore les sociétés de conseil en sûreté/sécurité.

Quelle conception du service public

Le rapport a su se faire l’écho des préoccupations des professionnels privés et des autorités de tutelle. Mais ses auteurs devraient confronter ces préconisations aux principes fondamentaux de la République, notamment à la liberté du commerce et à la liberté de travail.

Il y a, sous-jacente, une idée du rôle de l’État qui doit être moins impliqué, qui doit avoir moins les mains dans le cambouis… Et dont le rôle est d’impulser et de contrôler.

Mais cette conception du service public n’est-elle pas celle de demain ?

Thibault du Manoir de Juaye

Thibault du Manoir de Juaye
Avocat à la Cour, il a commencé à travailler en cabinet d’avocats en 1987 et a créé le sien en 1995. Il est ancien auditeur de l’IHESI (aujourd’hui INHESJ) et de l’IHEDN (Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale Session IE). Il s’est ainsi spécialisé depuis plus d’une vingtaine d’année sur les problèmes de sécurité et de sureté de l’entreprise.
Il a écrit seul plusieurs ouvrages parmi lesquels Le droit pour dynamiser votre business publié aux Editions d’Organisation, lui a valu l’obtention du prix 2005 du meilleur ouvrage d’intelligence économique décerné par l’Académie de l’IE, le droit de l’intelligence économique aux éditions LITEC (Groupe LEXIS NEXIS) en 2007, les robes noires dans la guerre économique aux éditions du nouveau monde en 2011 et en avril 2016, le secret des affaires, à nouveau aux éditions Lexis-Nexis et co-écrit avec Sabine Marcellin.
Au sein de son cabinet, il conseille ou assiste des sociétés de sécurité privée ce qui lui permet d’avoir une connaissance approfondie du secteur et des organismes régulateurs.

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