La vidéosurveillance urbaine ralentie par les contraintes budgétaires
À quelques mois des élections municipales, les incertitudes politiques et économiques ont un effet négatif sur la croissance du marché.

Alors que les citoyens expriment une forte demande en faveur de la multiplication des caméras de vidéosurveillance dans les villes de toutes tailles et même dans les campagnes, les investissements ne sont pas à la hauteur des espérances.
« Il existe un fossé entre les souhaits des administrés et la dure réalité budgétaire. Les responsables de collectivités doivent faire des arbitrages. Les projets ne sont pas remis en cause mais retardés, si bien que le déploiement des réseaux de vidéosurveillance n’est pas aussi rapide que le voudrait la population », nous déclare Philippe Saint-Pierre, directeur général d’Eryma, un des leaders sur ce créneau de marché.
« Comme c’est habituellement le cas avant des élections municipales, nous avions tout d’abord remarqué une accélération de la demande en raison du scrutin. Néanmoins, depuis septembre dernier, nous observons une logique de réattribution des budgets. La vidéoprotection est considérée comme un investissement prioritaire. Cependant, son développement est entravé par des restrictions financières », nous explique Pascal Agostini, directeur du développement chez Ineo Infracom, figurant également parmi les ténors de ce métier.
Ce phénomène s’est manifesté après la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024 et plus particulièrement au second semestre. Les événements politiques pour le moins évolutifs de l’automne 2025 ont encore compliqué la situation.
Le montant des subventions des projets accordés par le FIPD (fonds interministériel de prévention de la délinquance) est passé de 25 M€ en 2024 à 21,7 M€ l’année suivante.
De plus, l’État se serre la ceinture. Un exemple : le montant des subventions des projets accordés par le FIPD (fonds interministériel de prévention de la délinquance) est passé de 25 M€ en 2024 à 21,7 M€ l’année suivante. Ce soutien aux collectivités finance entre 25 % et 50 % des projets de vidéoprotection sur la voie publique.
Le développement du marché est également freiné par une réglementation jugée « complexe et évolutive », tandis qu’il s’avère souvent difficile de paramétrer la configuration de la bande passante pour être adaptée aux besoins spécifiques d’une collectivité locale.
Expansion en milieu rural
Le marché est estimé à plus de 300 M€, tandis que le parc installé de caméras sur la voie publique se situe autour de 100 000 unités sur un total de trois millions de caméras en France.
Malgré les épisodes politiques non prévisibles de 2024-2025, le marché reste porteur. L’année dernière, il a ainsi progressé d’environ 6 %, soit un peu moins que l’ensemble du secteur de la vidéosurveillance (+7,8 %), selon les statistiques de l’Atlas d’En Toute Sécurité. Le marché est estimé à plus de 300 M€, tandis que le parc installé de caméras sur la voie publique se situe autour de 100 000 unités sur un total de trois millions de caméras en France. Les régions les plus équipées sont l’Île-de-France – et au premier chef Paris avec le fameux projet Mille Caméras lancé en 2010 – et le Sud-Est avec des villes emblématiques comme Nice ou Cannes.
On estime qu’un réseau coûte environ 10 000€ par caméra opérationnelle. Si le prix des caméras a tendance à baisser, celui des logiciels et des infrastructures est plutôt en hausse.
Les perspectives sur le long terme sont attrayantes : environ 6 000 communes seulement utilisent un réseau de vidéosurveillance sur un total de 34 900 en France. On peut mesurer le chemin parcouru puisqu’il y avait seulement 250 villes équipées en 2007, et 2 000 sept ans plus tard. De plus, la méfiance initiale des partis de gauche vis-à-vis de la vidéosurveillance a quasiment disparu, ouvrant ainsi de nouveaux marchés.
« En dépit d’une situation financière tendue, des collectivités font quand même des efforts pour être en accord avec leurs orientations affichées en matière de sécurité. Par exemple, en réduisant la configuration du futur réseau à quelques caméras seulement ou en privilégiant la vidéosurveillance des écoles, un sujet sensible », affirme le directeur d’Eryma.
« Même les communes déjà équipées ont tendance à renforcer leurs dispositifs de sécurité par l’installation de nouvelles caméras ou d’équipements plus sophistiqués. En outre, comme la délinquance se développe en milieu rural, le segment des petites communes est en forte expansion », souligne de son côté Pascal Agostini.
Si les collectivités rurales n’ont pas toujours les moyens financiers pour investir dans un réseau de vidéosurveillance, il est de plus en plus courant que plusieurs se regroupent pour implanter un centre de supervision urbain (CSU) commun. Cette approche peut même se réaliser à l’échelle d’un département, le groupement opérant alors un peu comme une centrale d’achat. En outre, ce système permet d’accélérer les démarches administratives et de lancer un appel d’offres plus attrayant pour les fournisseurs.
Évolution des ventes de vidéosurveillance en France (en millions d’euros). Tous segments de marché confondus (ventes cumulées des fabricants (matériels et logiciels), distributeurs, intégrateurs et installateurs). Source : En Toute Sécurité.
Des utilisations variées
Les caméras ne servent plus seulement à détecter des actes de délinquance ou à prévenir des menaces d’attentat (…). Elles peuvent ainsi superviser la circulation ou le stationnement des véhicules.
La croissance est également portée par les usages multiples des caméras. Elles ne servent plus seulement à détecter des actes de délinquance ou à prévenir des menaces d’attentat sur la voie publique. Elles peuvent aussi superviser la circulation ou le stationnement des véhicules, avec des effets extrêmement dissuasifs.
La vidéosurveillance se révèle également efficace contre les dépôts sauvages de déchets, avec alerte du PC de sécurité en cas de dégradation de l’environnement.
« En fait, la caméra permet dorénavant de manipuler de la data provenant de différentes sources et d’analyser des remontées d’informations utiles », affirme Pascal Agostini d’Ineo Infracom en prenant l’exemple des abords d’une école : si l’on constate de nombreux freinages d’urgence, il est possible d’en diagnostiquer les raisons, comme la nécessité d’un meilleur éclairage ou d’un réaménagement de la voie, voire d’une sensibilisation accrue des élèves.
L’intelligence artificielle a évidemment fait une incursion. Si la réglementation ne permet pas une reconnaissance faciale ou du comportement d’un individu, elle assure un gain de temps appréciable pour les recherches d’une personne avec un vêtement spécifique – un manteau vert par exemple – ou la détection d’un objet suspect.
L’IA assure un traitement plus rapide de l’information, prenant en compte les caméras fixes ou embarquées. L’architecture du système et sa liaison avec le CSU autorise des interventions sur le terrain plus précises de la part des forces de l’ordre. En outre, les interconnexions avec les réseaux de divers bâtiments (ERP, mairies, etc.) sont facilitées, de même qu’avec les systèmes de contrôle d’accès, d’alarme anti-intrusion, de gestion des bornes escamotables ou de l’éclairage public.
Néanmoins, le développement de l’IA dépendra de l’évolution de la réglementation. Ainsi, en mai dernier, le Conseil constitutionnel a rejeté l’amendement d’une loi votée autorisant la prolongation jusqu’en mars 2027 de l’expérimentation des caméras intelligentes dans l’espace public mise en place pour les Jeux olympiques. Une possibilité qui avait pourtant été fortement souhaitée par les pouvoirs publics et les professionnels de la sécurité.
Il est de plus en plus fréquent que des communes rurales se rassemblent afin de permettre la mise en place d’un centre de supervision urbain (CSU) commun © wellphoto/ AdobeStock.

Des acteurs hétérogènes
La mutation rapide du marché a rebattu les cartes entre les acteurs. Les start-ups ont connu des sorts différents. Si Cambox a été placé en redressement judiciaire en juin dernier et Neuroo le mois suivant, d’autres jeunes pousses ont reçu des financements pour des montants exceptionnels : Orasio, spécialiste de l’analyse d’images en temps réel, a levé des fonds pour 16 M€ dès sa naissance en mai 2025, tandis que Veesion, éditeur de logiciel d’analyse vidéo pour lutter contre les vols en magasins, a bouclé un apport de 53 M€ à la même date. Un record historique dans la profession.
Du côté des installateurs et intégrateurs, on trouve des groupes généralistes de l’univers des courants faibles comme Spie – avec un CA de 115 M€ dans la vidéosurveillance – talonné par Equans France – dont la filiale Ineo Infracom est leader avec 750 références de villes de toutes tailles – ou encore Vinci. Il faut également compter avec Orange, dont le métier dans les télécoms est complémentaire de celui de la vidéosurveillance.
Les installateurs spécialisés dans la sécurité occupent une place conséquente, notamment Eryma, filiale du groupe Sogetrel, qui aligne plus de 600 références en vidéosurveillance urbaine. En outre, ce secteur connait plusieurs acquisitions qui tentent de concentrer ce marché jusqu’ici très atomisé.
En savoir plus
Consultez la/le directive, circulaire, site, rapport n° XXX… Pas besoin de mettre les liens en gras, il s’y mettront automatiquement si vous pensez à mettre “paragraphe” dans le “CSS class” ci-dessous.
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