Espaces confinés, des lieux à risques

26 janvier 202316 min

Les espaces confinés sont présents dans la plupart des secteurs d’activité. Souvent méconnus ou mal identifiés, ce sont néanmoins des lieux à risques qui peuvent se transformer en piège pour le salarié qui s’y trouve.

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Définition

Égouts, puits, galeries techniques, citernes, réservoirs de stockage, fosses, cuves de réaction, tunnels, vides sanitaires, silos… : dans de nombreux secteurs, des travailleurs peuvent être amenés à intervenir à l’intérieur ou autour d’un espace confiné. Un espace confiné est défini, d’après la recommandation CNAMTS R447, comme « un espace totalement ou partiellement fermé :

  • qui n’a pas été conçu et construit pour être occupé de façon permanente par des personnes, ni destiné à l’être, mais qui, à l’occasion, peut être occupé temporairement pour l’exécution d’un travail comme l’inspection, l’entretien ou la réparation ;
  • et au sein duquel l’atmosphère peut présenter des risques pour la santé et la sécurité des personnes qui y pénètrent en raison :
    • soit de la conception ou de l’emplacement de l’ouvrage,
    • soit de l’insuffisance de ventilation naturelle,
    • soit des matières, substances ou des fluides qu’il contient,
    • soit des équipements qui y sont mis en œuvre,
    • soit de la nature des travaux qui y sont exécutés. »

On en rencontre dans de nombreux secteurs d’activité : dans les bâtiments (regards de visite, caves ou vides sanitaires, salles techniques souterraines…), dans l’industrie chimique ou agro-alimentaire (cuves, réservoirs, réacteurs, cheminées, chaudières, silos…), dans les transports (citernes de camions ou de wagons, cales de navire, péniches, avions…), dans les travaux publics (égouts et réseaux d’assainissement, grosses canalisations, galeries de visite…).

Espace confiné, 3 facteurs - Source : CNPP

Il peut être difficile de reconnaître un espace confiné. Ainsi, une tranchée ou un trou ouvert devient un espace confiné en cas de circulation limitée de l’air et lorsque le gaz, plus lourd que l’air, commence à s’accumuler au niveau du sol. L’important pour l’employeur est d’être à même, avant de confier une tâche à un travailleur, de reconnaître si celle-ci implique sa présence dans un tel espace, à tout moment de son intervention. L’analyse permettant d’identifier une situation de travail confiné doit être menée quelle que soit l’organisation du travail prévue et que le travailleur soit un salarié de l’entreprise ou un sous-traitant. Dans ce dernier cas, la présence de risques liés au travail en espaces confinés devra conduire à les inscrire de manière spécifique dans le plan de prévention.

Les risques

La configuration des espaces clos (accès restreints, aération difficile, contraintes posturales…) les rend particulièrement dangereux pour les travailleurs amenés à y intervenir. De nombreux risques sont à prendre en compte lors de travaux dans un endroit confiné :

  • Asphyxie. On pense tout de suite aux risques liés à l’atmosphère de l’espace confiné qui peine à se renouveler en raison de l’insuffisance d’ouverture du lieu. Dans ces conditions, toute activité peut se révéler dangereuse, car elle va consommer de l’oxygène dans un milieu qui, potentiellement, en est déjà appauvri du fait de l’accumulation d’autres gaz qu’il appartient à l’employeur d’identifier : gaz présent dans l’espace confiné du fait d’un phénomène de fermentation, gaz dû à l’activité elle-même (par exemple, le fonctionnement d’un engin thermique ou l’évaporation de liquides toxiques). Le manque d’oxygène, pour lequel la zone de danger est atteinte dès que la teneur en oxygène de l’air est inférieure à 17 %, peut provoquer chez l’homme asphyxie (difficulté ou impossibilité de respirer), anoxie (absence d’apport ou d’utilisation d’oxygène au niveau d’une cellule, d’un tissu ou plus généralement de l’organisme) ou hypoxie (diminution de la quantité d’oxygène distribuée aux organes et aux tissus), la mort pouvant survenir très rapidement en l’absence d’intervention médicale.
  • Intoxication, suite à l’inhalation, l’ingestion ou un contact cutané avec des substances toxiques libérées durant les travaux. Les effets de cette exposition sur la santé sont généralement immédiats, mais ne sont parfois perceptibles qu’après un certain temps. Sont concernés les travaux avec matières volatiles, tels que nettoyage ou peinture, le soudage, coupage et brûlage, les travaux sur ou avec de la terre polluée par des matières dangereuses et des fuites dans des conduites contenant des matières dangereuses.
  • Incendie, explosion, en cas de libération d’un gaz, d’une chaleur trop élevée, d’un défaut électrique… Si des gaz ou vapeurs inflammables ou des poussières combustibles sont présents dans les cuves, les conditions peuvent être réunies pour donner lieu à un incendie ou une explosion. La source d’ignition peut être une flamme nue, un point chaud, une étincelle électrostatique… « Le risque existe même si l’intervention (soudage par exemple) se produit depuis l’extérieur de la zone confinée sur une paroi extérieure de la cuve avec effet de conduction de la chaleur (point chaud) par le métal à l’intérieur de la cuve », explique le ministère du Travail sur une page dédiée au travail en espaces confinés sur son site internet. D’autres risques graves, causés par la configuration des lieux et/ou l’activité exercée, sont à prendre en compte :
  • Électrisation/électrocution. Les équipements, appareillages et câbles électriques en milieu confiné peuvent être anciens ou mal entretenus. Par ailleurs, les besoins en alimentation électrique (pour le fonctionnement des outils, éclairages et prises temporaires) exigent des packs de batteries pour les équipes de maintenance. La possibilité des contacts avec des conducteurs électriques et des pièces nues sous tension est ainsi gravissime, en particulier dans un milieu humide.
  • Chute de hauteur lorsqu’il y a défaut de port du harnais de sécurité par exemple, mais aussi chute de plain-pied (glissade). Et les chutes d’outils ou pièces de machines sont également à considérer.
  • Ensevelissement si un éboulement survenait à l’occasion de travaux souterrains, ou consécutivement à une chute dans un silo…
  • Noyade après une chute ou en cas de montée soudaine des eaux, notamment lors de l’intervention sur un réseau d’eau.
  • Brûlures en cas de fuite de substances chimiques ou d’eau chaude des tuyaux.
  • Risques auditifs. Les milieux confinés sont des lieux propices à l’amplification des sons, pouvant endommager les conduits auditifs.
  • Risques thermiques. Les températures peuvent être extrêmement élevées ou au contraire extrêmement basses.
  • Risques de « sur-accident » si l’intervenant panique devant une situation dangereuse.

Les interventions en milieu confiné donnent ainsi lieu à de nombreux accidents qui font parfois plusieurs victimes, que ce soit les travailleurs ayant participé à l’intervention ou les personnes ayant tenté de les secourir (lire « Caractéristiques des accidents en espaces confinés » ci-contre).

Superviseur écrivant un rapport d'inspection - Crédit : Kings Access/AdobeStock
Un compte rendu de fin de travaux doit être effectué. Il permettra, le cas échéant, d’ajuster les procédures et le matériel.

Caractéristiques des accidents en espace confiné

Le Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels (Barpi) a analysé, dans une synthèse dédiée aux accidents en espaces confinés de novembre 2009, 80 accidents français ou étrangers survenus dans des ICPE, extraits de la base Aria, qui illustrent les deux principaux risques pour les travailleurs en espaces confinés, à savoir l’asphyxie et l’intoxication. « Si des défaillances matérielles telles que fuites ou ruptures d’équipements ou de canalisations […] sont parfois mises en exergue, peut-on lire dans la synthèse, les défaillances d’organisation sont largement prépondérantes dans les mécanismes accidentels ». Avec notamment :

  • des analyses de risques inexistantes ou insuffisantes, avant la réalisation de travaux de maintenance par exemple, ou lorsque des risques de réactions chimiques entre substances incompatibles ne sont pas identifiés ;
  • des insuffisances d’encadrement et de suivi des travaux, des consignations ou des mises en sécurité d’installations non adaptées, des consignes de sécurité insuffisantes, l’absence de permis de travail en milieu confiné, l’insuffisance de contrôle de l’atmosphère pendant l’intervention ;
  • le manque de communication entre opérateurs ou aux sous-traitants lors d’interventions extérieures ;
  • l’inexistence fréquente de mesures de sécurité en cas d’incendie, des équipements de protection inadaptés et l’absence de mesures d’évacuation urgence.

« Les victimes sont le plus souvent des employés mais des intervenants d’entreprises extérieures sont aussi concernés lors de travaux de maintenance ou de prélèvements effectués dans le cadre de vérifications ou de contrôles […]. Parmi les victimes, on recense aussi dans de nombreux cas des salariés qui ont tenté de porter secours à leurs collègues sans prendre de précautions suffisantes ou encore de secouristes intervenus sans une formation suffisante », pointe le Barpi.

  • les activités agricoles avec, dans les cuves et silos, les phénomènes d’évaporation ou de fermentation normale ou accidentelle de matières organiques ;
  • les industries agro-alimentaires avec de nombreuses intoxications impliquant l’ammoniac, utilisé dans les installations de réfrigération, des mélanges accidentels de produits chimiques incompatibles et des phénomènes de fermentation ;
  • la chimie et le raffinage avec l’emploi d’azote pour l’inertage ou des gaz toxiques utilisés ou dégagés dans les procédés ;
  • la collecte et le traitement des déchets industriels ou agricoles, ainsi que les réseaux d’eaux associés.

Organiser une intervention en espaces confinés

Pour prévenir ces risques, l’employeur doit s’assurer que les opérations en espaces confinés sont parfaitement identifiées, prévues, préparées, et maîtrisées en termes de risques pour les salariés. Et qu’elles sont indispensables. Des moyens d’intervention peuvent en effet éviter de pénétrer dans les cuves (manoeuvres de vannes depuis le bas ou l’extérieur, passerelles, vidange ou nettoyage par aspiration ou pompage…).
En complément de l’évaluation des risques, l’employeur doit mener une véritable analyse préalable. Celle-ci passe obligatoirement par une reconnaissance des lieux, visant notamment à identifier la topographie de l’espace confiné et les procédés en cause, et à connaître les substances dangereuses que l’on peut y trouver et les réactions chimiques ou biologiques qu’elles peuvent induire. Il doit aussi prendre en compte le fait que les travailleurs vont se trouver dans un lieu difficile d’accès qu’ils ne pourront peut-être pas évacuer seuls et où les secours auront du mal à intervenir. Il faut donc se préparer au pire et mettre en oeuvre un plan d’intervention des secours permettant un sauvetage d’urgence en cas d’accident.
Pour que les travaux en espaces confinés s’effectuent dans de bonnes conditions, il faut a minima :

  • rédiger des procédures d’intervention en espaces confinés détaillant l’organisation du travail, les consignes à respecter et les moyens et équipements de sécurité à utiliser conformément à la réglementation et aux bonnes pratiques ;
  • fournir au personnel une formation spécifique, par exemple le Certificat d’aptitude à travailler en espaces confinés (Catec) dans le domaine de l’eau potable et de l’assainissement (lire la paragraphe ci-dessous intitulé “Le Catec”) ;
  • délivrer aux intervenants un permis de travail en espaces confinés. Il s’agit d’une autorisation de travail sur la base de leurs compétences, formations reçues, expériences et aptitude médicale à effectuer les tâches et utiliser les EPI ;
  • fournir des instructions et des moyens de protection adaptés, correctement entretenus et vérifiés ;
  • préparer un plan d’intervention des secours, le communiquer aux intervenants avec les numéros d’urgence et les moyens de communication en cas d’incident ;
  • désigner un responsable qualifié et formé pour superviser l’opération, même en cas de sous-traitance ;
  • désigner un surveillant compétent pour intervenir en cas d’accident et le mettre à disposition pendant toute la durée de l’intervention dans une zone sécurisée située en dehors de l’espace confiné.
Pour que le travail en espaces confinés s’effectue dans de bonnes conditions, l’intervenant doit avoir suivi une formation spécifique, par exemple le Catec (Certificat d’aptitude à travailler en espaces confinés).
Crédit : Kings Access/AdobeStock

Le Catec

L’employeur doit veiller à ce que seuls des intervenants formés au travail en espaces confinés prennent part à l’intervention, qu’il s’agisse de salariés pénétrant dans le lieu clos ou des surveillants. Afin d’harmoniser les pratiques dans les différents secteurs concernés, et ainsi réduire le nombre d’accidents, deux recommandations ont été émises par la CNAMTS :

  • en 2009, la recommandation R447 sur la prévention des accidents lors des travaux en espaces confinés a permis de décrire les bonnes pratiques à suivre. Elle est adoptée par le Comité technique national du transport, de l’eau, du gaz, de l’électricité, du livre et de la communication (CTN C) ;
  • en 2012, elle a été complétée par la recommandation R472, qui décrit plus précisément les compétences nécessaires, et qui a mené à la création de la certification Catec (Certificat d’aptitude à travailler en espaces confinés dans le domaine de l’eau potable et de l’assainissement).

Cette prise de conscience de la profession fait suite à un accident qui a eu lieu en juin 2006 à Poissy. Quatre employés d’une entreprise d’assainissement et de voirie avaient trouvé la mort lors du curage d’un bac de décantation du réseau d’égout. L’opération consistait à aspirer le contenu du bac de 30 m³ et profond de 5 m pour en extraire les boues et autres déchets, et faciliter ainsi le passage des eaux usées. Trois ouvriers avaient été intoxiqués de manière foudroyante, probablement suite à un dégagement accidentel d’hydrogène sulfuré. Le quatrième était décédé à l’hôpital. Lors du procès, il avait été pointé l’absence d’un plan de prévention spécifique et d’un trépied de levage.

Le Catec décrit un socle commun et homogène de compétences intégrant les bonnes pratiques de prévention des risques sur la santé lors des interventions dans les espaces confinés dans le domaine de l’eau et de l’assainissement. Cette formation, supervisée par l’INRS, permet de s’assurer que les salariés concernés par une intervention dans un endroit confiné (intervenant ou surveillant) connaissent bien les enjeux et principes de ce type d’intervention. Après la formation théorique et la réussite d’épreuves pratiques, un certificat de formation Catec est délivré, certifiant que le stagiaire est apte à mener une intervention dans un lieu clos, dans les milieux de l’eau et de l’assainissement.

Intervenir en sécurité

Le code du travail (articles R.4222- 23 et R.4222-24) subordonne la réalisation de travaux en espaces confinés à la vérification de l’absence de risque pour la santé et la sécurité des travailleurs et, le cas échéant, à l’assainissement de l’atmosphère et la vidange du contenu. Il précise que, pendant l’exécution des travaux, la ventilation est réalisée de manière à maintenir la salubrité de l’atmosphère et à en assurer un balayage permanent. Aucun intervenant n’est autorisé à rentrer dans un espace confiné si l’équipe d’intervention ne dispose pas d’un permis de pénétrer délivré par l’employeur, et si ce permis n’a pas été validé sur place par le chef d’équipe. Ce permis, qui informe les intervenants des dangers inhérents aux installations, aux matières et à la configuration des lieux, précise clairement l’organisation mise en place pour l’opération. En application de la recommandation R447, il faut, avant toute pénétration dans l’espace confiné :

  • baliser les zones et volumes concernés ;
  • consigner les énergies et les fluides si l’accès est possible de l’extérieur ;
  • créer une aération naturelle de l’ouvrage par ouverture des accès ;
  • nettoyer l’intérieur de l’ouvrage pour évacuer tout produit ayant rendu – ou susceptible de rendre – l’atmosphère intérieure dangereuse ;
  • ventiler mécaniquement l’ouvrage pendant au moins 20 minutes avant d’entrer, par soufflage en partie basse, sauf cas exceptionnel justifié par l’évaluation des risques, de façon à assurer une vitesse minimale de balayage de l’espace de 0,3 m/s avec un courant d’air neuf et non pollué ;
  • réaliser, avec le détecteur de gaz, les mesures d’air nécessaires pour couvrir progressivement tout le volume de l’ouvrage. En cas de mise en alarme du détecteur, ventiler pendant au moins 20 minutes supplémentaires avant de refaire un contrôle. Si l’alarme se déclenche à nouveau, consigner l’accès, se mettre en sécurité, interdire l’accès à la zone et en référer à la hiérarchie ;
  • mettre en place les moyens de sécurisation d’accès adaptés (dispositif de protection contre la chute par exemple) ;
  • mettre en place les moyens de secours des intervenants (treuils de sauvetage, port du masque auto-sauveteur).

Dans le cadre des espaces confinés, l’intervention se fait à deux opérateurs au minimum :

  • un surveillant, qui assure la surveillance en permanence de l’ouvrage et la sécurité du ou des intervenants (contrôle matériel…). Il est en liaison constante avec le ou les intervenants, procède aux appels d’urgence et participe au sauvetage, sans jamais descendre dans l’ouvrage.
  • un intervenant qui effectue les missions, applique les consignes et est en liaison permanente avec le surveillant (lire les tableaux de l’article “Matériels et équipements”).

Pendant toute l’intervention, l’espace confiné doit être ventilé et l’intervenant doit avoir sur lui un contrôleur d’atmosphère portatif en fonctionnement ainsi qu’un masque auto-sauveteur.

Espaces confinés intérieur - Crédit : Kratos Safety
En application de la recommandation R447 de la CNAMTS, il faut impérativement disposer de moyens de sécurisation d’accès et de secours adaptés : harnais, potence (ici, à base en H avec treuil et antichute à rappel automatique), masque auto-sauveteur…

Article extrait du n° 570 de Face au Risque : « Travail en espaces confinés » (mars 2021).

Gaëlle Carcaly – Journaliste

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