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La sûreté aéroportuaire à l’heure de la reprise
L’augmentation du trafic aérien génère une forte reprise des prestations de sûreté dans les aéroports. Ces derniers doivent aussi consacrer d’importants investissements pour de nouvelles technologies de sécurité.
Effacées les conséquences de la crise sanitaire pour le trafic aérien ! Et même tendance pour la sûreté aéroportuaire.
Après le trou d’air historique de 2020, la reprise du trafic aérien a été spectaculaire en 2022 tout comme en 2023, année qui a permis de retrouver le même nombre de passagers qu’en 2019 : 169,3 millions, en hausse de 16,9 % par rapport à 2022.
Les prestations de sûreté ont évidemment suivi les mêmes tendances. « La reprise amorcée en 2022 s’est véritablement concrétisée l’année suivante avec la sortie de la période Covid », nous explique Jean-Baptiste Thélot, président du Syndicat des entreprises de sûreté aéroportuaire (Sesa).
La sûreté aéroportuaire impactée par le boom des compagnies low cost
La reprise a été particulièrement marquée pour les déplacements internationaux : en décembre dernier, ils ont représenté 103,7 % du trafic de décembre 2019, alors que les liaisons domestiques sont à la peine avec un score de 85,8 %.
On note des différences selon les aéroports : ceux qui ont le plus profité de la reprise desservent les destinations de l’espace Schengen, accueillent des compagnies low cost avec des moyens courriers. Beauvais est l’exemple typique avec un nombre de passagers en décembre dernier représentant 141 % de celui de décembre 2019. Marseille aligne un score de 107 % et Orly de 101 %. En revanche, Roissy et Toulouse n’ont pas retrouvé leur niveau de 2019.
Ces performances variées entraînent évidemment des conséquences sur la sécurité des aéroports. Il faut mobiliser davantage d’agents dans certains d’entre eux et moins dans d’autres.
Les prestations humaines (contrôle des passagers et des bagages)
en millions d’euros.
Le niveau d’avant Covid est désormais dépassé.
Source : En Toute Sécurité.
Le marché global de la sûreté aéroportuaire– dont l’évolution est directement influencée par le volume du trafic aérien – a dépassé le milliard d’euros en 2023, se situant au-dessus du niveau de 2019, année où les ventes s’étaient inscrites à 986 M€, selon les estimations d’En Toute Sécurité. Le seul segment des prestations humaines – inspection et filtrage des passagers, des bagages cabine et de soute – s’est élevé à 585 M€ contre 560 M€ en 2019.
« En raison du télétravail et des réunions en visioconférence, le volume de la clientèle d’affaires est moindre alors que les passagers-touristes sont plus nombreux qu’en 2019, mais avec des pics pendant les congés scolaires. La différence de volume entre janvier et juillet est d’un à trois, ce qui implique une organisation du personnel de sûreté rigoureuse », explique Xavier Gondaud, président de Securitas Aviation France.
Certains experts avaient pensé que la crise sanitaire allait changer la façon de voyager avec une mise au ban du transport aérien sous la pression des mouvements écologistes. Au vu de ces derniers chiffres, il n’en est rien.
« 2024 va confirmer la tendance à la hausse, notamment grâce à un flux de voyageurs important durant les Jeux olympiques. »
Jean-Baptiste Thélot, président du Syndicat des entreprises de sûreté aéroportuaire (Sesa).
« 2024 va confirmer la tendance à la hausse, notamment grâce à un flux de voyageurs important durant les Jeux olympiques de Paris, avec un pic du 13 au 15 août après la cérémonie de clôture. On peut imaginer un surcroit de trafic assez significatif, d’environ +10 %, sachant que de nombreux touristes classiques vont reporter leur voyage en France pour éviter la période surchargée des JO », estime le président du Sesa.
Et l’on peut craindre un regain de cyberattaques à l’occasion de cet événement mondial qui pourraient viser les aéroports, les compagnies aériennes ou les prestataires divers.
Ces variations d’affluence de voyageurs impliquent également des mesures spécifiques pour la sécurité, principalement des recrutements complémentaires. Or, la profession rencontre des difficultés pour recruter des agents d’inspection, malgré des salaires nettement plus attractifs que ceux de la surveillance humaine classique.
D’ailleurs, la formation devient de plus en plus étoffée avec l’irruption de nouvelles technologies de détection d’objets suspects. Le Sesa a créé en début d’année un label destiné aux organismes de formation en sûreté aéroportuaire, baptisé Ofsac.
Sûreté aéroportuaire : mutation vers la détection 3D
Depuis les attentats de septembre 2001 qui ont bouleversé la donne pour la sûreté aérienne et aéroportuaire, les moyens de traquer les terroristes ou les délinquants en tous genres ont largement évolué.
Le marché de la sûreté aéroportuaire en 2023 en millions d’euros.
Total
1 085 M€
585M€
120M€
105M€
90M€
80M€
60M€
45M€
Source : En Toute Sécurité.
Les aéroports ont installé des myriades de caméras de vidéosurveillance, ont expérimenté la reconnaissance faciale, ont multiplié les dispositifs de contrôle d’accès – en facilitant le cheminement pour les passagers équipés de passeports biométriques – ont renforcé la protection périmétrique des infrastructures et ont instauré des contrôles drastiques des personnels sur les pistes et dans les zones sensibles.
Ces contraintes de sécurité ne doivent pas pour autant gêner la bonne fluidité des contrôles et générer de longues files d’attente aux postes de contrôle. Les passagers se sont en effet habitués aux contrôles de leurs bagages cabine par des agents et aussi des machines qui scrutent leurs effets en 2D.
« La multiplication des appareils électroniques et des divers objets emportés par les voyageurs nécessite de passer à une technologie de détection en 3D qui est aujourd’hui mature », souligne Jean-Baptiste Thélot. Les EDS cabine (Explosive Detection System) améliorent l’automatisation et le niveau d’analyse.
« Les machines 3D améliorent l’automatisation et le niveau d’analyse du contrôle. La Commission européenne impose leur généralisation dans les aéroports les plus importants d’ici cinq ans. »
Ils peuvent même intégrer l’intelligence artificielle (IA) pour détecter des couteaux, des objets contondants ou pouvant servir d’arme par destination. « L’IA peut assurer une préreconnaissance des menaces si bien que l’agent de sécurité a désormais un rôle de levée de doute », poursuit-il.
Revers de la médaille : ces machines nécessitent des investissements lourds pour les aéroports. Elles sont nettement plus chères, plus volumineuses, ce qui nécessite parfois des aménagements coûteux dans les locaux. De plus, les agents de sécurité doivent suivre une formation dédiée, soit des coûts supplémentaires.
Ces freins peuvent expliquer que la France a traîné des pieds pour installer ces machines 3D. Il existe seulement une poignée de lignes de contrôles de nouvelle génération dans tout le pays, notamment à Roissy et Toulouse. En comparaison, l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol, le principal des Pays-Bas, est équipé depuis quatre ans déjà.
Devant la lenteur de certains pays, la Commission européenne a imposé une généralisation des machines 3D dans les aéroports les plus importants d’ici cinq ans.
Redistribution des cartes entre les prestataires
Cette nouvelle échéance risque d’entraîner des conséquences financières négatives sur les sociétés de sûreté aéroportuaire.
« Nous constatons une nette dégradation des marges en raison des coûts supplémentaires de recrutement, d’un taux d’absentéisme significatif et des dépenses de formation. »
Jean-Baptiste Thélot, président du Sesa.
Mises à mal par la crise sanitaire – toutes les entreprises du secteur avaient alors dégagé des pertes – elles ont ensuite repris des couleurs. 95 % des sociétés ont en effet engrangé des bénéfices en 2022, soit le meilleur score jamais atteint, selon les statistiques d’En Toute Sécurité.
En 2024, l’environnement a changé. « Nous constatons une nette dégradation des marges en raison des coûts supplémentaires de recrutement, d’un taux d’absentéisme significatif et des dépenses de formation », souligne Jean-Baptiste Thélot.
En parallèle, la profession a connu une véritable redistribution des cartes avec le gigantesque appel d’offres lancé par Aéroports de Paris, représentant la moitié du marché national de la sûreté aéroportuaire, qui est entré en vigueur en avril 2023.
Ces contrats, d’une valeur de près de deux milliards d’euros sur huit ans, constituent le marché le plus volumineux en Europe. Les résultats sont passablement inattendus puisqu’Atalian est éliminé, qu’ICTS voit sa part diminuer, que Seris progresse nettement, que Securitas double son volume d’activité, tandis que Samsic s’octroie la moitié des attributions.
Aéroports de Paris a lancé un gigantesque appel d’offres, entré en vigueur en avril 2023, qui représente la moitié du marché national de la sûreté aéroportuaire.
Cet appel d’offres entérine l’obligation de résultat pour les contractants et non plus l’obligation de moyens : il met en place un système de prix par passager modulé par des bonus-malus en fonction des performances des agents. Cela concerne le niveau de sûreté, le temps d’attente (fixé à moins de dix minutes pour 95 % des passagers) et les relations commerciales, c’est-à-dire la courtoisie du personnel.
Sur le long terme, ces changements profonds du métier vont probablement restreindre le nombre d’intervenants, car les investissements vont être plus importants, dans un contexte de rentabilité financière moins brillante. Comme dans d’autres secteurs de la sécurité privée, la concentration du marché est à l’ordre du jour.
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