Securitas France. « Il n’y a pas de réduction de moyens humains avec notre virage numérique »

5 avril 20248 min

Nommé président de Securitas France en juillet 2023, Frank Lambrigts a accepté de répondre à nos questions. L’occasion d’évoquer la récente restructuration interne ainsi que le virage important que constituent les nouvelles technologies dans les métiers de la sécurité.

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Qu’avez-vous instauré depuis votre nomination à la tête de Securitas France ?

Frank Lambrigts. Ma mission consiste à garantir la continuité avec les équipes car nous avons beaucoup de personnes clés et de personnes compétentes. La France est le 3e marché dans le monde pour le groupe Securitas, derrière l’Allemagne et les Etats-Unis. Nous avons une présence d’une certaine taille et nous disposons de tous les services au sein du groupe.

Il faut aussi accélérer la transformation. Nous avons l’avantage de disposer d’une large gamme de services couvrant différents besoins en sûreté et de sécurité. Nous devons faire en sorte d’avoir une meilleure combinaison de nos services et arriver, tout doucement, à orienter nos clients vers les solutions du futur. Notre ambition est de rester le numéro 1 sur le marché et de devenir le leader des solutions de sécurité intégrées. Cela signifie qu’il faut créer une organisation efficace et travailler sur la rentabilité de l’entreprise. Nous devons gagner la préférence à la fois de nos clients mais aussi de nos collaborateurs. Pour cela, nous travaillons sur nos trois éléments différenciateurs : la proximité, la responsabilité et l’expertise.

Il est aussi question d’un nouveau découpage de la France en régions. De quelle manière a-t-il été réalisé ?

F.L. Nous avons procédé à une nouvelle organisation en septembre 2023. A mon arrivée, il y avait un seul directeur opérationnel, et désormais il y en a trois. Nous avons un découpage en neuf régions, et nous souhaitons passer maintenant à cinq régions. C’est un investissement, qui nous permet d’être efficace.

Pour le découpage, nous avons suivi le principe de la proximité. Cela signifie que nous connaissons nos clients, que nous sommes capables d’entretenir des relations avec eux, d’être présents dans le délai qu’il faut en cas d’intervention. Cela implique également de prendre le temps de discuter avec eux et de les rencontrer. Nous nous sommes également appuyés sur une analyse de tous nos clients et nos collaborateurs. Nous avons par exemple évalué les distances ou encore les modalités de transport pour trouver le meilleur équilibre.

Dans votre première réponse, vous parliez d’une volonté de transformation. Quel en est le but ?

F.L. Le but de cette transformation est dans un premier temps de continuer à faire de Securitas France le numéro 1 sur le marché en se basant notamment sur la notion de proximité. Dans un second temps, la transformation prend en compte la pénurie de main d’œuvre sur le marché du travail dans le secteur de la sécurité et le contexte inflationniste. La grille des salaires a augmenté de 7,5 % l’année passée, de 5 % cette année, de 3,2 % en 2025 et de 2,8% en 2026. Nous savons déjà tout cela. À cela s’ajoutent d’autres coûts comme les frais de fonctionnement, les frais de mobilité, les frais d’énergie… Pour la même valeur ajoutée, le coût va donc augmenter d’environ 25 %.

Nous avons donc la responsabilité d’être en étroite collaboration et en dialogue avec nos clients afin de trouver le bon équilibre financier pour mieux rémunérer nos collaborateurs et fournir une qualité de service. Nous sommes là pour tous les types de clients, nous avons toujours cette volonté d’être présents 24h/24, mais nous sommes bien conscients que cela devient de plus en plus cher. C’est la réalité d’aujourd’hui.

À cela s’ajoute le fait qu’il est de plus en plus difficile de trouver la main d’œuvre qualifiée pour réaliser toutes les missions. Il faut conserver les services de sécurité que nous avons et les améliorer en apportant une variante numérique, digitale. Nous pouvons par exemple effectuer une levée de doute physique, sur place, mais aussi à distance. C’est un exercice qui est en cours. Donc nous essayons de nous appuyer de plus en plus sur la technologie.

« Nous basculons doucement sur une priorité donnée à la réaction (…). Il faut donc former nos collaborateurs à cela. »
Frank Lambrigts – président de Securitas France

Frank Lambrigts - président de Securitas France (crédit Securitas France)

Aujourd’hui, il est tout à fait possible d’effectuer des missions à distance (ouverture, fermeture, contrôle d’accès…). Nous avons notre centre de télésurveillance, avec 160 000 raccordements et des services de vidéosurveillance à distance, d’accompagnement des clients à distance… En nous appuyant sur la technologie et en nous basant sur nos services de télésurveillance, nous sommes capables de proposer des solutions alternatives à nos clients pour limiter ou alléger l’impact financier.

Pour être efficace, il faut cependant partir de la gestion du risque. En faisant une évaluation régulière des risques et des besoins du client, nous arrivons à trouver des solutions d’un niveau de sécurité comparable voire supérieur, et plus avantageuses pour lui. Dans notre métier nous sommes beaucoup sur la prévention puis la réaction. Nous basculons doucement sur une priorité donnée à la réaction. Une présence préventive sera de plus en plus remplacée par une réactivité. Il faut donc former nos collaborateurs à cela.

Le fait de vouloir se tourner davantage vers la technologie, tout en conservant les effectifs humains, relève-t-il d’une volonté de Securitas France ou une demande de vos clients ?

F.L. C’est un peu des deux. Nous poussons dans cette direction en raison de la pénurie d’agents de sécurité sur le marché du travail, tout en voulant que la valeur ajoutée reste identique. On constate aussi que le besoin de technologie commence doucement à émerger chez nos clients. Nous avons quelques exemples, mais pas encore en France, où c’est le directeur des systèmes d’information (DSI) qui prend la responsabilité sur la sécurité parce que les services de sécurité, qui s’appuient sur l’informatique et les télécoms (la connectivité, les réseaux, l’hébergement des données…), deviennent numériques. Nous essayons donc de suivre cette évolution que nous constatons chez certains de nos clients.

Concernant ce virage numérique, de nouvelles technologies vont-elles être déployées par Securitas France ?

F.L. Il faut d’abord dire qu’il n’y a pas de réduction de moyens humains avec ce virage numérique. Nous vivons dans un monde où nous devons nous sécuriser de plus en plus. Donc nous ne prévoyons pas une diminution de notre activité de surveillance humaine. Cela sera évolutif. Nous partons du postulat que le chiffre d’affaires du secteur et de Securitas ne va pas cesser d’augmenter. Ce qu’il va se passer, c’est que le mix de services par clients va doucement changer pour un mix entre l’humain et la technologie, qui est là pour aider l’agent à être plus efficace. Je pense par exemple à MySecuritas, qui est un outil pour nos clients dans lequel tout est intégré.

« Nous commençons à être prédictifs car nous savons (…) à quels moments le risque est plus élevé dans une zone. »
Frank Lambrigts – président de Securitas France

Frank Lambrigts - président de Securitas France (crédit Securitas France)

Nous avons aussi déployé une plateforme européenne de management des risques, en étroite collaboration avec les clients qui le souhaitent, pour suivre tout ce qu’il se passe sur leur site, dans la rue ou dans une zone dans laquelle se situe le site. En cas de manifestation dans la rue où un client à ses locaux, nous serons très rapidement au courant et nous pourrons apporter des modifications sur le dispositif de sécurité.

Nous avons beaucoup d’informations venant de nos plateformes et de nos applications mobiles. En Suède, nous arrivons à combiner nos statistiques avec les données de la police. Nous commençons à être prédictifs car nous savons, en nous appuyant sur un historique de données, à quels moments le risque est plus élevé dans une zone car il y a plus d’alarmes, plus de vols, plus de crimes… Nous sommes en train d’incorporer tout cela dans notre vie quotidienne. C’est une variante numérique que nous sommes en train d’introduire dans notre proposition de valeurs.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur MySecuritas ?

F.L. C’est une plateforme mondiale qui a été lancée en 2023 en France. Elle intègre non seulement le rapport des activités, mais aussi des données qui permettent de prendre des décisions managériales. Elle continue de s’enrichir avec l’intégration de données d’informations d’autres logiciels.

Pour l’instant ce sont des clients internationaux qui en disposent, et c’est en cours de déploiement pour nos clients en France et nos nouveaux clients. C’est novateur car, pour un client qui a plusieurs sites, il peut voir l’activité d’un seul site (en cas d’incident) et agréger les données de tous ses autres sites. C’est fait de manière intuitive.

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Eitel Mabouong – Journaliste

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