Chantiers sous haute protection

15 novembre 20218 min

Sécurisation de la zone, filtrage des accès, sectorisation, mise en sécurité des biens…, les grands principes de sûreté s’appliquent sur les chantiers. Après analyse de risques et selon la taille du chantier, l’avancement des travaux et les moyens financiers alloués, les mesures à mettre en place ne seront pas les mêmes. Tour d’horizon des bonnes pratiques.

Ceci est une légende Alt

L’un des principes de base en sûreté est de dissuader les malfaiteurs de passer à l’acte. Et pour ce faire, il faut clairement marquer le territoire du chantier dans lequel se trouve les cibles potentielles (matériaux, outillages, engins, hommes, image…). Le premier élément à prendre en compte est donc la sécurisation de la zone de travaux avec clôture et affichage dissuasif.

Délimiter clairement le chantier

« Il existe une réelle problématique sur la qualité des clôtures, remarque Laurent Santucci, consultant expert du pôle Sûreté-Malveillance de CNPP. Sur les chantiers, les clôtures doivent le plus souvent être mobiles pour s’adapter à l’évolution des travaux. Cette mobilité fait qu’on choisit souvent par facilité les traditionnelles barrières Heras, des panneaux de 2,20 m de hauteur, enclenchés sur des plots bétons, qui certes délimitent la frontière mais n’ont aucune efficacité dans la prévention des intrusions. »

La bonne qualité et l’efficacité des clôtures sera pourtant un élément déterminant pour protéger le chantier contre l’intrusion. L’éclairage la nuit, entre la fin et la prise de chantier, est lui aussi primordial dans la dissuasion. Il peut être permanent ou déclenché sur détection de mouvement.

Inspecter et filtrer les accès

Sécuriser les accès en heures ouvrées est l’un des points les plus problématiques sur les chantiers, plusieurs entreprises intervenant le plus souvent en même temps. Il faut filtrer les personnes qui entrent et sortent du chantier, tout comme les véhicules qui pourraient repartir avec des matériaux, de l’outillage… Selon la taille du chantier, les moyens vont différer, allant du simple registre d’entrée et sortie avec émargement sur les petits chantiers, au contrôle humain assisté par un contrôle d’accès avec badges de proximité et sas unipersonnel sur les chantiers de plus grande envergure.

« Nous retrouverons ce même traitement pour la zone abritant les préfabriqués (zone vie, bureaux…) pouvant se situer à proximité du chantier mais distinct de celui-ci », relève Frédéric Vu, responsable du pôle Sûreté-Malveillance à CNPP.

Sur les gros chantiers, Laurent Santucci recommande la mise en place, a minima, d’un gardiennage avec enregistrement des personnes habilitées à entrer sur le chantier et le filtrage des entrées et sorties des personnes et véhicules.

« Pour les chantiers de taille moyenne, s’il n’y a pas de gardiennage, il est de bon usage de mettre en place une procédure de contrôle d’accès, alliée à des rondes de sûreté aléatoires et continues, où l’on pointe les gens en ouverture et fermeture de chantier, ajoute-t-il. Ça peut être simplement des registres d’entrée/sortie signés et la distribution de contremarques papier pour les véhicules sur toute la phase de chantier, avec une subtilité pour éviter la falsification : changer de couleur toutes les semaines. C’est plutôt efficace en termes de prévention. »

Surveiller le chantier

La surveillance en heures non ouvrées est l’autre point sensible sur les chantiers. Elle peut être assurée par des moyens humains, présents en permanence ou à certaines périodes (nuit, week-end, phase sensible du chantier), ou par de la détection d’intrusion ou de la vidéosurveillance.

« Les gros chantiers font le plus souvent appel à une prestation de sécurité privée. Pour les chantiers sur les sites déjà existants, comme un agrandissement, c’est souvent le PC sécurité du site existant qui surveille le chantier hors heures ouvrées, explique Frédéric Vu. Mais beaucoup de chantiers n’ont pas d’agent de sécurité privée sur place, car ce n’est pas anodin en termes de coûts. Les solutions sont alors plutôt d’ordre technique, avec de la détection d’intrusion et une levée de doute à distance via un télésurveilleur par exemple. »

Vidéosurveillance pour sécuriser les chantiers. Photo Bluedesign/AdobeStock

La vidéosurveillance peut être pertinente quand les bâtiments commencent à sortir de terre et qu’il y a de plus en plus de matériels sur le chantier.

En ce qui concerne la vidéosurveillance, « elle peut être pertinente quand les bâtiments commencent à sortir de terre et qu’il y a de plus en plus de matériels sur le chantier, précise Laurent Santucci. Attention, il faut que le dispositif soit cohérent et surveille l’enceinte du chantier avec des points bien définis et des solutions mobiles. Il existe par exemple des caméras sur blocs qui fonctionnent à l’énergie solaire et qu’on peut déplacer en fonction de la vie du chantier. » Il faut également garder à l’esprit que les conditions d’exploitation (poussières, vent, risque de casse élevé…) demandent beaucoup de rigueur en ce qui concerne la maintenance.

Bien définir les prestations de sécurité privée attendues

L’inspection des véhicules et des personnels, le filtrage des accès ou la surveillance du site nécessitent une expérience de l’agent et une certaine posture qui sera différente de celle d’un agent de sécurité en grande surface par exemple.

« Il est primordial de bien réfléchir au profil recherché et à la bonne adéquation du nombre d’agents pour le chantier. Il pourra par exemple être pertinent de faire tourner les agents dans les missions et les postes (par exemple un agent en journée pendant une semaine, la nuit la semaine suivante) pour éviter la routine et les collusions au fil du temps, souligne Laurent Santucci. Il faut aussi prévoir les moyens adéquats pour que l’agent travaille en toute sécurité, et éviter, par exemple, les passages de complaisance ou des intrusions dans le dos de l’agent. »

Concernant le choix de certains de faire appel à un agent cynophile, il ajoute : « Avec parcimonie, sur des surfaces étendues, et plutôt la nuit quand il n’y a pas de travailleurs sur le chantier. »

Protéger le matériel et les matières premières du chantier

Puisque tout se vole sur un chantier, la sécurisation des matériels et engins de chantier est un réel sujet. Les engins sont non seulement une cible en tant que telle ou pour leurs pièces détachées, mais ils peuvent aussi être un moyen d’action pour se servir sur place, ou faire des dégradations sur le chantier ou ailleurs. L’exemple le plus connu est la pelleteuse volée sur le chantier voisin pour aller casser un DAB.

Si, la plupart du temps, les machines en location sont équipées de système de géotracking et possèdent des dispositifs anti-démarrage, des pratiques simples utilisées sur les petits chantiers ont fait leur preuve pour gêner la progression des malfaiteurs. Comme, par exemple :

  • sécuriser les clés dans des armoires sécurisées ad hoc ;
  • laisser les verrous d’attelage sur les remorques pour éviter d’emmener la benne ;
  • enchaîner les brouettes ou tout autre matériel qui permettrait de transporter des marchandises et gagner du temps ;
  • positionner les matériels et engins de façon à rendre difficile leur enlèvement, par exemple en imbriquant plusieurs matériels les uns dans les autres;
  • camoufler les marchandises sous la pelle d’une pelleteuse ;
  • entreposer le matériel en haut d’une grue ;
  • diviser les quantités de stocks de matériaux de construction (bois, ciment, sable, câbles…).

L’une des bonnes pratiques à mettre en place est d’organiser les livraisons de marchandises pour éviter d’approvisionner les chantiers trop longtemps à l’avance et les veilles de fête et de week-end. Ici, vue de l’emprise extérieure du chantier de la gare de Villejuif Institut G. Roussy, dans le cadre des travaux du Grand Paris Express.

Sécuriser les chantiers. Ici la gare de Villejuif Institut G. Roussy, dans le cadre des travaux du Grand Paris Express. Photo David Delaporte/Société du Grand Paris

L’outillage électroportatif, cible des malfaiteurs

Les matériels et outillages électroportatifs avec batterie, très prisés des malfaiteurs internes ou externes, peuvent par ailleurs être sécurisés dans des caissons, containers, armoires ou coffres-forts. Sur les grands chantiers, chaque entreprise dispose le plus souvent de son container. « Une bonne pratique est de déléguer la sécurisation des matériels et containers à chaque entreprise, pour créer une chaîne de sûreté », souligne Laurent Santucci.

Le marquage des outils, via des étiquettes infalsifiables ou le marquage par gravure laser est également une solution. La sécurisation des vestiaires et des EPI est également indispensable, le vol d’un uniforme permettant d’entrer ensuite très facilement sur le chantier.

Prendre en compte la vie du chantier

Chaque phase du chantier ne présente pas les mêmes risques. « Dès qu’on commence à bâtir des murs, avec le passage de câbles, il faut augmenter le niveau de sûreté, et ce jusqu’à la livraison finale », analyse Frédéric Vu. Quand tout est installé, c’est le bâtiment qu’il faut sécuriser (murs, volumétrie, parc informatique), le temps que les occupants arrivent.

Un dépoussiérage peut être nécessaire avant l’installation d’entités sensibles : il s’agit par exemple de vérifier qu’aucun micro n’a été posé pendant la phase chantier, de contrôler l’intégrité des protections mécaniques, que personne ne s’est connecté au réseau… « Des faiblesses peuvent être introduites en vue d’une intrusion ultérieure », prévient-il.


Article extrait du n° 576 de Face au Risque : « Sûreté des chantiers » (octobre 2021).

Gaëlle Carcaly – Journaliste

Les plus lus…

Inscrivez-vous
à notre
newsletter

Recevez toutes les actualités et informations sûreté, incendie et sécurité toutes les semaines.