Incendie. Un autre Grenfell évité de justesse à Londres ?
Le 7 mai dernier, un incendie a touché un immeuble de grande hauteur dans l’est de Londres, mobilisant un nombre important de pompiers. Le revêtement extérieur était identique à celui équipant la tristement célèbre tour Grenfell.
Le vendredi 7 mai 2021, l’alerte a été transmise aux forces d’intervention à 8h55 : un immeuble de 19 étages, situé dans le quartier Poplar de l’est de Londres, est en feu.
En quelques minutes, 125 pompiers et 20 engins sont déployés sur place, dont un camion équipé d’une grande échelle. Certaines parties des 8e, 9e et 10e étages sont ravagées par les flammes.
Un bardage de « type Grenfell »
Sur la façade de la tour, la présence d’un revêtement extérieur de type ACM-PE, des panneaux en matériau composite aluminium intégrant du polyéthylène, fait craindre un risque de propagation rapide de l’incendie.
C’est en effet ce type bardage aux propriétés combustibles, posé dans le cadre d’une rénovation thermique, qui équipait la tour Grenfell. Un immeuble de logements sociaux de 24 étages situé à l’ouest de Londres, théâtre du pire incendie survenu en temps de paix en Europe. Dans la nuit du 14 juin 2017, un simple feu de réfrigérateur au sein d’un studio situé au 4e étage de la tour Grenfell s’était propagé au revêtement extérieur, embrasant avec une rapidité foudroyante les façades de la tour, avant de rentrer à l’intérieur des appartements. La catastrophe avait provoqué 72 morts, tandis que l’enquête a pointé un nombre de défaillances à tous les niveaux : de la chaîne de commandement des pompiers aux gestionnaires de l’immeuble, en passant par le fabricant des panneaux de bardage.
Des blessés légers, un feu rapidement maîtrisé
L’incendie de la tour du quartier de Poplar est maîtrisé à 11h32, mais les pompiers resteront sur les lieux toute l’après-midi, rapporte la London Fire Brigade. Selon la BBC, environ 20 % de la façade, revêtue de panneaux ACM-PE, a été touchée. Un appartement a été entièrement détruit, deux autres endommagés. La cause de l’incendie n’a pas été identifiée, une enquête est en cours.
Quarante-deux personnes ont dû être évacuées de l’immeuble durant l’incendie. La London Fire Brigade indique cependant que « les pompiers portant un appareil respiratoire ont effectué plusieurs sauvetages. Deux hommes ont été emmenés à l’hôpital souffrant d’inhalation de fumée. 38 autres adultes et quatre enfants ont été traités sur les lieux par les équipes du London Ambulance Service pour choc et inhalation de fumée ».
Peu de précisions ont filtré sur la disposition des lieux et les dispositifs d’alarme et d’évacuation. La BBC cite les plaintes de certains habitants : « certains ont déploré de ne pas avoir été alertés de l’incendie par les patrouilles de sécurité (…) qui ont été mises en place dans le bloc d’immeubles ». Une résidente affirme : « il n’y a pas de système d’alarme central. Ce sont les agents de surveillance qui, au moyen de petites cornes, donnent l’alarme depuis le rez-de-chaussée. Les gens ne l’entendent tout simplement pas ».
Le site Mylondon.news rapporte que le déclenchement d’une fausse alarme incendie a provoqué une panique au sein de l’immeuble le samedi 8 mai, soit le lendemain de l’événement.
Quatre ans après, le traumatisme ressurgit
Après le terrible drame de 2017, les autorités britanniques avaient recensé officiellement 600 immeubles londoniens revêtus d’un bardage identique à celui de la tour Grenfell. Un programme de démantèlement des revêtements dangereux avait alors été initié sur le territoire national, avec une première enveloppe de 600 millions de livres débloquée. Un budget augmenté plus récemment d’une rallonge de 1 milliard de livres, lors d’une annonce faite par Boris Johnson en mars 2020.
Ironie du sort, le retrait du bardage extérieur avait été commencé sur l’immeuble incendié de Poplar depuis deux semaines. Alors qu’il était réclamé par les résidents depuis des mois. Ballymore, le gestionnaire de l’immeuble, a assuré que les travaux reprendraient dès que possible, tout en affirmant selon la BBC, que le revêtement « n’avait pas brûlé et n’avait joué aucun rôle dans la cause ou la facilitation de l’incendie du 7 mai ».
Une information qui peut paraître quelque peu péremptoire et n’incitant pas à rétablir la confiance parmi les habitants. Après tout, suite à la catastrophe de juin 2017, les autorités britanniques n’ont-elles pas interdit tout matériau combustible en façade sur tout immeuble de plus de 18 mètres de hauteur ?
Cependant, dans notre dossier du numéro 561 d’avril 2020 consacré aux incendies de façade (disponible ici), une reconstitution et une modélisation du développement de l’incendie de la tour Grenfell par le laboratoire Efectis avait montré que ce n’était pas tant le revêtement extérieur qui avait été la cause déterminante de la catastrophe, que les défaillances des fenêtres, de leur montage et des éléments qui les composaient. L’insuffisante résistance au feu des fenêtres et leur mauvaise intégration dans le bâti avaient favorisé la propagation externe des flammes, dans un premier temps, puis leur propagation interne une fois que le bardage était suffisamment enflammé.
D’autre part, plusieurs incendies de façade sur des édifices de grande taille, intervenus notamment à Dubaï, le prouvent : la propagation externe des flammes peut être à la fois rapide et massive dans le revêtement extérieur, sans entraîner nécessairement une propagation généralisée à l’intérieur du gratte-ciel.
Il n’empêche : alors que l’Angleterre s’apprête à revivre le quatrième anniversaire de la catastrophe de Grenfell, le traumatisme est toujours vif parmi la population.
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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