Les entreprises françaises appelées à renforcer leur sécurité
Mardi 18 décembre 2018, le Club des directeurs de sécurité et de sûreté des entreprises (CDSE) a réuni près de 700 professionnels français et européens de la sécurité et de la sûreté au siège de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). L’occasion de faire un point sur la profession et ses rapports, de plus en plus étroits, avec les pouvoirs publics.
Pour la deuxième année consécutive, un ministre de l’Intérieur était présent. Preuve de l’importance à la fois du secteur et du rendez-vous. Créé il y a plus de 30 ans, le CDSE (Club des directeurs de la sécurité et de la sûreté) rassemble près de 110 entreprises et institutions publiques françaises et européennes. Elles y sont représentées par leur directeur sécurité et/ou sûreté.
La crise des Gilets jaunes
Dans son allocution d’ouverture, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a salué la nouvelle dynamique de l’écosystème de la sécurité en soulignant que l’État comme les entreprises font face aux mêmes menaces et enjeux. En pleine crise des Gilets jaunes, alors que le terrorisme, après une période d’accalmie relative, a de nouveau frappé au marché de noël de Strasbourg et que la grogne monte dans les rangs des policiers (le soir-même le ministre négociait une prime exceptionnelle de 300 € pour les policiers mobilisés lors des manifestations des Gilets jaunes), on comprend que les intérêts avec le privé sont multiples.
Bien évidemment, il y a le renfort et l’assistance que le ministère peut espérer obtenir de la part des agents. Dont certains, comme le rappelle le ministre dans son discours, sont issus de la Fonction publique. L’armement des agents n’est plus tabou, comme beaucoup de missions, à l’image des gardes postés à l’entrée d’édifices publics ou la cynéo-détection, sont transférés au secteur privé. Ensuite, il y a aussi parallèlement, le développement d’une profession, longtemps connue pour ses dérapages et qui fut régulée à coup de loi punitive. On se souvient que l’assassinat d’un SDF au Forum des Halles par des agents de sécurité avait été le prélude à la loi de 1983.
Mais les temps ont beaucoup changé. L’apparition du terrorisme, mais aussi l’usage des réseaux sociaux, ont modifié la perception que le grand public avait de sa sécurité… Et des limites de la vie privée. L’installation massive de caméras de surveillance n’effraie plus grand monde. Ainsi privé et public imaginent un nouveau couple humain / technologie de nature à augmenter le sentiment de sécurité.
L’écosystème de la sécurité
Du côté du privé, l’émergence d’une industrie de la sécurité est une bonne nouvelle. Le travail accompli par le Cnaps a permis d’assainir la profession. Même si une guerre des prix sévit toujours. L’annonce de la fusion prochaine des deux syndicats, le Snes et l’USP, est un autre signe de la dynamique en cours.
Pour les entreprises qui utilisent la sécurité, soit en interne, soit en externe, l’enjeu est différent. Antoine Frérot, président-directeur général de Veolia et président de l’Institut de l’Entreprise, et Frédéric Oudéa, directeur général de la Société Générale, ont démontré que la dimension sécurité est désormais intégrée dans tous les projets. À chaque étape de la chaîne de valeurs. La sécurité est aujourd’hui un investissement à la rentabilité avérée… Et un avantage concurrentiel.
Au service des salariés, clients, fournisseurs, produits et réseaux, l’écosystème de la sécurité est aussi un facteur de confiance entre les entreprises et leurs parties prenantes.
Une confiance absolue
Pour Antoine Frérot, le responsable sécurité doit être une personne dans laquelle le dirigeant doit avoir une confiance absolue. “Il n’est pas nécessaire d’avoir des rendez-vous réguliers avec lui”.
Jean-Louis Fiamenghi, ancien patron du Raid et du service de protection des hautes personnalités, est le directeur sécurité du groupe Veolia. Et quand il s’est agi de le recruter, ce n’est pas tant les compétences qui comptent : “il y a plein de gens compétents”, selon le patron de Véolia, que la personnalité et le charisme. “Il faut que son style corresponde bien au style de la maison. Qu’il soit en phase avec la culture de l’entreprise, a-t-il résumé. Qu’il puisse rassurer aussi bien en interne les collaborateurs qu’à l’extérieur.”
Pour Frédéric Oudéa, sécurité et intelligence vont de pair et doivent absolument être réunies au regard des nouveaux enjeux et des tensions fortes qui existent. “Il est nécessaire de pouvoir anticiper sur les risques”, a-t-il plaidé.
Le spectre de l’espionnage
L’ingérence étrangère est un risque redouté et cité par le ministre qui, pour l’occasion, était accompagné de Laurent Nuñez, ancien directeur de la DGSI, la Direction générale de la sécurité intérieure, et secrétaire d’État depuis octobre 2018. L’importance de la thématique n’est plus à démontrer. Son successeur à la tête de la DGSI, Nicolas Lerner, participait d’ailleurs à l’une des tables-rondes. Dans la guerre économique, aucun ennemi n’est désigné. Il y a bien les “Usual suspects”… La Chine, notamment. Mais “des alliés ou traditionnels alliés” peuvent aussi se livrer à des compromissions économiques. On pense aux États-Unis dont l’activité dans le domaine reste une constante.
Pour lutter contre ces risques, les entreprises françaises et leurs salariés peuvent compter sur les conseils de la DGSI. Son directeur général rappelait que ses services organisaient 11 000 conférences sur ces sujets par an. Beaucoup d’entreprises sont des proies. Particulièrement les PME et les ETI qui ne disposent pas toujours des compétences en interne ou d’un service dédié.
Le CDSE aux côtés des acteurs de la sécurité-sûreté
Avec des entreprises adhérentes comptant plus de cinq millions de salariés et pour 1 500 milliards d’euros dans le produit national brut, le CDSE prend toute sa part pour consolider l’écosystème de la sécurité au service des intérêts économiques de la France, en coproduction avec les femmes et les hommes des services de l’État salués par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, et Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics. Les deux ministres, qui étaient annoncés au programme – une première, s’exprimaient dans une vidéo enregistrée pour cause d’agendas surchargés.
Stéphane Volant, président du CDSE, a souligné le rôle moteur joué ces derniers mois dans la coopération entre l’État, les entreprises et les professionnels de sécurité privée sur des sujets comme la limitation de la sous-traitance, la mise en place d’un mécanisme de caution financière, et la transformation de la prestation de sécurité privée, non plus achetée sur la seule base du prix le plus bas mais plutôt sur la qualité du service rendu.
Partenaire du Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN), le CDSE anime un Cercle de confiance qui permettra d’habiliter prochainement au secret de la Défense nationale tous les directeurs de la sécurité des grandes entreprises françaises qui en feraient la demande, au même titre que les opérateurs d’importance vitale. À la demande du ministère de l’Intérieur et de Marc Darmon, président du comité stratégique de la filière « Industries de sécurité » créée en novembre 2018, le CDSE a intégré son comité de pilotage pour y porter les attentes des utilisateurs et des acheteurs des produits et solutions de sécurité.
Toutes les organisations concernées
Dans son premier panorama de la filière des métiers Sécurité-Sûreté Corporate présenté aux professionnels ce jour-là, le CDSE montre que les enjeux de sécurité et de sûreté doivent être pleinement intégrés à la stratégie des entreprises. Dans le même temps, cette filière doit se consolider pour affronter des défis de plus en plus complexes. La diversification des menaces et des risques accentue le besoin de spécialisation et d’expertise des métiers de la filière.
Au sein des organisations, les professionnels de la sécurité-sûreté doivent bien être reconnus comme porteurs d’une stratégie. Au même titre que les autres cadres dirigeants. Au-delà des enjeux humains, économiques et financiers vitaux pour la performance durable des entreprises, Nicole Notat, présidente de Vigeo Eiris, a ainsi souligné que la sécurité s’impose désormais aussi comme un élément central de la responsabilité sociale (RSE)… Jusqu’à en devenir un avantage concurrentiel.
David Kapp – Journaliste
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