Incendie. Interview Robin des Bois : panorama de la France qui crame
En septembre 2021, l’association Robin des Bois a publié un rapport : « les incendies à la loupe ». Ce document massif, sous-titré « panorama de la France qui crame », étudie la recrudescence des feux affectant les activités industrielles, commerciales et agricoles. Fondée en 1985, Robin des Bois a pour but la protection de l’humanité et de l’environnement. L’association fait partie du Conseil supérieur pour la prévention des risques technologiques (CSPRT). Jacky Bonnemains, cofondateur et directeur de Robin des Bois, nous explique les principaux enseignements de ce rapport qui sonne aujourd’hui comme une alerte.
L’étude que vous avez entreprise a commencé en mai 2019, soit 6 mois avant l’incendie de Rouen du 26 septembre. Quel est son point départ ?
Jacky Bonnemains. Depuis 2017-2018, nous avons observé une recrudescence des incendies. Ceux-ci touchaient surtout les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), mais aussi les entrepôts, les établissements agricoles et certaines activités commerciales comme les super et hypermarchés, et entreprises de grand commerce spécialisé.
A partir de mai 2019, nous avons effectué une veille, via la presse locale et notre réseau, visant à répertorier les incendies représentant un danger, sans viser l’exhaustivité. Sur la période de mai-2019 à décembre 2020, nous avons retenu 238 incendies sur 253 identifiés, sur la base des panaches de fumées, de la mobilisation des SDIS, des polluants susceptibles d’être émis en fonction des activités sinistrées et à partir des communiqués des préfectures et de la presse locale.
« Nous nous sommes aperçus que les incendie de Lubrizol de 2019 ou de Beyrouth en 2020 n’avaient pas incité les exploitants à prendre des contre-mesures pour lutter contre les risques d’incendie ».
Comment s’est faite la collecte de ces éléments d’information ?
J. B. Nous avons écrit aux préfectures, aux services de l’Etat et aux mairies pour observer comment ils avaient réagi à ces incendies, 511 courriers ont été envoyé en tout en comptant les relances.
Nous leur avons demandé les rapports d’incident-accident que les exploitants doivent transmettre dans des délais assez brefs aux préfectures et aux Dreal, ainsi que les arrêtés de mesures d’urgence pris après les incendies et les arrêtés complémentaires demandant aux exploitants de prendre des mesures pour réduire les risques d’incendie.
A part trois préfectures, toutes nous ont répondu. Par contre, sauf exceptions, les maires sont restés silencieux. Ces différents éléments figurent dans le rapport.
Quels sont les enseignements principaux à retenir ?
J. B. Les industries, le commerce et les entrepôts représentent 41 % des incendies. Viennent ensuite, le secteur des déchets (24%), le secteur agricole (22%) et les garages et casses (14%). Les réponses des préfets nous indiquent que plusieurs ICPE soumises à déclaration auraient dû être surclassées et être soumises à autorisation. A propos des activités illicites dans certains entrepôts en région parisienne, la préfecture de Seine-Saint-Denis nous a confié être inquiète de la situation.
Après avoir arrêté notre campagne de courriers aux autorités fin 2020, nous avons maintenu notre veille. Nous nous sommes aperçus que les incendie de Lubrizol de 2019 ou de Beyrouth en 2020 n’avaient pas incité les exploitants à prendre des contre-mesures pour lutter contre les risques d’incendie. Car la vague d’incendie ne faiblit pas, il y a eu beaucoup plus d’incendies en 2021 qu’en 2020 : 628 sur les 10 premiers mois.
« Nous avons voulu aider les riverains (…) et les maires, à obtenir plus d’informations des représentants de l’Etat en leur présentant une sorte de modus operandi ».
A part l’objectif d’alerte, quelles sont les suites attendues de ce rapport ?
J. B. Nous avons voulu aider les riverains d’entreprises qui présentent des risques incendie et les maires, à obtenir plus d’informations des représentants de l’Etat en leur présentant une sorte de modus operandi. Nous avons montré qu’avec des courriers et des mails cohérents et précis et en s’armant d’un peu de patience, on est capable d’obtenir de la part des services publics des réponses intéressantes.
Certaines préfectures avec l’aide des ARS régionales ont pris des initiatives originales, comme dans l’Orne, la conduite d’analyses et de prélèvements de dioxines dans un rayon de 2 km autour d’un gros incendie d’une fromagerie industrielle. Ce qui est applicable dans l’Orne peut être reproduit dans d’autres préfectures.
Article extrait du n° 578 de Face au Risque : « L’univers des risques en 2021-2022 » (décembre 2021 – janvier 2022).
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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