Détecteurs de fumée dans les logements : dix ans après l’obligation, le besoin d’un nouvel élan
Entrée en vigueur en 2015, la loi « Morange » a imposé la présence de détecteurs avertisseurs autonomes de fumée (Daaf) en habitation individuelle ou collective. Sous l’impulsion de la FFMI, un premier bilan positif de cette obligation a été présenté courant juin 2025.
En France, le 8 mars 2015 a marqué l’irruption de la sécurité incendie dans la sphère domestique, avec l’entrée en vigueur du texte rendant obligatoire la présence d’au moins un détecteur avertisseur autonome de fumée (Daaf) dans chaque logement. L’occasion de rappeler que 80 % des décès causés par l’incendie le sont du fait des fumées, et que les 30 % des départs de feux observés la nuit en habitation sont à l’origine de 70 % des victimes recensées.
En 2025, un peu plus de dix ans après la date fondatrice, le temps est venu d’évaluer l’efficacité de la loi « Daaf ». Une réflexion d’autant plus nécessaire qu’une grande partie des Daaf installés dans les habitations sont arrivés au terme de leur durée de vie, ou ne sont pas fonctionnels.
30 % des départs de feux observés la nuit en habitation sont à l’origine de 70 % des victimes recensées.
Incendies en habitation : un drame silencieux
Au début des années 2000, les incendies en habitation représentent un drame quotidien dans l’Hexagone : près de 100 000 événements et 800 morts par an. En regard de la réalité de ces chiffres, la prise de conscience du risque par les occupants reste insignifiante : la France fait en effet figure de retardataire avec un taux d’équipement en Daaf anecdotique en 2010 (présents dans à peine 2 % des logements selon Le Monde), au moment du vote de la loi portée par les députés Morange et Meslot.
Pourtant, sur le modèle des mesures anti-incendie instituées depuis longue date en ERP, notamment dans les locaux à sommeil, on sait que la détection précoce des fumées en cas d’incendie est primordiale pour la sécurité des occupants. En comparaison, la Norvège, le Canada, les États-Unis ou le Royaume- Uni, qui ont tous rendu obligatoire les Daaf dans les logements, font figure de précurseurs en affichant un taux d’équipement qui dépasse les 90 % à la même époque.
10 ans après l’obligation des détecteurs de fumée, un bilan positif
À l’occasion du 10e anniversaire de la loi « Daaf », la FFMI a souhaité dresser un état des lieux de l’équipement des foyers français, de la perception de cette obligation et des comportements associés au moyen d’une enquête Ifop. Les résultats sont globalement positifs.
En 2015, seuls 44 % des logements étaient équipés d’un Daaf. En 2025, ce taux est de 87 %, avec une forte hausse de logements équipés de plusieurs détecteurs (37 %, contre 23 % en 2015). Le parc de logement sociaux est lui équipé à presque 100 %, précise Julien Marion, directeur général à la DGSCGC.
Côté sensibilisation, 87 % des Français déclarent connaître l’obligation liée à la loi Daaf (91 % en 2015, au plus fort du battage médiatique autour de l’entrée en application de la loi). La majorité des propriétaires (92 %) et des plus de 35 ans (92 %) la connaissent, contre 73 % des moins de 35 ans. De manière générale, l’enquête révèle que les plus âgés, les familles et les propriétaires connaissent et remplissent leurs obligations, tandis que les moins de 35 ans, les célibataires et les locataires entretiennent un rapport plus flou avec la loi.
Côté entretien, 85 % des Français dont le logement est équipé déclarent vérifier le fonctionnement de leur détecteur, mais seulement 39 % le font au moins une fois tous les six mois. Près d’un quart (24 %) des locataires ou des jeunes de moins de 35 ans ne le vérifie jamais.
Le nombre de décès annuel dans les incendies domestiques, de l’ordre de 600 à 800 par an avant 2015, est passé à 321 en 2024.
4 000 vies sauvées par les détecteurs de fumée
Plusieurs études et témoignages permettent de confirmer factuellement ou objectivement l’efficacité de l’installation de Daaf dans les logements. C’est ainsi qu’une étude basée sur des témoignages retranscrits dans la presse permet d’affirmer qu’environ 200 à 250 personnes par an déclarent avoir été alertées du déclenchement d’un incendie chez elles grâce au déclenchement de leur Daaf.
Avec actuellement 60 000 à 70 000 incendies par an en habitation en France, la fréquence des sinistres est à la baisse : faut-il y voir une influence de la sensibilisation du grand public au risque incendie, grâce à la loi Daaf ? C’est peut-être un peu présomptueux, mais une dynamique positive est à l’œuvre. Car le nombre de décès annuel dans les incendies domestiques, de l’ordre de 600 à 800 par an avant 2015, est passé à 321 en 2024 (125 en logement collectif et 196 en logement individuel).
Une valeur haute puisque la moyenne se situe dorénavant dans une fourchette de 200 à 250 morts annuels. Une tendance à la baisse de 50 % à 60 % de la mortalité, qui a d’ailleurs été observée dans tous les pays ayant imposé un Daaf dans les logements. Ce qui fait dire aux experts qu’au moins 4 000 vies auraient été sauvées en France grâce à la loi de 2015.
Une date anniversaire, des zones de fragilité
Comme l’affirme Régis Cousin, le président de la FFMI, « cette date anniversaire de la loi Daaf est aussi une date pivot ». Il va être nécessaire de prolonger l’effet de cette loi, « car le risque incendie est toujours très prégnant en habitation, notamment avec les batteries lithium stockées dans les logements ». D’autre part, si le taux d’équipement des foyers français est très satisfaisant, le taux d’appareils « en état de fonctionnement est perfectible ».
Beaucoup d’équipements sont toujours sous blister ou ont été démontés, ne sont pas entretenus (pile défectueuse, poussière…) ou sont arrivés à la fin de leur durée de vie (généralement donnée pour 10 ans). Au cours de leurs interventions, les sapeurs-pompiers du Sdis 78 ont ainsi relevé qu’un logement sur deux n’était pas équipé d’un détecteur fonctionnel.
L’implantation des Daaf, en termes de nombre d’appareils selon la surface du logement, le nombre d’étages, les matières stockées et la fonctionnalité des pièces (chambres, circulation…), est tout aussi à parfaire. En Allemagne, un Daaf est ainsi quasiment requis dans toutes les pièces. Enfin, la question de la responsabilité de la prise en charge et de l’entretien de l’équipement reste à préciser pour les logements en location : les textes sont suffisamment imprécis pour entretenir le flou sur ce qui incombe aux propriétaires et aux locataires.
Des pistes pour améliorer l’efficacité de l’obligation
À l’heure du renouvellement des Daaf dans les logements, le sujet de la qualité de l’équipement acquis mérite d’être posé. Si la France a créé une certification NF 292 via Afnor, qui garantit plus d’exigences que le simple marquage CE, beaucoup d’appareils « low-cost » ont été installés dans les foyers français.
Aujourd’hui, ils ont progressé : détection affinée grâce au double capteur (thermique et optique), autonomie augmentée, possibilité d’interconnecter plusieurs appareils entre eux et de recevoir les alertes sur un smartphone. Pour un coût toujours aussi modique (20 à 30 euros). Faut-il faire évoluer la norme NF EN 14604 pour en renforcer les exigences ? Le sujet est à l’étude.
Pour pallier le taux d’équipements non-fonctionnels, la piste d’un contrôle des appareils dans les logements est aussi évoquée. Par quel moyen ? L’intégration d’un volet « Daaf » lors du diagnostic de performance énergétique du logement (DPE) est privilégiée par les acteurs de la sécurité incendie.
Enfin, une campagne de communication visant à sensibiliser le grand public permettrait également de relancer l’action de prévention. L’Irlande mène ainsi de telles campagnes deux fois par an. Pourquoi pas le 7 novembre prochain en France, là l’occasion de la journée européenne des détecteurs de fumée ?
Article extrait du n° 609 de Face au Risque : « La santé mentale au travail » (septembre-octobre 2025).
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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