Les quatre types d’ingénierie de sécurité incendie

8 avril 20245 min

L’ingénierie de sécurité incendie (ISI) est une alternative réglementaire qui, depuis 20 ans, permet de mieux appréhender le risque incendie dans les bâtiments pour ainsi définir les mesures de prévention, de protection et de prévision nécessaires. Il s’agit de formules et d’outils scientifiques qui quantifient les phénomènes physiques du feu et ses effets en prenant en compte, autant que faire se peut, le facteur humain.

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« En pratique, l’ISI simule numériquement des situations de feux afin d’établir si les différentes dispositions d’un projet sont suffisantes pour atteindre les objectifs de sécurité fixés par la réglementation. L’ingénierie détermine in fine les dispositions nécessaires pour assurer un niveau de sécurité satisfaisant », explique Elizabeth Blanchard, directrice des opérations au Laboratoire d’ingénierie de la sécurité incendie (Lisi).

L’ISI de désenfumage

Elle a pour objet de déterminer les caractéristiques du désenfumage et s’intéresse spécifiquement aux conditions d’évacuation des personnes et d’intervention des pompiers. Sur la base de scénarios traduisant l’exploitation du bâtiment, les outils utilisés permettent une analyse avancée de l’écoulement de la fumée. Cette ingénierie s’applique à tout type de bâtiment ayant des exigences en termes de désenfumage ou de ventilation, par exemple les locaux, les escaliers, les circulations, les tunnels…

L’ingénierie du désenfumage permet ainsi de traiter le cas de grands volumes intérieurs, sur plusieurs niveaux ou de grandes hauteurs (atriums), des parkings ne respectant pas les critères des parcs de stationnement largement ventilés (PSLV), mais aussi des établissements antérieurs à 1982 (date de la première instruction technique), des locaux présentant un déficit d’évacuation de fumée ou d’amenée d’air, un cantonnement posant problème à l’exploitation…

Deux approches sont possibles :

  • l’approche absolue. Elle consiste à vérifier que les objectifs de performance sont atteints en comparant des grandeurs physiques calculées avec des critères d’acceptabilité quantitatifs (seuils de température, de rayonnement et de visibilité introduits par le guide du LCPP) ;
  • l’approche relative. Elle compare au moins deux configurations distinctes et définit laquelle est la plus performante, au regard de certains objectifs prédéfinis.

« Dans le cadre d’Essoc, on adopte une approche relative : l’étude d’ISI doit démontrer que la solution alternative a un effet équivalent à la solution réglementaire, et donc qu’elle est au moins aussi performante », affirme Nicolas Trévisan, référent technique études Feu & Désenfumage à CNPP. Cependant, il s’interroge : « Il s’avère parfois que nos études révèlent que la mise en conformité n’atteint pas un niveau de risque qui peut être jugé acceptable. Comment statuer sur la performance, quand la solution alternative atteint un niveau de sécurité équivalent à la solution réglementaire, mais qu’il subsiste tout de même un risque non négligeable ? »

« Dans le cadre d’Essoc, l’étude d’ISI doit démontrer que la solution alternative a un effet équivalent à la solution réglementaire, et donc qu’elle est au moins aussi performante. »

Nicolas Trévisan, référent technique études Feu & Désenfumage à CNPP.

L’ISI de résistance au feu

Elle permet de vérifier si les objectifs de stabilité au feu d’un bâtiment sont atteints, en prenant en compte une approche basée sur des scénarios de feux réels (stabilité pendant toute la durée de l’incendie). Cette démarche permet de définir des solutions constructives adaptées aux risques, tout en tenant compte du contexte particulier de l’ouvrage, par exemple présence de potentiels calorifiques faibles ou très localisés, de structures porteuses extérieures (coursives, balcons…), de grands volumes intérieurs ou de grandes hauteurs, pour des bâtiments d’héritage culturel ou encore des ouvrages très ventilés ou ouverts sur l’extérieur (PSLV).

L’ingénierie de résistance au feu fait appel à des méthodes de calcul avancées en termes de développement du feu, de transferts thermiques et thermomécaniques. S’il n’y a pas d’état de l’art pour la construction des scénarios, des repères dans l’Eurocode et l’ISO 16733-1 : 2015 concernent les débits calorifiques, les cinétiques de feu et les charges calorifiques à prendre en compte.

L’ISI de réaction au feu

Elle permet d’étudier la contribution des matériaux de construction (structure principale, secondaire ou revêtements) au développement d’un incendie et ses conséquences sur les objectifs de sécurité fixés. Elle se base sur une analyse du comportement des matériaux en situation réelle d’incendie et de leurs impacts sur les conditions de développement, de propagation et d’aggravation du feu.

L’ingénierie de l’évacuation

Même si elle n’est pas réglementairement reconnue dans la plupart des établissements, l’ingénierie de l’évacuation apporte de nouvelles possibilités pour aider les exploitants dans la définition de stratégies d’évacuation. En fonction de la précision requise, elle repose sur des modèles simples de déplacement, ou bien inclut les effets du feu sur les personnes. Elle peut également, si besoin, intégrer une représentation du comportement humain, ainsi que les interactions avec le mobilier urbain (escalator, ascenseur, tourniquet du métro…).

Elle permet de quantifier la durée totale minimale nécessaire à l’évacuation d’un bâtiment, de comparer différents scénarios d’évacuation et d’optimiser la stratégie de mise en sécurité du bâtiment. Elle est par exemple utilisée dans les stades dans le cadre du règlement Fifa ou pour les GEEM, les grands établissements à exploitation multiple.

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Article extrait du n° 600 de Face au Risque : « Ingénierie de sécurité incendie » (mars-avril 2024).

Gaëlle Carcaly – Journaliste

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