Employeurs, salariés et véhicules d’entreprise

22 juin 20228 min

De nombreux salariés utilisent régulièrement des voitures mises à leur disposition par leurs employeurs pour effectuer des déplacements professionnels. Mais que se passe-t-il en cas d’infractions routières, d’accidents ou si un salarié se voit suspendre son permis de conduire alors qu’il en a besoin pour travailler ? Éléments de réponses avec les experts RH de SVP Information Décisionnelle.

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Comment gérer les infractions routières commises par un salarié avec un véhicule de société ?
Qui paye les contraventions ?

En principe, le conducteur d’un véhicule est responsable pénalement des infractions commises en conduisant son véhicule.

Excès de vitesse

Dans le cas des infractions constatées par radar ou sans la présence du conducteur, l’amende est adressée au titulaire de la carte grise. L’entreprise recevra ainsi les amendes liées à des infractions commises par ses salariés avec leur véhicule de service ou de fonction.

Depuis 2017, la loi oblige l’employeur, lorsqu’il reçoit une contravention constatée par radar, à désigner le salarié conducteur aux autorités. À la suite de la déclaration de l’employeur à l’administration, l’amende sera adressée au salarié. À défaut de respecter cette obligation, l’employeur s’expose à l’amende prévue pour les contraventions de 4e classe.

Mauvais stationnement

Toutefois il reste des amendes reçues par l’entreprise qui ne sont pas visées par l’obligation de désignation du conducteur, notamment les amendes de stationnement. L’entreprise peut toujours contester l’amende en désignant le salarié responsable mais ce n’est pas une obligation. Et l’employeur peut choisir de régler l’amende lui-même à la place du salarié.

Avantage en nature

Attention : si l’entreprise prend en charge l’amende, il s’agit d’un avantage en nature. En effet la jurisprudence a considéré à plusieurs reprises que cet avantage était soumis à cotisations sociales. L’Urssaf reprend la même position sur son site internet en faisant toutefois la distinction entre deux types d’infraction :

  • les infractions résultant du mauvais fonctionnement du véhicule (absence de feux arrière, etc.) relèvent du titulaire de la carte grise. La responsabilité du paiement de ces infractions incombe par conséquent à l’employeur et le remboursement au salarié est qualifié de frais non soumis à cotisations sociales ;
  • les autres infractions (stationnement, vitesse, etc.) sont des avantages versés en contrepartie ou à l’occasion du travail, ils sont donc soumis à cotisations sociales.


Quel est l’impact de la suspension ou du retrait du permis de conduire pour le salarié qui en a besoin pour travailler ?

La suspension ou le retrait du permis de conduire d’un salarié peut désorganiser une entreprise. Notamment lorsque le salarié doit utiliser un véhicule dans le cadre de ses fonctions (ex : cariste, chauffeur-livreur…).

Des mesures à envisager

Dans ce cas, l’employeur doit vérifier si le salarié peut continuer à exercer sa prestation de travail. Et ce, même en l’absence de permis de conduire (salarié proposant d’être véhiculé par un tiers pour se rendre sur les lieux de travail ou de louer une voiture sans permis etc.).

Si l’employeur y est favorable – et dans la mesure du possible –, des mesures peuvent être mises en place par l’entreprise : réorganisation du temps de travail, mise en place de travail en binôme… Ainsi, l’employeur doit en premier lieu, tenter de s’organiser autrement. Par exemple : télétravail, affectation du salarié sur un poste sédentaire, etc.

Néanmoins, lorsque la conduite est intrinsèque aux fonctions salariées, des solutions transitoires sont parfois difficiles à mettre en œuvre. On pourra toutefois proposer au salarié de prendre des congés payés, des RTT, de solder son compte épargne-temps ou enfin une suspension du contrat de travail non rémunérée correspondant à la durée de la suspension ou du retrait.

Le licenciement

Si la durée du retrait est trop importante ou lorsqu’aucune solution alternative n’est trouvée, un licenciement non disciplinaire pourra être envisagé, pour les faits commis hors temps de travail, sous conditions. En effet, le retrait doit avoir des conséquences sur la bonne exécution du contrat de travail et provoquer un trouble objectif au bon fonctionnement de l’entreprise.

Dans tous les cas, compte tenu de son obligation de sécurité de résultat, l’employeur ne peut prendre le risque de faire conduire un salarié sans permis dès lors qu’il en a l’information.

En effet, en cas d’accident, sa faute inexcusable pourra être recherchée ainsi que sa responsabilité civile.


Que se passe-t-il si le salarié a un accident avec le véhicule de la société ?
Qui paie les réparations ?

Que ce soit pendant son temps de travail ou dans le cadre de sa vie privée, le salarié doit se comporter raisonnablement (anciennement « en bon père de famille ») avec son véhicule. Et, à ce titre, l’employeur dispose d’un pouvoir d’appréciation.

L’employeur doit exiger du salarié qu’il lui signale dans les plus brefs délais les dégâts afin de mettre en œuvre la procédure d’assurance et de faire procéder aux réparations.

La charte de bonne conduite souvent mise en place dans les entreprises et/ou une clause du contrat de travail permet à l’employeur de sanctionner le salarié qui ne signalerait pas les dégâts causés à son véhicule et qui, de façon plus générale, ne respecterait pas les règles d’utilisation du véhicule.

En fonction des circonstances ayant entraîné les dommages au véhicule, l’employeur pourra éventuellement sanctionner le salarié.

En revanche, les sanctions pécuniaires sont interdites. Les juges assimilent la retenue sur salaire opérée pour compenser le coût des réparations à une sanction pécuniaire prohibée. L’employeur ne pourra donc pas demander au salarié de payer le coût des réparations ni lui demander le remboursement.


Un employeur peut-il demander à un candidat à un emploi ou à un salarié de justifier du nombre de points sur son permis de conduire ?

Recrutement d’un candidat pour un emploi

Il est nécessaire de rappeler que les informations demandées à un candidat ont pour seule finalité d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Ces dernières doivent donc présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi ou les aptitudes professionnelles (article L.1221-6, al. 1 et 2 du code du travail).

Ainsi, pour un emploi impliquant la conduite d’un véhicule, l’employeur est en droit de demander au candidat s’il possède un permis de conduire en cours de validité. Dans ce cas, l’employeur aura tout intérêt à exiger que le candidat produise l’original du permis de conduire.

Attention, il est néanmoins strictement interdit à l’employeur de demander au candidat à l’embauche le nombre de points détenus par ce dernier. En effet, « les informations relatives au nombre de points détenus par le titulaire d’un permis de conduire ne peuvent être collectées que par les autorités administratives et judiciaires qui doivent en connaître, à l’exclusion des employeurs, assureurs et toutes autres personnes physiques ou morales », (code de la route, art. L.223-7).

Cas du salarié en cours d’exécution de son contrat de travail

Dans le cadre de son obligation de sécurité, l’employeur est en droit de demander périodiquement au salarié amené à conduire un véhicule de prouver qu’il est toujours titulaire du permis de conduire. À cet égard, l’employeur peut inclure dans le contrat de travail ou dans le règlement intérieur une clause prévoyant ces vérifications et rappelant que la détention du permis de conduire est nécessaire à l’activité professionnelle et que le salarié doit informer immédiatement son employeur de la suspension ou du retrait de son permis de conduire.

En revanche, comme vu ci-dessus, l’employeur ne peut exiger des pouvoirs publics de connaître le nombre de points figurant sur le permis d’un salarié.


Un salarié contrôlé en état d’ivresse hors temps de travail avec le véhicule de la société peut-il être licencié ?

Lorsque le salarié n’est plus sur son temps de travail, il n’est plus sous la subordination de son employeur.

Ainsi, en principe, le comportement du salarié dans sa vie personnelle ne peut pas justifier un licenciement.

Toutefois, un fait de la vie personnelle peut légitimer un licenciement s’il cause un trouble caractérisé au sein de l’entreprise. Il peut s’agir, par exemple, d’une suspension du permis de conduire pour conduite en état d’ivresse en dehors des heures de travail dès lors que le permis est nécessaire à l’exercice des fonctions du salarié.

En revanche, selon la jurisprudence, un motif tiré de la vie personnelle ne peut pas, en principe, justifier une sanction disciplinaire ou un licenciement disciplinaire.

Deux exceptions à ce principe

Il existe toutefois deux exceptions à ce principe. En effet, la Cour de cassation admet qu’un fait tiré de la vie personnelle puisse justifier un licenciement disciplinaire s’il constitue un manquement à une obligation découlant du contrat de travail ou s’il se rattache à sa vie professionnelle.

Ainsi par exemple, le licenciement pour faute grave a été admis lorsqu’un salarié, en état d’ébriété, provoque un accident de la circulation au volant de son véhicule de fonction, gravement endommagé, sur le trajet de retour à son domicile après s’être rendu à un salon professionnel sur instruction de son employeur. La Cour de cassation a considéré que les faits reprochés se rattachaient à sa vie professionnelle.

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