Risque incendie : conception et mise en œuvre du plan de sauvegarde des biens culturels

29 décembre 20219 min
Plan de sauvegarde des biens culturels - Crédit : Anton Ivanov Photo-AdobeStock

La formation des acteurs au plan de sauvegarde des biens culturels (PSBC) devient un sujet incontournable. Les ateliers de conception et de rédaction du plan de sauvegarde, de sensibilisation et de préparation aux risques encourus pour les œuvres se répandent. Une méthodologie pour les y aider a été développée.

PSO, PSBC… Quel acronyme en matière de prévention d’un sinistre majeur ?

L’intégration du plan de sauvegarde des biens culturels (PSBC) au plan de protection des collections, et plus spécifiquement dans la prévention du risque incendie, fait de lui un outil indispensable.

Ayant vocation à être remis aux sapeurs-pompiers au moment d’un sinistre majeur, il regroupe un ensemble de documents visant à optimiser le temps d’intervention. Cependant, le temps imparti à la préparation des acteurs du PSBC n’est pas négligeable. Il doit donner lieu, en bout de course, à une amélioration des documents pour les établissements patrimoniaux, tout en permettant aux spécialistes de l’intervention de mieux appréhender le terrain.

Si certains établissements ont choisi l’appellation de plan de sauvegarde des œuvres (PSO) et non plan de sauvegarde des biens culturels, c’est en raison d’un choix de sensibilisation. Un musée des beaux-arts, par exemple, choisira la première car il est peu susceptible de posséder des œuvres littéraires, bien qu’il dispose d’un fonds d’archives documentaires dans la plupart des cas. Tandis qu’un musée abritant une bibliothèque ou centre de consultation choisira la seconde en raison d’un important fonds d’archives papier, d’ouvrages et/ou d’arts graphiques.

Si l’acronyme employé dépend du bon vouloir de l’établissement, il n’influe en rien sur la constitution des documents, leur visée et leur utilisation le jour d’un sinistre majeur.

Le PSBC a vocation à être un outil opérationnel qui permet, en temps de crise, de mobiliser l’ensemble des acteurs et du matériel indispensable à sa faisabilité. Qu’il s’agisse d’une évacuation ou d’une protection sur place, les œuvres priorisées dans le PSBC sont celles qui feront l’objet d’une intervention au regard de l’ampleur du sinistre au moment de son déclenchement.

La préparation des personnels

La phase de réflexion et de rédaction du PSBC doit être réalisée par un groupe de travail. La rédaction et l’ensemble du matériel à destination du PSBC sont contrôlés par l’expertise des sapeurs-pompiers.

Vient ensuite le temps de la préparation des personnels et spécialistes de l’intervention. Les établissements rencontrent souvent des difficultés sur cette phase de transmission des compétences aux personnels. Trop chronophage ? Sujet trop vaste ? Ces deux problématiques ont été relevées et une méthodologie de préparation des acteurs au PSBC élaborée. Cette méthode expose pas-à-pas comment préparer le personnel et les équipes d’intervention à l’aide d’outils réutilisables.

Repérer et choisir le personnel impliqué

La préparation du personnel relève tout d’abord d’une étude des besoins recensés dans le cadre d’un déroulé optimal en cas de déclenchement du plan. Puis d’un étalonnage des moyens mis à disposition qui seront exploités le jour J.

Afin de ne pas se disperser, il est indispensable de mettre en place une feuille de route qui marque les jalons de la sensibilisation et de la préparation des acteurs. Cette première phase a pour objectif d’assurer la réussite du PSBC.

Il s’agit dans un premier temps de connaître et reconnaître le personnel à sensibiliser et à préparer. Puis d’effectuer une analyse des compétences à développer ou à perfectionner selon les postes en vigueur. Enfin, il faut inclure dans les différents ateliers de sensibilisation et de préparation les professionnels de l’intervention en matière d’incendie.

Le personnel impliqué et motivé qui s’engage à aider l’établissement en cas de sinistre majeur est un point primordial à prendre en compte. Notons que la survenue d’un sinistre majeur en journée entraîne la mobilisation de l’ensemble du personnel. Mais de nuit, seuls ceux qui figurent sur la liste des volontaires feront l’objet d’une convocation prioritaire par le biais de différents critères de priorisation (proximité de l’établissement, mode de déplacement…). Sur le terrain, ils seront répartis selon les arrivées mais également selon leurs compétences d’intervention (surveillance, préparation du matériel, manutention, manipulation, traçabilité). Par conséquent, le plus grand nombre doit être préparé à intervenir activement.

Notons qu’est traité ici le PSBC axé sur le sinistre incendie. Le plan de prévention du risque inondation peut néanmoins suivre ce même cheminement méthodologique.

Préparer les ateliers de sensibilisation

Exemples de facsimilés représentant une sculpture, une toile et une vase. Certains, comme le vase, sont en plusieurs parties qui s’imbriquent pour faire office d’œuvres fragilisées, notamment au niveau des anses. 

Le PSBC ne déroge pas à la règle de l’initiation et du perfectionnement des personnels et des acteurs d’intervention. Pour ce faire, des outils pédagogiques doivent être mis en place pour faciliter la transmission des savoirs et savoir-faire.

Ces outils répondent à un préalable. Celui du recensement des œuvres prioritaires. Un PSBC sans œuvres prioritaires n’est pas un bon PSBC, car il ne répond pas au critère d’efficacité opérationnelle en cas d’intervention. Ce recensement permet d’établir l’ensemble des typologies d’œuvres à traiter lors des ateliers axés sur les savoir-faire techniques en gestion des collections.

En fonction des principales typologies d’œuvres présentes au sein du PSBC (tableaux, vases, sculptures, œuvres littéraires…), des supports pédagogiques en trois dimensions sont conçus. Une fois confectionnés et testés, ils sont validés et font l’objet d’une production « en série ».

Mutualiser les moyens

La mutualisation des moyens humains et techniques entre établissements est souhaitable. Par ailleurs, des supports pédagogiques réutilisables sous la forme d’« essentiels à retenir » font office de résumés accessibles à tous. Ils permettent de se rappeler les éléments réglementaires et méthodologiques primordiaux pour un PSBC réussi.

Les ateliers de préparation des agents

Pour accompagner les établissements dans ce lourd travail de conception d’ateliers parfois chronophage, un memento des points incontournables à aborder lors des sessions de préparation a été créé. Cette méthodologie de transmission décortiquée est adaptable aux établissements. Elle peut être complétée et exploitée dans le cadre d’ateliers de sensibilisation et de préparation axés sur le sinistre incendie ou inondation ou tout autre risque identifié par les institutions patrimoniales (fuite ponctuelle des systèmes de climatisation ou de conduites d’évacuation des eaux par exemple).

Afin de faciliter la mutualisation des moyens techniques, les établissements intéressés peuvent emprunter des caisses d’entraînement composées de facsimilés et de supports pédagogiques.

Ce document récapitule les éléments à connaître et à appliquer selon les postes qui seront créés (équipe surveillance, équipe zone de transit, équipe zone de repli). Des temps forts de sensibilisation aux altérations des biens patrimoniaux ont également été intégrés ainsi que des visites thématisées pour l’ensemble des personnels musées, bibliothèques et sapeurs-pompiers. Cet outil est par conséquent réutilisable et exploitable à petite et grande échelle.

Finies les formations des agents au compte-goutte et hors les murs ! Les établissements peuvent à présent les dispenser in situ tout en ayant un avantage certain : la connaissance de l’environnement de travail et la possibilité de s’associer aux sapeurs-pompiers en les conviant.

Des exercices grandeur nature

L’exercice grandeur nature est également traité dans le document méthodologique de sensibilisation et de préparation des personnels.

Savoir manipuler et déplacer un objet en suivant le cheminement des scénarios est une chose. Mais ce seront les difficultés rencontrées pendant l’extraction des œuvres, leur déplacement et leur mise en sûreté qui seront révélatrices des améliorations à apporter au PSBC (délocaliser les œuvres en zone moins vulnérable, changer le scénario d’évacuation, revoir les œuvres à extraire en vue de leur portage, relever les problématiques de maintenance prévisionnelle en matière d’incendie).

Le retour d’expérience (Rex) à chaud est également un temps fort qui permet de relever dans l’immédiat les forces et les faiblesses de l’exercice réalisé. Un Rex à froid permettra ensuite de relever les ressentis ainsi que les améliorations à apporter au PSBC dans sa globalité.

Outil vivant, le PSBC doit faire l’objet de modifications, annuelles de préférence, et de tests d’efficacité. Il en est de même pour le mode de transmission lors des ateliers qui doit être adapté aux participants.

Le PSBC est également un sujet expérimental qui a pour but de faciliter l’intervention des sapeurs-pompiers tout en garantissant un gain de temps non négligeable pour les établissements culturels en matière d’intervention post-sinistre.

Bien que la partie sensibilisation et préparation des personnels et intervenants paraisse chronophage à première vue, elle reste une nécessité incontestable. Une fois intégrée dans les mœurs et la culture des établissements, il devient plus aisé de réitérer l’opération de manière plus fluide après la première application.

Ainsi, après avoir conçu et rédigé le PSBC, formé les intervenants et mis en pratique en situation réelle, on relèvera les axes d’amélioration qui constitueront un PSBC davantage opérationnel. Il sera encore temps de reprendre et de poursuivre ce processus avec le groupe de travail jusqu’à la survenue d’un sinistre majeur, selon le principe de la roue de Deming.


Article extrait du n° 577 de Face au Risque : « Biens culturels : conception et mise en œuvre du plan de sauvegarde » (novembre 2021).

Baya Hamou

Baya Hamou
Régisseuse d’œuvres
Chargée de mission Formation PSBC

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