Plan de sauvegarde des biens culturels, un débat au cœur de l’actualité
Alors que l’opération pour sauver les biens culturels de la cathédrale Notre-Dame de Paris a été globalement un succès, la question des plans de sauvegarde des biens culturels (PSBC) anime une communauté de chercheurs.
La preuve avec cette conférence organisée le 7 février 2019 par Samsic au musée du LaM, Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut.
Sur la thématique de la préservation des biens culturels, les interrogations sont multiples car la tâche est colossale et les institutions quelque peu livrées à elles-mêmes… Conservateurs de musées, responsables de collections, archivistes, ou même pompiers ont inévitablement fait fructifier les débats. Précisions…
On se souvient de l’incendie du château de Luneville (54) en 2003… De la crue qui toucha en plein cœur le musée Girodet (45) en 2016… De l’incendie qui ravagea une église du XVe siècle à Trémel (22) en 2016… Mais aussi de l’incendie au Musée national de Rio (2018)… Ou encore de la submersion marine du musée Jean Cocteau à Menton (06) en 2018… Quelques exemples qui rappellent à quel point il est primordial de se préparer aux situations d’urgence par des mesures pouvant prévenir la perte ou l’altération des collections.
Mylène Florentin et Lora Houssaye, deux consultantes diplômées en conservation préventive du patrimoine, ont animé les débats de la conférence et présenté une méthodologie pour faciliter la mise en œuvre des plans de sauvegarde. Elles travaillent sur la mise en place de plans de sauvegarde et accompagnent les établissements accueillant des biens culturels dans leurs démarches préventives.
Réunir toutes les conditions nécessaires
La réalisation d’un plan de sauvegarde des biens culturels (PSBC) pour un établissement culturel est un enjeu majeur. Il est cependant indispensable de dégager du temps de travail pour le ou les pilotes (tant pour la mise en place que pour la mise à jour). Cette charge de travail doit être anticipée et prise en compte par les responsables hiérarchiques. L’implication de la direction de l’établissement et la désignation d’un pilote (ou d’un comité de pilotage) du PSBC est un préalable nécessaire. La mise en place d’un PSBC est un travail collectif, mais il doit être piloté par un référent (ou un groupe de travail selon la taille de l’établissement).
L’élaboration d’un plan de sauvegarde des biens culturels doit s’inscrire dans un travail collectif. Lorsque nous accompagnons des institutions, plusieurs services sont mobilisés : la direction, la conservation, les services du bâtiment, les services d’accueil et de sécurité, la régie des œuvres, les ressources humaines, les services de communication, etc… Mais nous conseillons également d’impliquer dans cette démarche les tutelles, les élus, les services techniques de la collectivité territoriale, les sapeurs-pompiers ou d’autres institutions potentiellement partenaires.
Un plan de sauvegarde doit être adapté à l’établissement culturel, aux biens culturels qui y sont conservés et au(x) risque(s) majeur(s) identifié(s). Nous avons constaté que de nombreuses institutions culturelles se trouvent démunies face à la réalisation d’un plan de sauvegarde. C’est pour cela que nous avons élaboré lors de notre stage de fin d’étude une méthodologie adaptée aux musées (Master de Conservation préventive du patrimoine, Paris 1, Panthéon Sorbonne). Nous avons poursuivi ce travail pour l’élargir à tout bâtiment pouvant conserver des biens culturels. Cette méthodologie expose pas à pas comment réaliser un PSBC et pour y aider des outils facilement réutilisables sont proposés afin de le mettre en place.
Volet n°1 : analyse des risques
Étape préalable indispensable à la réalisation d’un plan de sauvegarde, elle permet en premier lieu d’identifier les risques pour sa commune et son site.
Dans un deuxième temps, à l’aide d’un questionnaire d’auto-évaluation, il est nécessaire d’identifier comment améliorer la prévention contre ces risques et d’auditer son établissement avant de réaliser un plan de sauvegarde. Trois volets risques y sont évalués :
-
incendie,
-
inondation,
-
tempête.
Chaque volet est lui-même interrogé sur trois domaines :
-
technique,
-
humain,
-
procédures.
Lorsque le questionnaire est rempli, il génère automatiquement des résultats et graphiques.
Une fois ces données recueillies, il faut dresser une synthèse par référentiel des forces et faiblesses. Celle-ci permet de dresser une liste d’actions d’améliorations. Cette liste doit permettre la réalisation d’un bilan annuel des actions qui auront été mises en place et de celles restant à l’être, en projetant ces actions d’améliorations sur plusieurs années budgétaires si nécessaire.
La troisième étape de l’analyse des risques est la hiérarchisation du risque majeur. L’outil conçu permet de la déterminer, selon plusieurs composantes :
-
probabilité,
-
gravité des dégâts de l’aléa sur les objets,
-
part de la collection affectée,
-
valeur des objets affectés
-
et pondération (en termes de détection de l’aléa et des moyens d’intervention).
Le risque majeur le plus important doit faire l’objet d’un plan de sauvegarde. Selon les risques : les acteurs, les biens culturels à évacuer, les modes d’évacuation, et la temporalité des actions de sauvegarde ne seront pas les mêmes.
Voyons comment concevoir un PSBC adapté à des risques à effets immédiats comme l’incendie.
Volet n°2 : PSBC incendie
Lorsque le risque majeur le plus important a été identifié, il s’agit de concevoir le plan de sauvegarde. La première étape est la priorisation des collections. Pour un risque incendie, il faut accepter de sauver l’essentiel… Et par conséquent accepter de sacrifier une partie des collections.
Les conservateurs ou responsables des collections priorisent, 10 biens culturels en priorité 1 (soit 10 allers-retours) et 5 biens culturels par salle en priorité 2. Ces nombres sont à adapter aux quantités de collections présentées. Mais surtout au temps et nombre nécessaire d’aller-retour par binôme d’intervention des sapeurs-pompiers. Pour dresser cette liste nous avons créé un tableur. Celui-ci permet de lister chaque bien culturel et surtout d’indiquer les actions à prévoir : évacuation ou protection sur place, nombre de personnes et manipulations. Cette liste devient la matrice de tous les plans, fiches intervention et listes de pointage, facilitant leur mise en œuvre.
Il est ensuite primordial d’identifier les cheminements d’évacuation. Au moins deux scénarios sont à prévoir pour pallier les différentes éventualités. Bien sûr si un incendie se déclare sur site, le jour J, ce sont les sapeurs-pompiers qui décideront quel est le cheminement idoine à emprunter… Et peut être qu’un nouveau scénario apparaîtra alors. Il est cependant important de prévoir plusieurs scénarios, pour être au mieux préparés si le PSBC était déclenché, et intégrer une certaine part d’imprévisible.
Puis, il faut identifier les acteurs du plan de sauvegarde et prévoir l’après-sinistre. Nous avons conçu pour cela un tableur avec une liste d’appel à volontaires, ainsi qu’une chaîne de commandement pour identifier les volontaires qui se présenteront et pour les affecter (zone de surveillance, zone de transit, zone de repli).
Lors de la conception du plan de sauvegarde, il est important de ne pas négliger l’après-sinistre.
Matérialiser les documents du PSBC
Ensuite il s’agit de matérialiser le plan de sauvegarde : rédiger les documents opérationnels et réunir le matériel nécessaire. Tous les documents opérationnels sont réunis en 2 classeurs A3. Le premier classeur concerne les documents nécessaires aux pompiers (plans, fiches œuvres). Tandis que le second classeur regroupe les documents destinés à l’équipe de volontaires de l’institution (fiches réflexes, procédure de déclenchements, scénarios d’évacuation). Nous avons conçu pour cela des modèles de plans, de fiches œuvres, de fiches réflexes, de listes de pointages, de colisage pouvant être facilement réutilisés par les équipes (rappel sur le 1er et le 2nd article de Face au Risque) sur la base de logiciels du pack Office.
Il faut également, acquérir le matériel nécessaire à la mise en œuvre du plan de sauvegarde s’il était déclenché. Pour cela, nous avons créé des listes permettant d’identifier ce dont l’établissement pourrait avoir besoin. Le matériel acquis doit pouvoir être stocké et mis à disposition des équipes de sauvetage. Il peut alors être pertinent de répartir les matériels en fonction de leurs destinataires. À savoir pompiers ou équipe de volontaires. Le matériel plus volumineux peut être mis en commun avec d’autres institutions et stocké sur un autre site sous réserve de pouvoir être mis à disposition dès le lendemain.
Faire vivre le plan de sauvegarde des biens culturels
L’investissement des équipes joue un rôle primordial dans la garantie de son efficacité et pour faire vivre le PSBC. Outre les mises à jour et vérifications nécessaires, il est indispensable de sensibiliser les équipes à leur rôle dans le plan de sauvegarde par des formations et des exercices. Ce travail doit se faire avec l’ensemble des équipes (administratifs, surveillance, conservateurs…) et sera l’occasion de tisser des liens entre les différentes équipes qui ne travaillent pas ensemble habituellement.
Lora Houssaye
Régisseuse d’œuvres au Centre Pompidou depuis 2007, elle est également diplômée du master de Conservation préventive du patrimoine en 2016.
Au cours du master elle a notamment développé un guide d’élaboration du plan de sauvegarde (outils et modèles inclus), en collaboration avec Mylène Florentin.
Mylène Florentin
Diplômée en conservation préventive du patrimoine depuis 2016, Mylène Florentin accompagne des institutions culturelles dans la réalisation de leur plan de sauvegarde des biens culturels.
Elle a débuté à Paris Musées en tant que chargée de mission sur les plans de sauvegarde des œuvres (PSO) au sein de la cellule sécurité-sûreté et poursuit désormais en tant que consultante en conservation préventive.
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