Hydrogène et mobilité : pour un développement en sécurité

7 septembre 20218 min

Pour parvenir aux objectifs de neutralité carbone en 2050 que s’est fixé le Gouvernement, l’une des solutions est le développement de l’hydrogène renouvelable. Mais attention aux risques liés aux propriétés de l’hydrogène. Déjà 377 événements ont été recensés dans la base Aria du Barpi, toutes industries confondues.

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Les objectifs de la France

La France vise la neutralité carbone en 2050 en réduisant de 81 % ses émissions atmosphériques par rapport à 2015. Pour les dix prochaines années, le Gouvernement a d’ores et déjà défini sa trajectoire via la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

Parmi les objectifs fixés, figure le développement de la production de dihydrogène (H2) renouvelable et bas-carbone dans les usages industriels, énergétiques et pour la mobilité.

Nota : dans la suite de l’article, la dénomination « dihydrogène » est volontairement abrégée en « hydrogène »

Plusieurs appels à projets ont déjà été lancés dans le cadre de la stratégie nationale hydrogène par le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance. Notamment l’appel à projets « Écosystèmes territoriaux hydrogène » de l’Ademe qui accompagne les déploiements d’écosystèmes hydrogène dans les territoires.

Au niveau européen, à l’instar des batteries, un projet important d’intérêt commun sur l’hydrogène est en construction.

Depuis les années 2000, et exceptées les périodes liées à la pandémie de Covid-19, le transport représente environ 30 % de la consommation énergétique primaire française et reste très marqué par le recours aux produits pétroliers.

L’hydrogène industriel renouvelable ou bas-carbone

Même si des projets de mobilité ayant recours à l’hydrogène ont déjà vu le jour, les 900 kt d’hydrogène produits en France par an, via 95 % de combustibles fossiles, sont largement destinées au secteur industriel (désulfurisation de carburants pétroliers, synthèse d’ammoniac, production de méthanol…).

Les objectifs visés par la PPE, d’ici 2028, visent à incorporer 20 à 40 % d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone dans l’hydrogène industriel.

Les industriels français misent sur le procédé de l’électrolyse de l’eau pour produire cet hydrogène renouvelable ou bas-carbone, faiblement émetteur de CO2, à partir d’électricité renouvelable ou bas-carbone. La France se fixe ainsi un objectif de 6,5 GW d’électrolyseurs installés en 2030.

Cette production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone locale vise principalement à déployer et alimenter des écosystèmes territoriaux de mobilité hydrogène.

L’appel à projet précédemment cité porté par l’Ademe vise à faire émerger les infrastructures de production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone. Cet appel est doté, à date, de 275 M€ pour la période 2021-2023. Dix-neuf écosystèmes sont déjà en déploiement et sept projets ont été présélectionnés à la clôture du 16 mars 2021 du nouvel appel à projets.

Développement des usages

En France les chariots élévateurs approvisionnés en hydrogène qui alimente une pile à combustible ont déjà fait leur apparition chez certains industriels depuis de nombreuses années. Pour le reste, si aujourd’hui peu de constructeurs automobiles commercialisent des voitures « légères », les projets s’intensifient sur les véhicules « lourds ». Plusieurs villes ont introduit l’hydrogène dans leur réseau de bus (Pau, Houdain, Versailles…), d’autres l’ont acté (Dijon, Montpellier, Auxerre, Toulon…).

Des camions seront bientôt mis en circulation dans le sud-est de la France grâce au projet de construction d’une station haute pression spécifique à Fos-sur-Mer.

Le ferroviaire ne devrait pas être en reste, à la suite de l’annonce de la SNCF le 8 avril 2021 de la commande de quatorze trains régionaux à hydrogène, dont les premiers essais de circulation devraient avoir lieu en 2023. L’exploitation commerciale de trains similaires connaît un vif succès en Basse-Saxe allemande depuis 2018. Un an plus tôt, la Chine inaugurait le premier tramway alimenté à l’hydrogène au monde.

De nombreuses annonces ont également été faites concernant le transport fluvial et maritime à hydrogène avec, comme fer de lance, le tour du monde réalisé par le bateau Energy Observer.

Et que dire de l’avion à hydrogène dont le premier vol est annoncé pour 2035 ?

Le navire à hydrogène Energy_Oberserver-credit : Gaël Musquet-Wikimedia-Cc

Des risques et des accidents

Le développement des technologies de production de l’hydrogène, ainsi que de nouveaux usages, représente une opportunité aussi bien d’accélération de la transition écologique que de création d’une filière industrielle. Son essor devra prendre en compte les avantages et les inconvénients des différentes filières de production au vu des émissions de CO2 équivalent, du coût de production, de l’efficacité énergétique et du prix à la pompe.

Si l’atteinte des différents objectifs nécessite une transformation en profondeur de la société, de l’économie et des comportements, elle ne doit pas faire oublier les risques liés à l’utilisation de l’hydrogène.

Alors que la France affiche ses objectifs, le Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels (Barpi) présente trois événements survenus dans le monde en 2019, issus de sa base Aria. Chacun d’eux s’est produit lors d’une étape clé du cycle de vie de l’hydrogène pour les usages de demain :

Explosion d'hydrogène dans une station service en Norvège-Barpi-Aria n°53772-Crédit : Bærum Fire department

Explosion d’hydrogène dans une station service en Norvège.
Aria n° 53772.
Crédit : Bærum Fire department

Que ce soit pour des industries aux procédés éprouvés ou pour des applications nouvelles comme la mobilité, les risques liés aux propriétés physico-chimiques de l’hydrogène restent inchangés.

Concernant les procédés industriels, l’analyse de la base Aria de 377 événements (français ou étrangers) impliquant de l’hydrogène (produit ou généré accidentellement), en rappelle les dangers. Ainsi, 72 % des phénomènes engendrés sont des incendies et/ou explosions. 28 % concernent des fuites d’hydrogène non enflammées ou des contraintes engendrées par l’hydrogène sur les matériaux, sans conséquence humaine.

Nota : Chiffres concernant l’ensemble de la base Aria arrêtés au 1er janvier 2021 et dont le plus ancien événement recensé remonte à 1921

Les incendies et/ou explosions sont souvent associés à des conséquences humaines. Ces phénomènes ont été identifiés dans 158 événements parmi les 251 événements répertoriés en France. Sept d’entre eux ont causé la mort d’au moins une personne et 46 des blessés.

Outre la réglementation relative au stockage de l’hydrogène dans les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), la conception et l’exploitation des stations de distribution d’hydrogène sont encadrées par l’arrêté du 22 octobre 2018.

Les propriétés de l’hydrogène

L’hydrogène se distingue des autres gaz combustibles par plusieurs aspects, facilitant ou complexifiant la maîtrise des risques.

  • Promptitude à fuir. Composée du plus petit atome de l’univers, plus léger que l’air, de faible viscosité et à grande perméation, la molécule d’H2 possède tous les atouts pour s’échapper de son contenant. Si l’hydrogène pourra se disperser rapidement dans l’air libre, il est important de prévoir un système de détection adéquat et une circulation d’air naturelle ou mécanique afin d’éviter son accumulation dans les zones confinées. Les vannes d’isolement, joints, organes de raccordement et leur mode et couple de serrage doivent faire l’objet d’une attention particulière. L’hélium, inerte et à la taille moléculaire proche de celle de l’H2, peut être utilisé pour tester l’étanchéité des installations.
  • Dégrade les métaux et les alliages. La fragilisation et l’attaque par l’hydrogène peuvent provoquer, à terme, des fuites ou des ruptures d’équipements. Les analyses de risques lors des phases de conception ne sont pas à négliger, tout comme les procédures d’entretien et de maintenance.
  • Extrêmement inflammable. Son énergie minimale d’inflammation dans l’air (17 µJ) est plus de 10 fois inférieure à celle du propane ou de l’essence. Cette énergie peut être obtenue par des décharges électrostatiques d’origine humaine. Dans l’oxygène pur (cas des électrolyseurs), l’énergie nécessaire est seulement de 3 μJ. Des procédures d’inertage dans les phases critiques (démarrage/arrêt y compris arrêt d’urgence) ainsi que des dispositifs d’arrêt des compresseurs permettent de réduire le risque de mélange hydrogène/air (ou oxygène pur). La flamme d’hydrogène rayonne peu et est quasiment invisible le jour, complexifiant l’intervention des secours. Du fait de sa faible radiation, le risque de propagation du feu par effet thermique dû au rayonnement est en revanche limité.
  • Très explosif. Compris entre 4 % et 75 % en volume d’hydrogène dans l’air, le domaine d’explosivité de l’hydrogène est 10 fois plus important que celui du propane. Brûlant 7 fois plus rapidement que ce gaz, le régime de détonation est favorisé. La formation de l’onde de choc varie en fonction de la géométrie du confinement, de l’énergie d’inflammation et du mélange avec le comburant. À l’air libre ou en cas de bonne aération, la faible densité de l’hydrogène permet sa rapide dispersion à l’inverse des nombreux gaz inflammables plus lourds que l’air (propane, butane…).
  • Un stockage nécessitant des pressions très élevées pour permettre d’emmagasiner une quantité suffisante d’énergie.

Article extrait du n° 574 de Face au Risque : « L’hydrogène en lumière » (juillet-août 2021).

Gauthier Vaysse, chargé de mission au Barpi

Gauthier Vaysse

Chargé de mission au Barpi (Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels)

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