Aux États-Unis : des gadgets pour lutter contre les tireurs mais pas de solutions
Dans la nuit du dimanche 1er au 2 octobre 2017, l’Amérique a connu la fusillade la plus meurtrière de son histoire. Au moins 58 personnes ont été tuées et plus de 500 blessées par un tireur isolé. Plutôt que de réglementer plus strictement les armes à feu, les États-Unis expérimentent des systèmes d’intelligence artificielle pour lutter contre les tueries de masse. Une vraie mauvaise idée.
Après la fusillade de Las Vegas et la mort du tireur, la question de la prévention du phénomène se pose.
Le fétichisme technologique, cache l’embarras des élus américains, face aux lobbyistes des armes à feu. Mais ce n’est pas seulement aux États-Unis que le phénomène peut s’observer.
Prenons la lutte contre la délinquance. En elle-même, la délinquance ne signifie rien. Pas plus que l’insécurité – qui est un sentiment.
Il faudrait parler de délinquances au pluriel et les catégoriser pour obtenir une granulométrie propre à son traitement.
En décembre 2016, le Gouvernement avait livré les chiffres, comme le rappelle Le Monde, qui reflètent davantage le travail des polices, plutôt que la réalité d’un phénomène complexe.
La technique seule, n’est pas la solution
L’explication étant compliquée, on se tourne plus volontiers vers la technique. Il est ainsi plus intéressant de proposer la mise en place de vidéosurveillance pour faire baisser la délinquance – surtout si cette technologie devient vidéoprotection.
De la même manière, plutôt que de former les policiers aux techniques d’appréhension des suspects, la réponse américaine aux bavures policières a été de leur fournir des caméras-piétons.
Les études montrent pourtant que les stéréotypes ne disparaissent pas avec les caméras piétons. Au contraire.
La technique peut coûter très cher !
Et on se souvient aussi que la facture peut être très salée. La police de Baltimore avait ainsi estimé le coût de la gestion de l’archivage des caméras piétons à 2,6 M$ !
À Wichita dans le Kansas, la police a dû vendre un hélicoptère utilisé pour la traque des suspects pour couvrir les frais des caméras corporelles pour une centaine d’agents.
En 2015, la ville prévoyait un budget de 6,4 M$ sur dix ans et l’emploi de deux policiers à temps pleins pour la gestion du dispositif.
Parmi les 23 armes automatiques retrouvées dans la chambre du tireur de Las Vegas, un Colt AR-15, présenté ici avec ses accessoires.
Écouter les coups de feu pour les repérer
Coïncidence macabre du calendrier, Time Magazine publie dans son édition du 2 octobre 2017 un long article sur une solution technique pour mettre fin aux tirs d’armes à feu.
Installée dans plusieurs grande ville américaine, la solution ShotSpotter entend (au sens propre du terme) mettre fin aux coups de feu.
Grâce à des micros installés sur le haut des buildings, la signature acoustique du coup de feu est reconnue, analysée et localisée par triangulation.
Dans les grandes villes américaines, augmentation du taux d’homicides
Le magazine note qu’en 2016, le taux d’homicides par armes à feu a augmenté de 10 % dans les 60 plus grandes villes américaines.
La solution, qui a été mise au point en 1996 en utilisant une technologie de détection des tremblements de terre, aurait permis de détecter plus de 80 000 coups de feu en 2016.
Un chiffre à comparer à un autre
Sur la même période, 88 % des incidents liés à des armes à feu dans les villes d’Oakland et de Washington (toutes les deux équipées de la technologie) n’auraient jamais été signalés au 911 (le numéro d’appel d’urgence américain).
Illustration d’une carte des coups de feu recensés par ShotSpotter dans la ville de Washington depuis 2009 et jusqu’en 2013.
Les témoins craignent la police
La raison de si peu de signalements ? Les habitants ne font pas confiance à la police et craignent les bavures. Avec cette technologie, le coup de feu est repéré par une intelligence artificielle qui la soumet à un analyste de l’entreprise.
C’est lui qui confirme ensuite le coup de feu et avertit les services de police : il transmet alors les coordonnées et les informations factuelles sur l’incident.
Dans certains cas, ces informations sont livrées aux services de police, dans d’autres, elles apparaissent directement dans les véhicules à proximité immédiate de la scène ou même sur les smartphones des enquêteurs.
1/3 de fausses alertes et de non-identification
À Omaha (Nebraska), la technologie aurait permis de réduire de 45 % le nombre de coups de feu depuis 2013. Dans d’autres villes, on parle de fausses alertes ou bien de non-identification de véritables coups de feu.
Et jusqu’à un cas sur trois si on en croit le chef de la police de Troy (État de New york) qui a adopté le système en 2008 (et qui a résilié l’abonnement en 2012).
Le problème vient aussi du caractère privé et concurrentiel de la technologie. L’entreprise qui détient les statistiques ne souhaite pas communiquer sur son efficacité ou très partiellement.
De potentielles atteintes à la vie privée
Les chercheurs de l’Université de Virginia regrettent ainsi qu’il n’y ait pas “d’évaluation rigoureuse“. La plupart des polices utiliserait ainsi le système pour arriver sur les lieux plus rapidement.
Mais d’autres questions sont soulevées par Josh Sandburn, le journaliste qui a enquêté pour Time.
Les défenseurs des libertés civiles mettent en avant un réseau national de micros, détenu et opéré par une entreprise qui doit faire des profits – et qui ne semble pas réussir à en faire.
En France, le flou juridique
En France, certaines caméras de vidéosurveillance sont équipées de micros permettant de capter des sons. Il existe un flou juridique sur leur légalité.
La technique n’aurait rien changé à Las Vegas
À Las Vegas, le système ShotSpotter aurait fonctionné mais n’aurait absolument rien apporté. Les policiers étaient immédiatement sur place – certains ont été tués, d’autres sérieusement blessés.
Une fois le tireur localisé, ils ont attendu les équipes du Swat, comme le relate avec précision le New York Times qui a établi la chronologie de la nuit.
Et lorsque le Swat est intervenu, les coups de feu avaient cessé depuis longtemps. Le tireur, qui avait disposé des caméras dans le couloir de sa suite, s’était donné la mort avant leur arrivée.
Mise à jour du 12 octobre 2017 :
Notre confrère, Jean-Louis Courtois, rédacteur en chef de Commando Magazine nous signale qu’il existe en France des systèmes de localisation des tireurs pour les opérationnels et cite le système Pearl mis au point par l’entreprise Aceom.
David Kapp – Journaliste
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