La loi Duplomb promulguée : ce qu’il en reste après la censure du Conseil constitutionnel

22 août 20257 min

La Loi n° 2025-794 du 11 août 2025 visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, dite “loi Duplomb”, a été publiée au Journal officiel le mardi 12 août 2025. Vivement contesté, le texte a en partie été revu après avoir fait l’objet d’une censure de la part du Conseil constitutionnel.

Loi loi Duplomb censurée puis promulguée le 11 aout 2025. (Photo © Nicolas DUPREY / CD 78 _ Département des Yvelines _ Flickr CC).

Pourquoi la loi Duplomb est-elle contestée ?

Le jeudi 10 juillet 2025, une pétition en ligne demandant l’abrogation de la loi Duplomb et « la révision démocratique des conditions dans lesquelles elle a été adoptée » a été déposée par une étudiante sur la plateforme des pétitions de l’Assemblée nationale. À la fin du mois de juillet, cette pétition rassemblait plus de deux millions de signatures.

Cette pétition pointait notamment du doigt le fait que la loi Duplomb permettait la réintroduction d’un insecticide de la famille des néonicotinoïdes.

L’Anses rappelle pourtant sur son site internet qu’en France, depuis 2018, « l’utilisation des produits à base de néonicotinoïdes est interdite en agriculture ». Toujours au sujet de cette interdiction, le Conseil d’État expliquait par ailleurs le 3 mai 2023 à travers les termes suivants que :

« le Conseil d’État juge que les dérogations pour l’utilisation de néonicotinoïdes pour la culture de betteraves sucrières qui avaient été temporairement accordées en 2021 et 2022 sont illégales. Aucune dérogation n’est en effet possible si la Commission européenne a formellement interdit un pesticide ».

Le Conseil d’État s’appuyait ainsi sur une décision de la Cour de justice de l’Union européenne, qui confirmait pour sa part dans un arrêt en date du 19 janvier 2023 – à propos de la protection phytosanitaire – que « les États membres ne peuvent pas déroger aux interdictions expresses de mise sur le marché et d’utilisation de semences traitées à l’aide de produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ».

La loi Duplomb censurée par le Conseil constitutionnel, puis promulguée

Le jeudi 7 août 2025, le Conseil constitutionnel censurait l’une des principales mesures de la loi Duplomb « qui devait permettre la réintroduction à titre dérogatoire de l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, résume LCP sur son site internet. Le Conseil constitutionnel a jugé cette mesure, particulièrement controversée, contraire à la Charte de l’environnement ».

LCP annonçait ainsi que cette mesure ne figurerait pas dans la future loi qui serait promulguée par Emmanuel Macron.

Promulgué le lundi 11 août 2025, et publié au Journal officiel le mardi 12 août 2025, le texte intitulé « loi n° 2025-794 du 11 août 2025 visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » ne contient plus la réintroduction de l’acétamipride.

Dans les grandes lignes, voici les changements apportés par la loi dite “Duplomb”.

Loi Duplomb : des mesures en matière de produits phytosanitaires

En premier lieu, ce texte comporte des mesures pour mettre fin aux surtranspositions et sur-réglementations françaises en matière de produits phytosanitaires.

À ce titre, il prévoit notamment :

  • l’incompatibilité de l’exercice de l’activité de conseil en produits phytopharmaceutiques avec celle de producteur.

En conséquence, le dispositif des certificats d’économie phytopharmaceutiques est recentré sur les distributeurs de ces produits ;

  • la création d’un conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, lequel vise à améliorer la viabilité économique, environnementale et sociale des exploitations agricoles ;
  • l’accompagnement des professionnels par l’État lorsque celui-ci interdit des produits phytopharmaceutiques contenant une substance active ou une famille de substances actives déterminées qui sont approuvées en application de la réglementation européenne.

Ce soutien porte dans la recherche et la diffusion de solutions alternatives aux professionnels. Le texte invite également l’État à se fixer pour objectif « d’indemniser les exploitants agricoles subissant des pertes d’exploitation significatives tant que les alternatives disponibles à l’utilisation de ces produits sont inexistantes ou manifestement insuffisantes » ;

  • l’interdiction, à compter du 1er janvier 2026, de la production, du stockage et de la circulation de substances actives ayant fait l’objet d’une non-approbation ou d’un non-renouvellement au niveau européen en application du règlement n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 ;
  • la mise en place d’un comité des solutions à la protection des cultures, placé auprès du ministre chargé de l’agriculture. Cette entité est notamment chargée de recenser les méthodes de lutte potentielles et leurs perspectives de développement.

Des mesures visant “à simplifier l’activité des éleveurs”

En deuxième lieu, ce texte vise à simplifier l’activité des éleveurs.

Pour ce faire, il organise diverses mesures parmi lesquelles :

  • la modification des procédures environnementales pour la construction ou l’extension des grands bâtiments d’élevage. En particulier :
    • pour les projets destinés à l’élevage de bovins, de porcs ou de volailles soumis à la procédure d’autorisation environnementale en raison des activités d’élevage, la réunion publique est remplacée par une permanence organisée par le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête. Le pétitionnaire peut néanmoins demander l’organisation d’une réunion publique ;
    • les réponses éventuelles du pétitionnaire aux avis mis en ligne ainsi qu’aux observations et aux propositions du public sont facultatives (à l’exception de la réponse à l’avis de l’autorité environnementale). Les réponses aux observations et aux propositions du public peuvent être transmises et publiées en une fois, au plus tard à la fin de la consultation du public ;
  • l’application du régime de l’enregistrement, au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), aux installations d’élevage mentionnées à l’annexe I bis de la directive 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (directive IED), à l’exception de celles destinées à l’élevage intensif énumérées à l’annexe I de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011.

Cette disposition entrera en vigueur à la date de publication d’un acte prévu en vertu de la directive IED précitée. Le principe de non-régression n’empêche pas, en ce qui concerne les élevages bovins, porcins et avicoles, le relèvement des seuils de la nomenclature des ICPE.

Concilier besoins en eau et protection de la ressource

En troisième lieu, ce texte entend faciliter la conciliation entre les besoins en eau des activités agricoles et la nécessaire protection de la ressource.

En ce sens, il précise que les ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés qui poursuivent à titre principal une finalité agricole sont présumés d’intérêt général majeur dans les zones affectées d’un déficit quantitatif pérenne compromettant le potentiel de production agricole lorsqu’ils :

  • sont issus d’une démarche territoriale concertée sur la répartition de la ressource en eau entre l’ensemble des usagers ;
  • s’accompagnent d’un engagement des usagers dans des pratiques sobres en eau ;
  • concourent à un accès à l’eau pour tous les usagers.

Du changement sur les inspections et les contrôles

En dernier lieu, ce texte améliore les inspections et contrôles en matière agricole.

En ce sens, il prévoit notamment :

  • l’approbation par le préfet de la programmation annuelle des contrôles réalisés par les inspecteurs de l’environnement ;
  • la possibilité pour les inspecteurs de l’environnement, les agents commissionnés des réserves naturelles nationales, régionales ou de Corse ainsi que les gardes du littoral, dans le cadre de leurs missions de police de l’environnement, de procéder en tous lieux, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident.

Il modifie en conséquence le code rural et de la pêche maritime (L.254-1 et suivants) et le code de l’environnement (L.181-10-1 et suivants ; L.512-7).

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Manon Janvier

Consultante au service Assistance réglementaire de CNPP Conseil & Formation

Eitel Mabouong – Journaliste

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