Accident imprévisible

9 mars 20237 min

Sur une chaîne de production, une salariée intérimaire a été blessée par le véhicule suivant celui sur lequel elle intervenait.

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L’arrêt de la cour d’appel

Une salariée d’une entreprise de travail temporaire mise à disposition d’une société, y a été blessée par un véhicule. L’accident ayant été pris en charge au titre de la législation professionnelle, elle a saisi ensuite la juridiction compétente d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Déboutée de ses prétentions indemnitaires, elle saisit alors jusqu’à la Cour de cassation.

C’est dans ce contexte que la Haute Juridiction considère cependant ici que :

« (…) 5. L’arrêt relève que la victime, titulaire d’un contrat de mission mentionnant son affectation sur un poste de “préparation de véhicules – conduite de véhicules”, était effectivement occupée, au moment de l’accident, à la préparation de véhicules. Il constate que le poste est mentionné sur le contrat de travail comme ne figurant pas sur la liste de l’article L.4154-2 du code du travail, et qu’il ressort du rapport de l’Inspection du travail que la mission de préparation de véhicule consistait à mettre en route la radio, faire le nettoyage intérieur, chercher le livret dans le coffre de la voiture pour le mettre dans la boîte à gants, installer les accessoires, insérer la carte SD dans l’autoradio et coller la vignette d’assurance. Il précise que si ce poste pouvait inclure une conduite de véhicule, il n’était pas entièrement dédié à la conduite, sur parc, avec possibilité de chargement de barge ou de fer. Il ajoute que l’Inspection du travail n’a pas identifié le poste occupé par la victime comme devant être inscrit sur la liste prévue à l’article L.4154-2. Il retient que les tâches confiées à la victime ne révélaient pas de risque particulier.

6. De ces constatations et énonciations relevant de son pouvoir souverain d’appréciation de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu déduire que la victime n’était pas affectée au jour de l’accident à un poste de travail identifié comme présentant des risques particuliers pour sa santé et sa sécurité, de sorte qu’elle ne pouvait se prévaloir de la présomption de faute inexcusable prévue par l’article L.4154-3 du code du travail.

(…)

La décision de la Cour de cassation

10. L’arrêt relève que l’accident s’est produit alors que la victime était sur la chaîne de préparation, à l’arrière d’un véhicule automobile, penchée vers le coffre, et que le véhicule suivant, moteur en marche, frein desserré, doté d’une boîte automatique, a avancé subitement et l’a percutée. Il constate qu’à la suite de l’accident, la société a interdit la mise en marche des moteurs sur la chaîne de préparation, a mis à jour le document unique de sécurité et a affiché des consignes en ce sens. Il retient que la cause de l’accident n’est pas déterminée avec certitude dès lors que le risque d’enclenchement fortuit d’une vitesse dû aux vibrations du tapis roulant ou à un geste malencontreux d’un salarié sur un véhicule équipé d’une boîte automatique n’avait pas été démontré techniquement. Il en déduit qu’un tel accident, qui ne s’était jamais produit, était imprévisible, peu important la modification ultérieure des règles de sécurité ou l’absence de système d’arrêt d’urgence de la chaîne qui n’aurait pas permis d’empêcher l’avancée du véhicule.

11. De ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d’appel a pu déduire que l’entreprise utilisatrice ne pouvait avoir conscience du danger résultant pour le salarié de l’avancée intempestive d’un véhicule sur la chaîne de préparation, de sorte qu’elle n’avait pas commis de faute inexcusable. »

Partant, le pourvoi de la salariée est rejeté.

L’accueil des intérimaires

Le régime imposé à tout employeur, quant à l’obligation de préserver la santé et la sécurité de ses travailleurs, se traduit par l’allocation d’une indemnité forfaitaire en cas d’accident ou de maladie rattaché au travail.

En complément, le salarié concerné peut chercher à obtenir l’allocation d’une indemnisation complémentaire, en application des règles de droit commun, lequel impose la démonstration d’un dommage fautif. Un manquement de l’employeur dans ce cadre est qualifié de faute inexcusable.

En outre, cette faute découle parfois d’un régime spécifique ; par exemple dans le cas d’un contrat de travail temporaire exposant à un risque réglementairement identifié. Une formation et un accueil spécifiques de l’intérimaire sont alors imposés et, à défaut, la faute de l’employeur est caractérisée.

Absence d’un risque pré-identifié

En l’espèce, une salariée intérimaire a été blessée par un véhicule garé à proximité de celui sur lequel elle intervenait, alors qu’elle était missionnée pour la « préparation de véhicules – conduite de véhicules ». Plus précisément, « l’accident s’est produit alors que la victime était sur la chaîne de préparation, à l’arrière d’un véhicule automobile, penchée vers le coffre, et que le véhicule suivant, moteur en marche, frein desserré, doté d’une boîte automatique, a avancé subitement et l’a percutée ».

La salariée, cherchant à faire reconnaître une faute de l’employeur, a donc d’abord allégué que ce dernier l’avait, en fait, exposée à un de ces postes à risque l’obligeant au régime spécifique afférent, dont elle n’avait pourtant pas bénéficié.

La Haute Juridiction retient cependant, que les magistrats précédemment saisis ont parfaitement conclu à l’absence factuelle d’un risque pré-identifié par les textes, dans la mesure où la mission de la salariée ne consistait qu’à « mettre en route la radio, faire le nettoyage intérieur, chercher le livret dans le coffre de la voiture pour le mettre dans la boîte à gants, installer les accessoires, insérer la carte SD dans l’autoradio et coller la vignette d’assurance ».

Un accident imprévisible

La salariée a, par ailleurs, soutenu que, même sans application de ce régime spécifique, l’employeur aurait manqué à son obligation générale de préservation de sa santé et de sa sécurité par manque de prévention suffisante. L’arrêt est intéressant à ce titre, puisqu’il apporte une rare illustration de cas où l’imprévisibilité de l’accident est confirmée et donc, de l’absence de tout défaut de prévention en conséquence.

En l’espèce, « la cause de l’accident n’est pas déterminée avec certitude dès lors que le risque d’enclenchement fortuit d’une vitesse dû aux vibrations du tapis roulant ou à un geste malencontreux d’un salarié sur un véhicule équipé d’une boîte automatique n’avait pas été démontré techniquement. Il en déduit qu’un tel accident, qui ne s’était jamais produit, était imprévisible, peu important la modification ultérieure des règles de sécurité ou l’absence de système d’arrêt d’urgence de la chaîne qui n’aurait pas permis d’empêcher l’avancée du véhicule ». Partant, le pourvoi de la salariée est rejeté.

Chambre civ.2, n° 21-10611 du 7 juillet 2022.


Article extrait du n° 587 de Face au Risque : « Sûreté des JO 2024 : le grand saut » (novembre 2022).

Virginie Perinetti

Virginie Perinetti

Avocate au Barreau de Paris depuis 2004

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