La garantie légale rattrape le numérique

4 août 20227 min

Obligatoire, la garantie légale de conformité est une garantie contre tous les défauts de fabrication lors de l’achat ou de la livraison d’un produit. Mais jusqu’à une date récente, elle ne concernait pas les transactions portant sur les biens et services numériques. Une ordonnance est venue combler cette carence.

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Depuis longtemps de nombreux produits bénéficient d’une garantie de conformité : si le produit n’est pas conforme au contrat ou à sa description, il est possible d’en obtenir un nouveau qui le soit ou de faire annuler la vente.

La législation sur la garantie de conformité avait cependant un « grand trou dans la raquette » : les produits et services numériques ne relevaient pas de son champ d’application.

Le trou est maintenant comblé avec l’ordonnance relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques qui a finalement été publiée le 29 septembre 2021 (ordonnance 2021-1247 du 29-9-2021).

Son champ d’application est en réalité plus large que les produits et services numériques. Elle transpose en droit français :

  • la directive UE 2019/770 du 20 mai 2019, relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques ;
  • et la directive UE 2019/771 du 20 mai 2019, relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens.

Elle complète le code de la consommation sur certains points.

Compte tenu de l’omniprésence dans notre quotidien du numérique et des objets informatiques, il est intéressant de connaître les principaux apports de l’ordonnance. Cette connaissance est d’autant plus importante pour le professionnel, fabricant ou vendeur/prestataire de service, pour lequel il convient, si cela n’a pas été déjà fait, d’adapter ses conditions générales de vente ou de services.

Quels sont les produits et services concernés ?

Les contenus numériques sont les applications, les jeux, les films, les musiques… que l’on peut télécharger depuis un appareil électronique sur un support matériel comme une clé USB, ou bien stocker dans le cloud.

Les services numériques visent les services de vidéo à la demande, les abonnements à une chaîne de télévision numérique, les jeux en ligne…mais aussi les logiciels et les solutions de sécurité tels que les antivirus, ainsi que les services hébergés dans le cloud.

Sont cependant exclus certains contenus :

  • biens d’occasion vendus aux enchères publiques et biens vendus par autorité de justice ;
  • jeux d’argent et de hasard ;
  • services financiers ;
  • documents administratifs.

Quels sont les contrats concernés ?

La garantie légale de conformité est applicable aux contrats à titre onéreux conclus entre professionnels et consommateurs ainsi qu’aux contrats conclus entre professionnels et non professionnels.

Un contrat à titre onéreux est une convention par laquelle chacune des parties reçoit une prestation de l’autre en contrepartie. La contrepartie aux termes de l’ordonnance peut être la valorisation des données à caractère personnel collectées auprès d’un consommateur usager d’un réseau social.

Quelles sont les garanties légales dont bénéficient les consommateurs de produits et services numériques ?

Tout d’abord, l’ordonnance pose une présomption d’antériorité du défaut, c’est-à-dire que l’acheteur n’a pas à prouver que le défaut existait au moment de la vente et c’est au vendeur de prouver que le défaut n’existait pas.

En cas de défaut de conformité, le consommateur a droit à la mise en conformité du bien par réparation ou remplacement ou à la réduction du prix ou encore à la résolution du contrat. Le consommateur a, par ailleurs, le droit de suspendre le paiement de tout ou partie du prix ou la remise de l’avantage prévu au contrat jusqu’à ce que le vendeur ait satisfait aux obligations.

Le consommateur sollicite auprès du vendeur la mise en conformité du bien, en choisissant entre la réparation et le remplacement. À cette fin, le consommateur met le bien à la disposition du vendeur.

La mise en conformité du bien a lieu dans un délai raisonnable qui ne peut être supérieur à trente jours suivant la demande du consommateur et sans inconvénient majeur pour lui, compte tenu de la nature du bien et de l’usage recherché par le consommateur.

La mise en conformité du bien a lieu sans aucuns frais pour le consommateur.

Quelle est la durée de la garantie légale ?

Pour les contrats de fourniture des contenus numériques et des services numériques, les durées de la garantie légale sont les suivantes :

  • deux ans pour les contenus et services numériques acquis par une opération de fourniture unique (par exemple, téléchargement d’un fichier, achat d’un DVD), la présomption d’antériorité du défaut étant fixée à un an ;
  • une durée équivalente à la fourniture du contenu ou service numérique, si cet élément numérique est fourni de manière continue pendant une certaine durée prévue au contrat (par exemple, abonnement d’un an à une radio en streaming).

Tout bien réparé dans le cadre de la garantie légale de conformité bénéficie d’une extension de cette garantie de six mois.

 Tout bien réparé dans le cadre de la garantie légale de conformité bénéficie d’une extension de cette garantie de six mois. 

Quel est le régime des mises à jour ?

Les consommateurs de produits et services numériques pourront obtenir des mises à jour logicielles nécessaires au maintien de la conformité du bien.

Alors que ce n’était pas prévu dans les directives transcrites, le fabricant à l’obligation de fournir au vendeur une information sur la durée de fourniture des mises à jour et le vendeur doit en informer le consommateur.

S’agissant des mises à jour qui ne sont pas nécessaires au maintien de la conformité du bien, le contrat de vente doit autoriser le principe de telles mises à jour et en fournir une raison valable. Le vendeur informe le consommateur, de manière claire et compréhensible, raisonnablement en avance et sur un support durable, de la mise à jour envisagée en lui précisant la date à laquelle elle intervient. La mise à jour est effectuée sans coût supplémentaire pour le consommateur.

Le vendeur doit informer le consommateur que celui-ci est en droit de refuser la mise à jour ou, le cas échéant, de la désinstaller si la mise à jour a une incidence négative sur son accès au contenu numérique ou au service numérique ou encore à son utilisation de ceux-ci.

Quelles sont les obligations du fournisseur pour l’assistance technique des produits ?

Les service d’assistance technique, service après-vente ou service de traitement des réclamations doivent être accessibles par un service de communication vocale, par un numéro d’appel non géographique, fixe et non surtaxé.

Quelle est la durée des contrats de service numérique ?

Les contrats numériques ne peuvent avoir une durée minimale supérieure à 24 mois et en fin de contrat les consommateurs peuvent récupérer des contenus utilisés.

Quelles sont les sanctions applicables en cas de non-respect de l’ordonnance ?

Le consommateur a droit à une réduction du prix du bien ou à la résolution du contrat lorsque le professionnel refuse toute mise en conformité ou lorsque la mise en conformité intervient au-delà d’un délai de trente jours suivant la demande du consommateur ou encore si elle lui occasionne un inconvénient majeur.

Le consommateur a droit à une réduction du prix du bien ou à la résolution du contrat lorsque le professionnel refuse toute mise en conformité 

La réduction du prix est proportionnelle à la différence entre la valeur du bien délivré et la valeur de ce bien en l’absence du défaut de conformité. Le remboursement au consommateur des sommes dues par le vendeur est effectué dès réception du bien ou de la preuve de son renvoi par le consommateur et au plus tard dans les quatorze jours suivants.

Lorsque le professionnel n’a pas remboursé la totalité de la somme versée par le consommateur, cette somme est de plein droit majorée de 10 % si le remboursement intervient quatorze jours après la demande, majorée de 20 % trente jours après la demande et de 50 % ultérieurement.


Article extrait du n° 584 de Face au Risque : « Reconnaissance faciale » (juillet-août 2022).

Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour

Thibault du Manoir de Juaye
Avocat à la Cour, spécialiste de la sécurité et de la sûreté dans l’entreprise

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