Paris Cyber Week. Face à la crise, l’Europe du numérique doit jouer sa carte

7 octobre 20205 min

La Paris Cyber Week, dont la 2e édition était centrée autour du retour d’expérience de la crise sanitaire, a mis en évidence le double rôle de révélateur de vulnérabilités et d’accélérateur de tendances du Covid-19. Quelle réponse l’Europe peut-elle proposer afin de favoriser sa cyber-résilience ? Coopération et formation, autonomie technologique et souveraineté numérique ont été les maîtres-mots de ces deux jours d’échanges.

Malgré un contexte sanitaire de plus en plus tendu dans la capitale, la Paris Cyber Week s’est finalement déroulée les 30 septembre et 1er octobre 2020, à la Maison de la Chimie. Initialement programmé sur 3 jours, du 2 au 4 juin, à l’Hôtel des Arts et Métiers, l’événement a été contraint de faire preuve de souplesse afin de s’adapter au contexte : restriction du présentiel aux intervenants et invités de renom avec dispositif sanitaire drastique, diffusion des entretiens en streaming (plénières et ateliers) et modification du thème initial (« mener la transformation avec Confiance et saisir les opportunités du Numérique ») pour initier un premier « retour d’expérience sur la Covid-19 ».

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Ce sont donc 150 personnalités, provenant de 14 délégations européennes, qui ont débattu des premiers enseignements à tirer de la crise sanitaire en matière numérique. Des échanges riches, liés à la diversité des acteurs présents. A côté des décideurs du monde politique et de la sphère privée, on pouvait aussi noter la présence de certains membres de la société civile, notamment le hackeur éthique Baptiste Robert.

Crise sanitaire, crise numérique

Le recours massif au télétravail a mis en tension les systèmes d’information avec l’explosion des connexions. Parallèlement, l’improvisation du travail à distance pour beaucoup d’entreprises à relégué la cybersécurité au deuxième plan dans l’ordre des priorités, tandis que les outils numériques utilisés, comme Zoom, provenaient principalement de fournisseurs extra-européens.

Dans le même temps, les fausses informations ont circulé au moins autant que le virus. Profitant de l’appétence accrue pour l’information et de la baisse de vigilance provoquée par la pandémie, certains réseaux d’influence n’ont pas hésité à propager des fake-news. C’est ainsi qu’en mars l’unité de l’Europe a été mise à mal par l’aide généreuse et apparemment désintéressée prodiguée par la Chine et la Russie envers l’Italie à genou, en vérité une opération de propagande rondement menée.

La recrudescence des cyberattaques, dirigées vers des secteurs vitaux comme la santé, la défense ou d’autres opérateurs de services essentiels, a montré que les pirates du numérique savaient profiter des opportunités en ciblant la moindre faille des systèmes. Et qu’ils n’hésitaient pas à se parer de la cause humanitaire, via des campagnes de phishing ciblées, pour parvenir à leurs fins.

Des facteurs de vulnérabilité

Un certain nombre de défaillances au niveau de l’Europe ont été pointées du doigt, comme par exemple le manque de coordination entre les Etats membres en matière de réponse sanitaire. La taille insuffisante des acteurs de la filière numérique en Europe a aussi été mentionnée comme un handicap face à l’ampleur des enjeux technologiques, comme celui de la 5G ou du Cloud. Enfin, le danger de se retrouver à la merci de puissance hégémoniques comme les Etats-Unis, la Chine ou la Russie en matière d’innovation fait redouter que l’Europe ne devienne à nouveau le terrain d’une guerre froide qui ne dirait pas son nom.

En France, l’échec de l’application StopCovid est évocateur : lancement trop tardif, efficacité discutée, controverse sur la protection des données et sur le coût d’exploitation auront eu raison du premier geste barrière numérique initié dans l’Hexagone. Et doit-on évoquer son incompatibilité avec les autres applications européennes ?

L’Europe, une puissance qui s’ignore ?

Face aux critiques, les intervenants restent lucides : il reste du chemin à parcourir pour que l’Europe impose son propre modèle de développement du numérique. Néanmoins, les optimistes rappellent qu’il existe des résultats sur lesquels les 27 peuvent capitaliser. Notamment en matière réglementaire, avec l’adoption du RGPD et son exportation au Japon. « Le seul moyen d’asseoir la cybersécurité, c’est d’avoir un cadre réglementaire solide », entend-on souvent comme leitmotiv parmi les participants. Une réglementation qui ne doit cependant pas constituer un obstacle à l’innovation. Un autre consensus se dégage : la souveraineté numérique ne sera possible qu’avec l’identification des secteurs stratégiques de la filière et la poursuite de l’autonomie technologique, garante d’indépendance. Sans oublier l’éducation et la sensibilisation des différents acteurs, un autre chantier d’importance.

L’Europe saura-t-elle trouver son modèle de transition numérique ? Il est fortement permis d’y croire, puisqu’un invité surprise a été régulièrement convoqué autour de ces tables rondes : l’humain. Coopération public-privé, partage d’information, éducation et formation, confiance, protection et liberté, ces valeurs ont été répétées maintes fois au cours de ces deux journées d’échanges.

Rendez-vous en 2021 pour la 3e édition de la Paris Cyber Week, dont le thème a déjà été pressenti par l’organisateur, anticipant la présidence française de l’Union européenne prévue pour 2022.

Bernard Jaguenaud
Rédacteur en chef

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